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dimanche 3 octobre 2010

Bivouac en Mercantour






Le grand haruspice (Météo France) l'avait prédit : la journée de la saint Michel serait magnifique en montagne. Je ne pus partir la veille qu'assez tard et j'amorçais ma montée vers les lacs de Vens autour de19h30. Soleil couché mais assez de lumière pendant une demi-heure pour monter sur ce chemin facile sans éclairage artificiel. Avec ma frontale, je n'aurai pas eu la chance de me retrouver, au détour d'un lacet, face à face avec 3 chevreuils qui descendaient le chemin que je montais. Comme dans un film comique, ils ont freiné les uns contre les autres et basculer immédiatement dans la pente. Une seconde plus tard, je voyais le petit toupet blanc de leur queue bondissant 100 m plus bas. Ensuite j'allumais ma frontale. Je vis à une vingtaine de mètres les grands yeux phosphorescents d'un animal que ne pus identifier. Ma présence sur ce chemin très fréquenté en été était inhabituelle à cette heure-là.
Pour moi, c'était une découverte et je montais confiant dans la carte qui indiquait un plateau vers 2100m, le plateau de Morgon. Je pensais bien trouver un terrain suffisamment plat. Je n'avais pas besoin de beaucoup de place pour étendre mon sac de couchage. J'y arrivais vers 20h30 et j'installais rapidement mon bivouac. Ma technique s'améliore : dans le sursac, un duvet avec son matelas incorporé et un autre duvet (mon vieux duvet qui a dépassé les 30 ans) en couverture.  Dîner (chaud), coucher rapide au milieu d'une prairie bien douce au dos et  longue inspection du ciel jusqu'à l'arrivée de la lune vers minuit, précédée par Jupiter : 4 ou 5 étoiles filantes, Wega qui basculait vers le nord, Deneb encore visible à l'horizon, Cassiopée juste au dessus de ma tête.
A cette saison, les nuits commencent à être longues. Un des charmes du bivouac est justement de retrouver ces rythmes du jour et de la nuit. Quand on voit la lumière baisser, on sent que l'obscurité s'installe, inexorablement, pour un long moment. Quoi qu'on fasse ou qu'on veuille, il va falloir attendre que le soleil revienne.

Je n'ai pas emporté de livre car il fait trop froid pour garder les mains hors du sac. Alors j'écoute des podcasts de France Culture sur mon Iphone. Mon retour à la nature n'est pas total ! J'enfile successivement La Rumeur du monde de Jean-Marie Colombani (sur l'Iran) et l'Esprit public de Philippe Meyer. Voix familières qui tiennent compagnie.
L'aboiement d'un chevreuil sans doute peu satisfait de ma présence est le dernier bruit que j'entends sur fond de murmure du ruisseau qui s'écoule tout près.

Au réveil, je découvre enfin le paysage que la nuit m'avait caché. Je le contemple paresseusement car je n'ai guère envie de me lever pour rejoindre l'univers glacé qui entoure mon petit nid douillet couvert de givre. Il adû bien geler car ma bouteille d'eau n'est qu'un bloc de glace. Je reste donc bien emmitouflé, avec juste le museau qui pointe au dehors.

Puis la crête s'illumine peu à peu. Deux chamois passent en courant mais j'ai bien trop la flemme pour sortir mes mains du duvet à la recherche de mon appareil de photo.









Après une bonne heure de tergiversation, je transporte mes affaires au soleil, pendant que l'eau récoltée à la source voisine chauffe avant de se transformer en thé.

Mes 2 premiers visiteurs sont équins : une belle ânesse et un cheval noir trapu et taciturne. Ils ont passé la nuit sous le couvert des mélèzes pour s'éviter le givre. J'avais hésité à faire comme eux, mais je préférai finalement pouvoir contempler le ciel.
L'ânesse vient jusqu'à moi puis s'en retourne auprès de son compagnon. C'est une raffinée qui préfère boire l'eau réchauffée sur un rocher que celle, glacée, du torrent. Cette visite est suivie de 2 autres: d'abord, un couple de retraités qui vient de quitter son camping-car. Je partage mon thé avec eux, non leurs critiques sur la réglementation du parc qui leur interdit de stationner la nuit.. Ensuite, un jardinier et sa femme. Il prend quelques vacances après un été laborieux. Nous discutons de la réforme des retraites. Si j'ajoute un autre couple aperçu de loin, ce seront les seuls humains rencontrés jusqu'au retour dans la vallée.


La montée jusqu'aux lacs n'appelle pas de longs commentaires. Un chemin facile à flanc de montagne de découvrir l'enfilade magnifique des 3 lacs.








Ce n'est pas encore l'automne, même si quelques mélèzes commencent à jaunir. Mais, si l'on veut bien regarder, on découvre plein de couleurs éclatantes.






Un seul regret : je n'ai jamais vu aussi peu d'animaux lors de mes précédentes ballades en Mercantour : 3 chevreuils, 2 chamois aperçus de loin, une marmotte qui s'enfuit en ondulant, cela fait bien peu. Presque toute la ballade au dessus de 2 200 m est pourtant rythmée par les cris des marmottes. Impossible de les voir. Seraient-elles bien plus timides que leurs consœurs de la vallée de la Gordolasque ?

Je me console avec quelques papillons et criquets.






Un dernier regard sur l'Aiguille de Tortisse qui domine les lacs de Vens et c'est le retour.


1 commentaire:

  1. Surtout continue ! Grâce à tes formidables carnets de balade, associés à tes photos, et au plan (là, tu devrais pouvoir encore perfectionner ton affaire...), on randonne par procuration et c'est bien agréable pour les citadins forcés que nous sommes.
    JG

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