Pages

vendredi 22 octobre 2010

Brève histoire d'amour

Je le sais pourtant, cela ne se fait pas. On n'arrive pas à l'improviste sans prévenir. Sinon l'on s'expose à des spectacles que l'on aurait préféré ne jamais découvrir.
Contrôleurs aériens et manifestants s'étaient pourtant donné beaucoup de mal pour me laisser patienter 2 h sur mon siège avant le décollage puis en bloquant la sortie de l'aéroport pendant plus d'une heure.
Mais je finissais par pousser la petite barrière de bois qui ferme la terrasse, heureux comme toujours et comme à chaque fois d'être là.

Je découvrais alors dans la pénombre un couple de gros criquets que je dérangeais en train de fabriquer de futurs petits criquets sur la barre transversale de la barrière.


Ils se sentaient bien protégés derrière leur parapet de bois, invisibles à tout importun voyeur. C'était sans compter sans ma curiosité. Je sortais précipitamment de mon sac l'appareil de photo qui ne me quitte pas. Je faisais pivoter la barrière pour diriger la lumière du jour finissant sur leurs 2 corps étroitement plaqués l'un sur l'autre.


 La femelle était complètement écartelée sous le petit mâle cramponnée solidement à sa belle. Elle semblait comme crucifiée, ses pattes de grande sauteuse étendues dans une position totalement inhabituelle.

Ils ne bougeaient pratiquement pas, lui pas du tout, elle remuant à peine pour se plaquer toujours plus étroitement contre le bois.


Ils semblaient étrangement semblables, la grande femelle et le petit mâle.


Ses pattes arrière bien parallèles à celles de sa compagne, leur formidable rotule au dessus des siennes, il  empoigne fermement sa carapace de ses petites pattes avant, un peu ridicule mais bien décidé à ne pas se laisser distraire de sa tâche. Il a le regard vif de celui qui sait ce qu'il veut tandis qu'elle garde pudiquement les yeux mi-clos.


Je suppose qu'il préfère aussi sa position surélevée à l'aventure de se trouver face à face avec sa redoutable concubine.


Un bref instant il me semble percevoir dans leurs yeux semblables à des dômes de radar, comme une lueur un peu ironique, comme s'ils se moquaient de mon voyeurisme sans pourtant le réprouver totalement.



Puis lassés de constater que je suis décidément un goujat qui ne peut les laisser tranquilles, ils se mettent à pivoter tout doucement. Je dis "ils", mais je devrais dire plutôt "elle" car son petit mâle toujours cramponné fébrilement à elle, incapable de penser à un quelconque danger, incapable de renoncer ne serait-ce qu'une seconde à sa position actuelle, incapble de bouger, ne lui est d'aucune aide. C'est elle, accablée du poids de l'autre, qui doit prendre les choses en mains, si j'ose dire, et assurer leur salut à tous deux.

Elle amorce un lent virage à droite. Elle se déplace lentement, avec d'infinies précautions, car il ne faut pas glisser de la planche verticale avec ce lourd fardeau.



Les voici à l'horizontale sous la tranche de la planche du haut de la barrière, tous deux la tête en bas, toujours aussi collés l'un à l'autre malgré la pesanteur qui cherche à les séparer.


Ses pattes fichés dans les interstices du bois, elle se rapproche du montant vertical.


Les voici qui, toujours enlacés, descendent le montant vertical, tête en bas cette fois-ci. Ils se rapprochent lentement du sol.


Puis, elle se rapproche du bord pour estimer s'ils sont à une hauteur correcte pour sauter sans risquer de se désunir. Elle observe attentivement un certain temps, lui regarde machinalement par dessus son épaule mais on le sent confiant ou peut-être complètement ailleurs.



Sur le moment je ne comprenais pas le manège de ma belle sauterelle. Je ne le compris qu'après coup. Après qu'elle eut sauté avec son fidèle cavalier sur le sol. c'est bien une sauterelle.

On ne peut pas dire que j'ai vu le saut tant ce fut rapide ; a fortiori n'ai-je pu le photographier. J'ai entendu un bruit sec. Ils étaient sur le sol toujours collés l'un à l'autre. Incroyable saut de 50 cm. Je m'en voulais de les avoir effrayés au poinrt de leur avoir fait prendre un risque.

Mais non, tout allait bien, ils étaient déjà en train de ramper, couple inséparable, sous l'axe des roues du barbecue.


Ils cherchaient désespérément un peu de calme et d'intimité.


Aussi se dirigeaient-ils aussi rapidement que leur permettait leur étrange attelage vers l'intérieur de la roue pour retrouver l'ombre que j'avais dissipée en arrivant.

Je décidais de les laisser enfin tranquilles et je rentrai dans la maison. Mais il m'était bien difficile de ne pas chercher à les revoir. Je ne tins pas plus de 5 minutes.

Hélas pour moi, heureusement pour eux, ils étaient partis sans doute dans le mimosa voisin. Je les cherchais un bon moment. Ils avaient trouvé enfin un lieu propice, j'allais dire par habitude "à leurs ébats", mais aucun mot est plus mal approprié à un acte aussi immobile.

Brève histoire d'amour ai-je dit. Ou plutôt brève histoire d'un interminable amour.

Toutes les photos ont été prises le 19 octobre 2010. N'oubliez pas de cliquer dessus pour les agrandir.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire