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jeudi 7 octobre 2010

Voltaire contrebandier (3ème partie)


Voltaire organise sa défense.

Pour ce sortir de ce mauvais pas, Voltaire doit d'urgence arrêter le procès criminel entrepris avec légèreté contre le commis : «Après nous être tournés de tous les sens, il nous a paru que le procès criminel contre la Doiret était trop dangereux, parce qu'elle est trop connue sous le nom de Le Jeune, parce que tous nos domestiques seraient interrogés, parce que cette femme ayant demeuré huit jours avec eux, ils ont su qui elle est et qui est son mari; parce qu'enfin, ayant resté plusieurs jours chez nous et s'étant servie de notre équipage, nous sommes présumés être ses complices, quoique assurément nous en soyons bien éloignés ». Lettre du 4 janvier au comte.
Arrêter le procès, plus facile à dire qu’à faire. On parle de transférer l’affaire à la Tournelle de Dijon (nom de la chambre criminelle de Dijon, depuis 1534) : « On me mande qu'on pourra bien renvoyer toute l'affaire à la Tournelle de Dijon. Si la chose est ainsi, elle est funeste. On avait demandé à monsieur le vice-chancelier, par plusieurs mémoires, qu'il laissât au cours de la justice ordinaire le différend consistant dans le payement des habits achetés par la prétendue Doiret et dans l'estimation de l'équipage, et l'on se flattait que la malle, dans laquelle les commis avaient enfermé la contrebande de la Doiret, serait envoyée à monsieur le vice-chancelier selon l'usage, il y en avait déjà plusieurs exemples. Monsieur le vice-chancelier avait lui-même ordonné au receveur de ce bureau de lui envoyer, en droiture  [directement], toutes les marchandises de cette espèce qu'il pourrait saisir. On espérait donc avec raison que ces effets lui parviendraient bientôt, qu'il les garderait, qu'il en ferait ce qu'il lui plairait, que des amis et de la protection étoufferaient tout éclat sur cette partie du procès, le reste n'étant qu'une bagatelle.

Mais si malheureusement le tribunal, à qui cette affaire a été renvoyée, juge qu'elle est entièrement de la compétence de la Tournelle de Dijon, qu'arriverait-il alors? La malle de la Doiret sera portée à Dijon, la personne accusée [Dumesrel] dans le procès-verbal par un quidam[Voltaire]  sera confrontée avec ce quidam, on soupçonnera violemment cette personne d'avoir fourni elle-même des marchandises prohibées, trouvées dans son équipage. Son nom et la nature des effets exciteront une rumeur épouvantable, et, quel que soit l'événement de ce procès criminel, il ne peut être qu'affreux ».
 
Si l’on ne peut garder l’affaire entre soi, entre « philosophes », on ne sait jusqu’où cette affaire peut aller. Pour cela, il faut convaincre M. de Montyon de retarder la transmission de son rapport, dans l’attente que l’affaire soit étouffée. Il n’aura pas à mentir, l’action devenant sans objet.

Huber. Le souper des philosophes

Il faut ensuite distendre les liens entre Doiret et Le Jeune. Le fidèle Wagnière et un certain Bacle, simple témoin, vont certifier qu’il n’a jamais été question de Le Jeune lors de l’arrestation à Collonges. On fera même témoigner le beau-frère de la femme de charge de Voltaire qui pourra attester, sans parjure, puisque c’est vrai, que la Le Jeune n’est pas sa parente : « Réparez, autant que vous le pourrez, le dangereux énoncé que vous avez fait que la femme Doiret était parente de notre femme de charge; nous avons toujours affirmé tout le contraire, selon la plus exacte vérité. Nous avons même donné à monsieur le vice-chancelier, et par conséquent au président du bureau, la facilité de savoir au juste cette vérité par le moyen du président du grenier à sel de Versailles, beau-frère de notre femme de charge » au comte le 12 janvier.

On notera au passage que la hiérarchie des fonctions et des métiers est bien différente de ce que nous connaissons aujourd’hui. La femme de charge de Voltaire n’est pas une souillon, c’est la belle sœur d’un fonctionnaire important, président du grenier à sel de Versailles alors siège de la royauté. De même que la Le Jeune, épouse du valet de chambre de d’Argental, sait lire et écrire, connaît un libraire parisien et se trouve la sœur d’un chef d’escadre. Avec cette domesticité, nous sommes dans l’univers de Figaro. Ces figaros  qui vont demain racheter les propriétés de leurs maîtres vendues comme bien nationaux.

Deuxième opération défensive, il faut s’assurer du silence de Janin et pour cela obtenir la révocation du « scélérat ». On peut s’étonner que cela suffise à réduire au silence un homme qui devrait, au contraire, chercher à se venger du sort qu’on lui fait. On perçoit bien, dans cette occurrence, que la société du XVIIIème siècle est, sur ce point également, bien différente de la nôtre. Non pas qu’on ne puisse aujourd’hui réduire quelqu’un au silence en le menaçant. Nous en avons encore des exemples sous les yeux. Mais lorsque quelqu’un aujourd’hui n’a plus rien à perdre, on imagine mal qu’il se taise.
Or, ce qui inquiète Voltaire, ce n’est pas qu’il parle après avoir été limogé et même chassé de la région (« dès qu'il sera révoqué, je trouverai bien le moyen de lui faire vider le pays sur-le-champ, ne vous en mettez pas en peine. »), pour lui, cela va de soi qu’il se taira.  Ce qui l’agite, c’est la mollesse de d’Argentat qui n’intervient pas auprès des fermiers généraux, pour obtenir cette rvocation, alors qu’il est si facile de « parler » à des fermiers généraux.

Dans un post-scriptum à d’Argentat, il écrit « C'est sur quoi nous avons insisté dans toutes nos lettres, nous n'avons proposé l'intervention de M. de Courteilles que comme le croyant à portée, par lui ou par ses amis, d'engager les fermiers généraux, chargés du pays de Gex, à casser au plus vite ce malheureux. Nous vous répétons que c'est un préalable très- important pour empêcher que notre nom ne soit compromis et que nous ne soyons exposés à un procès criminel ».

Voltaire a raison : le marquis de Courteilles est tout à fait capable d’obtenir des fermiers généraux la révocation de l’un de leurs commis : il est intendant des Finances. Conseiller d’Etat et au Conseil du roi, ancien ambassadeur en Suisse, il devait décéder cette année 1767. Sa femme est plus souvent citée que lui car elle fit construire pour leur fille unique l’hôtel de Rochechouart, 110 rue de Grenelle, actuel siège du ministère de l’Education nationale, ainsi appelé car elle avait épousé le marquis de Rochechouart. Elle est visée par l’une des strophes du poème satirique,  les Sept péchés capitaux dont je parlerai en annexe.


L’insistance de Voltaire à demander la révocation de Janin « sans lui donner jamais d'autre emploi », cet homme peu respectable mais qui n’avait tué personne, est sans aucun doute la partie la moins plaisante de l’affaire : « Il n'y a rien que je ne fasse pour faire chasser ce monstre… Si j'étais plus jeune, je le ferais mourir sous le bâton… ». Il est vrai que Voltaire l’avait aidé, logé. Mais ce n’est pas la seule raison de cette dureté.

Voltaire et Janin appartiennent  bien à 2 mondes  totalement différents et qui s’ignorent, celui des puissants et celui de la « canaille ». Le combat que mène Voltaire, c’est celui des Lumières, contre l’obscurantisme de l’Infâme, combat qui se livre entre gens du même monde. On ne doit pas risquer de le mettre en danger par des péripéties sans signification. Janin sera effectivement renvoyé.

Comme Janin, le commis de Collonges, Dumesrel, n’est dangereux que  s’il reste au bureau de Collonges. Il sera alors interrogé et devra répondre. Révoqué, sa parole n’a plus de valeur, contrairement à celle de ses supérieurs nobles : « Il ne faut pas se flatter que les conseillers d'État, que les maîtres des requêtes qui composent ce bureau se tairont ;  il y aura de l'éclat si l'affaire n'est pas étouffée. Il faudra bien que le receveur de Collonges dise ses raisons. Il nommera le quidam qui a accompagné Mme Le Jeune, et ce quidam se trouve tout juste celui qui peut tout perdre, c'est ce fripon de Janin qui l'a vendue, après lui avoir fait les offres les plus pressantes, c'est ce Janin, contrôleur du bureau de Sacconex, dont nous obtiendrons probablement la destitution par M. Rougeot, fermier général, notre ami, et par M. de La Reynière  à qui nous avons écrit ».

Voltaire a décidé de prendre lui-même les choses en main en intervenant directement auprès des fermiers généraux de la région puisque d’Argental tarde à actionner les leviers nécessaires au niveau parisien.

Dans quelques années, ces fermiers généraux vont payer de leur vie, la réputation épouvantable que le XVIIIème siècle finissant leur a faite, même si tous ne sont pas des crapules. Voltaire connaissait bien Rougeot qu’il avait reçu plusieurs fois à Ferney. Il aimait reprendre à son compte l’opinion populaire et se moquait de lui en le nommant « Rougeot, fermier général, chargé de la ruine du Pays de Gex ». Mais il ajoutait « c’est un très bon homme ».

Ce pauvre Rougeot sera guillotiné, malgré ses 75 ans, le 8 mai 1794 en même temps que 27 autres fermiers généraux dont Lavoisier qui était chimiste génial de goût et fermier général de profession comme son père. Le motif invoqué par le Tribunal révolutionnaire sera populiste. On n’allait pas les exécuter pour avoir levé l’impôt. L’Etat n’envisageait pas supprimer les impôts ! Ils furent accusés d’avoir gagné leur fortune en trichant sur le tabac dont ils avaient le monopole et qu’ils auraient alourdi et donc renchéri en le mouillant. Triste de mourir pour un tel motif, mais un motif compris de tous.

Quant à Laurent Grimod de la Reynière, fermier général, il est le père du célèbre gastronome. Fils lui-même d’un fermier général, sa mort en 1793 lui évitera de connaître le sort  de Rougeot et de Lavoisier.

Mais pour l’instant, nos fermiers généraux sont de grands personnages. Dumesrel sera évincé de Collonges. Voltaire est donc allé jusqu’au bout pour se protéger. Il ne faut pas voir en Voltaire un être sans cœur dénué de tout scupule ;  il est aussi capable de générosité quand il s’agit de son cercle rapproché ou de son monde.
Il est plein d’attention pour Mme Le Jeune, puisqu’elle est la femme de charge de son ami, d’Argental : « Votre protégée me fait saigner le cœur, c'est assurément une femme de mérite. Elle est actuellement en Suisse, au milieu des neiges; elle n'en peut sortir, et certainement je ne la ferai pas revenir par la route de Genève, pour la faire passer devant les bureaux où elle est guettée. J'ai le plus grand soin d'elle dans la retraite où elle est. Elle ne manque de rien, et il ne lui en coûte rien ».

Enfin, dernière mesure, essentielle, il faut étouffer l’affaire et pour cela faire jouer toutes ses relations.

Son principal correspondant, le comte d’Argentat, est son ami de 60 ans, ainsi qu’il le décrit dans une lettre au duc de Richelieu : « C'est un homme que vous connaissez, un homme qui vous a obligation, un homme dont vous vous êtes plaint quelquefois à moi-même, un homme qui est mon ami depuis plus de soixante années, un homme enfin qui, par la plus singulière aventure du monde, m'a mis dans le plus étrange embarras [Voltaire ne manque pas d’air]. Je suis compromis pour lui de la manière la plus cruelle; mais je n'ai à lui reprocher que de s'être conduit avec un peu trop de mollesse et, quoi qu'il arrive, je ne trahirai point une amitié de soixante années, et j'aime mieux tout souffrir que de le compromettre à mon tour. Je vous défie de deviner le mot de l'énigme, et vous sentez bien que je ne puis écrire; mais vous devinez aisément la personne ».

Ce comte d’Argentat n’est pas un petit personnage, même si sa tante, la célèbre Mme de Tencin le tenait en piètre estime. En effet, Charles-Augustin de Ferriol d'Argental, que l'on surnomme "goussaut" dans la famille, est conseiller au Parlement de Paris en 1721. Il est intendant de Saint-Domingue en 1738, puis ambassadeur de France à Parme et à Piacenza entre 1759 et 1788. Tout ambassadeur qu’il soit, il  réside le plus souvent à Paris C’est l’ange gardien de Voltaire et son principal conseiller.
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Autre correspondant habituel de Voltaire, y compris dans cette affaire, Etienne Noël Damilaville,  né à Bordeaux le 21 novembre 1723, il devait mourir l’année suivante, le 13 décembre 1768. Premier commis au bureau du Vingtième [impôt direct de 5% sur, en principe, tous les revenus), Damilaville fut l’un des correspondants les plus assidus de Voltaire : on connaît à l’heure actuelle 540 lettres échelonnées sur une huitaine d’années. Ami de Denis Diderot, il a contribué à l’Encyclopédie qui lui doit ses articles « paix », « vingtième » et « population ».


Voltaire l'a reçu à Ferney l'année précédente pendant un mois.


Au-delà de ces deux amis, on trouve les hommes d’influence qui vont peser sur le dénouement de l’affaire.
En premier, le duc de Richelieu, à la fois grand du royaume et ami de longue date de Voltaire : il l’avait précédé dans les faveurs d’Emilie du Chastelet, le grand amour de Voltaire.
 Ce grand personnage débauché, petit-neveu du Cardinal, âgé à l’époque de 70 ans se préparait à partir pour Vienne afin de mener les tractations qui devaient conduire au mariage de Louis XVI avec Marie-Antoinette. Sa vie conjugale fut mouvementée ; premier mariage à 14 ans, troisième à 80. Voltaire se moque de sa verdeur : « Le favori de Vénus, de Minerve, et de Mars, s'est donc ressenti des infirmités attachées à la faiblesse humaine. Il a succombé sous la fatigue des plaisirs; mais je me flatte qu'il est bien rétabli, puisqu'il m'a écrit de sa main, il est d'ailleurs grand médecin, et c'est lui qui guérit les autres. Je n'ai pas l'honneur d'être de l'espèce de mon héros dès que les neiges couvrent la terre dans mon climat barbare, les taies blanches s'emparent de mes yeux, je perds presque entièrement la vue. Mon héros griffonne de sa main des lettres qu'à peine on peut lire, et moi, je ne peux écrire de ma belle écriture. J’entrerai d'ailleurs incessamment dans ma soixante et quatorzième année, ce qui exige de l'indulgence de mon héros. »

 Emilie du Châtelet, femme de sciences, traductrice de Newton,
amie de Voltaire pendant 15 ans. 

Voltaire affecte de le considérer comme un jeune homme par rapport à lui plus âgé de moins de 3 ans : « On aura l'honneur, monseigneur, de vous envoyer, par l'ordinaire prochain [le courrier normal], ce qui doit contribuer à vos amusements du carnaval ou du carême [la pièce de théâtre que Voltaire est en train d’achever] ; il faut le temps de mettre tout en règle, et de préparer les instructions nécessaires. Si on n'avait que soixante-dix ans, ce qui est une bagatelle, on viendrait en poste avec ses marionnettes, et on aurait la satisfaction de vous voir dans votre gloire de niquée [Malgré la réputation du duc, cette expression, très courante au XVIIIème siècle n’a pas la signification qu’on imaginerait aujourd’hui. Elle provient du nom d’une héroïne du roman de chevalerie, Amadis de Gaule. Elle signifie « être dans le bonheur parfait ».]



Plusieurs lettres sont adressées au chevalier de Beauteville, ambassadeur de France en Suisse, le médiateur français de l’année précédente. Voltaire ne lui parle que peu de son affaire mais envisage de se réfugier chez lui. Ce diplomate est aussi un homme de lettres avec lequel il parle littérature et notamment de sa tragédie, les Scythes, à laquelle il met la dernière main.
Le marquis François Claude de Chauvelin est actionné pour obtenir la révocation de Janin. C’est un correspondant fidèle de Voltaire et un personnage curieux. Il appartient à une vieille famille, mêlée depuis longtemps au pouvoir. Son oncle était garde des Sceaux de Louis XIV, un de ses frères, intendant de l’Artois et l’autre prêtre, connu pour avoir été l’artisan de la ruine des Jésuites.
Voltaire à sa table de travail.
Lui-même a été ambassadeur à Turin et Gènes. C’est en revenant de cette dernière ambassade qu’il fit la connaissance de Voltaire, alors installé aux Délices, aux portes de Genève. Cette rencontre est racontée par Casanova qui retrouva plusieurs fois le couple. Il n’était pas indifférent au charme de l’épouse de l’ambassadeur, beaucoup plus jeune que son époux.
Lieutenant général, il a commandé en Corse l’armée d’intervention de 15 000 hommes, de juillet 1768 à décembre 1769, lors des guerres de conquête qui firent suite à la vente de cette ile par les Génois. Après quelques succès, il subit un grave revers (la prise de Borgo par les insurgés corses et la capture de  400 soldats français) ce qui lui valut son rapatriement sur le continent.
Avant cet épisode guerrier, il était déjà intervenu en Corse lors de son ambassade à Gênes alors propriétaire de la Corse. Dans les troubles qui agitèrent la Corse à partir de 1729, Gènes était alliée de la France qui lui fournissait subsides et intervenait à sa demande. La France était intervenue notamment militairement en 1750-1752 pour rétablir le calme et s’opposer à l’influence anglaise. La Corse était administrée ces 2 années par le marquis de Cursay et Chauvelin était venu de son ambassade de Gènes pour négocier de nouvelles règles de gouvernement. Trouvant Cursay trop proches des Corses, il obtint son renvoi mais il dût partir lui-aussi, sans avoir pu mener à bien sa médiation.
Puis les Corses, de 1755 à 1768,  connurent leur seule période de gouvernement corse sous Paoli, avec une constitution républicaine, la première en Europe,  jusqu’à l’intervention française. 

Cette affaire corse est assez semblable à celle de Genève ; la France réprime et contient les tentatives révolutionnaires de ces petites républiques et il n’est pas étonnant que Jean-Jacques Rousseau, citoyen de Genève, ait été sollicité en 1756 pour écrire une constitution pour la Corse. Le rappel de ces faits devrait nous faire rabattre nos prétentions chauvines : nous n’avons pas inventé la république démocratique ni les droits de l’homme. Sans penser aux Etats-Unis, songeons à Genève ou à la Corse.

Chauvelin était également maître de la garde-robe du Roi, c'est-à-dire responsable de la logistique de Versailles où il avait un appartement (c’est là qu’il reçoit et répond aux lettres de Voltaire citées ici).
Enfin, c’était un lettré, et ses écrits comme ceux de Voltaire font l’essentiel de leurs échanges, lorsque Voltaire n’était pas inquiet pour sa sécurité. Il est célèbre pour son poème des Sept péchés capitaux (cf. annexe) 

Sa mort lui valut une dernière renommée dont sa famille se serait bien passée : il mourut subitement d’une attaque d’apoplexie (il était gros mangeur et, tout simplement, gros) en face de Louis XV avec lequel il jouait aux cartes. Il paraît, on veut bien le croire, que Louis XV  en fut terrorisé, une voyante lui ayant prédit qu’il mourrait un mois après le marquis. Chauvelin mourut en novembre 1773, Louis XV six mois plus tard. Alexandre Dumas père en a tiré un roman, le Testament de M. Chauvelin.

 La marquise de Chauvelin, par Greuze

Au moment de notre histoire, il a 51 ans (et sa femme 28) et il vient d’avoir un fils, son seul fils, qui traversa tous les régimes depuis la royauté jusqu’à la Restauration de Charles X. Sa mort elle-même eut, pour lui aussi, quelque chose d’historique, puisqu’il décéda lors de la célèbre épidémie de choléra de 1832 : militaire et notamment aide de camp de Rochambeau (le héros français de l’indépendance américaine), acteur de la révolution au Club des Feuillants qui réunissait nobles et bourgeois partisans des idées nouvelles, conseiller auprès de Talleyrand ambassadeur à Londres, puis ambassadeur lui-même, membre du Tribunat sous le consulat, préfet du département de la Lys (chef lieu Bruges !) sous l’Empire, député sous la Restauration. 

Voltaire avait, sans le savoir, prédit son avenir et, par là-même, l’avenir de toute cette génération dans une lettre étonnante écrite à Chauvelin père, celui dont nous parlons dans cette histoire, le 2 avril 1764 ; « Tout ce que je vois jette les semences d'une révolution qui arrivera immanquablement, et dont je n'aurai pas le plaisir d'être témoin. Les Français arrivent tard à tout, mais enfin ils arrivent. La lumière s'est tellement répandue de proche en proche qu’elle éclatera à la première occasion ; et alors, ce sera un beau tapage. Les jeunes gens sont bien heureux : ils verront de belles  choses ».

Avec ce correspondant de Voltaire, le marquis de Chauvelin, nous tenions l’acteur d’une des opérations militaires que  la France mena contre le progrès des Lumières. Le chevalier de Jaucourt campant sur les terres de Voltaire nous reliait à une autre opération contre la bourgeoisie représentative de Genève, une opération assez semblable dans ses intentions et son timing, avec celle de Corse.


Un autre correspondant et ami de Voltaire va nous relier avec une 3ème opération militaire, la guerre d’indépendance américaine. Cette fois-ci, il ne s’agit plus de contenir les idées républicaines et démocratiques. Le résultat sera inverse, même si l’objectif n’était pas celui-là mais simplement de rendre à l’Angleterre la monnaie de sa pièce et se venger de la perte du Québec à l’issue de la guerre de Sept ans.
Ce personnage, sur lequel il compte beaucoup, autant que sur les Choiseul, c’est le marquis de Chastellux. François de Chastellux (1734-1788) descendant d’une famille de vieille noblesse et qui conjugue comme nombre de ses contemporains une carrière militaire brillante et une activité littéraire soutenue. Sa bonne connaissance de l’anglais lui valut de rédiger le document de capitulation des Anglais après la bataille de Yorktown.
 
Autre personnage important pour Voltaire, le baron Auget de Monthyon qui doit instruire l’affaire pour le vice- chancelier. On lui demande de retarder l’envoi de son rapport à Maupeou, le temps de trouver une solution pour étouffer l’affaire. A voir ce qu’il devint par la suite, on peut imaginer qu’il a fallu insister sérieusement, d’autant plus que contrairement aux autres, ce n’était pas une relation de Voltaire, trop d’années les séparant.
A l’époque il est tout jeune puisqu’il a 34 ans. Il sera conseiller d’Etat (il doit donc être auditeur ou maître des requêtes), intendant du Limousin. Pendant la Révolution, il émigra en Angleterre et ne revint qu’après la chute de l’Empire. Lui aussi est écrivain, puisqu’il publia un livre de droit constitutionnel et des livres d’histoire et remporta en 1800 le prix de l’Académie royale de Suède pour sa dissertation sur les Progrès des Lumières au XVIIIème siècle. Il institua par testament plusieurs prix pour récompenser des travaux sur l’amélioration des conditions de travail, la médecine, la morale etc.. Sa vie avait dû s’arrêter en 1792 et il vécut dans les souvenirs de son passé : « Pendant l’émigration, il fut souvent consulté par les agents de Louis XVIII, à cause de la connaissance qu’il avait des traditions de l’ancienne administration. Ayant passé une partie de sa vie dans le grand monde de l’Ancien Régime, il avait la réputation d’être l’homme qui savait le plus d’anecdotes. Il les contait volontiers ; et le piquant de son esprit, joint à sa coiffure d’un autre siècle, ajoutait du charme à ses narrations. Cet homme respectable est mort le 29 décembre 1820, âgé de 87 ans » Annuaire nécrologique par Alphonse Mahul. 1821.
Avec Monthyon, on a le sentiment que l’on a changé d’époque en moins de 2 générations.  Même si ces contemporains devaient se moquer de son allure passéiste, le baron de Monthyon semble plutôt un personnage du XIXème siècle moralisateur où les masses populaires, détachées de l’emprise de l’Infâme par les philosophes, doivent être asservis au Dieu Travail. C’est un personnage tout droit sorti du « Rouge et le Noir ». Un homme en avance sur son temps, somme toute. On est bien loin de ces nobles et de ces bourgeois qui mettaient l’art d’être spirituel au dessus de tous les autres, et tenaient le plaisir pour l’un des premiers buts de la vie. Tel était l’avis de tous au XVIIIème, même d’un homme d’église, comme l’abbé d’Olivet dont on se souvient qu’il avait souhaité le Nouvel An 1767 à Voltaire :
« Les hommes, j'ai vécu assez pour les connaître, les hommes vaudraient-ils la peine que je perdisse un moment pour eux? Qu'est-ce que la gloire qui me viendra d'eux? Moins que rien, par rapport à mon bonheur. Qu'est-ce que les chagrins dont ils me menacent, si je veux obtenir la gloire? C'est quelque chose de réel, et qui, grâce à ma faiblesse, peut m'empêcher d'être heureux. Je passe ma vie, ante focum, si frigus erit, [devant le feu, s’il fait froid] avec Virgile, un Térence, un Molière, un Voltaire, et les six mois prochains, si messis, in horto, [au Jardin, si c’est le temps des moissons] aux Tuileries, dont je suis à quatre pas. »


Son principal protecteur est, outre le marquis de Chastellux,  le duc de Praslin, cousin de Choiseul.

« César Gabriel de Choiseul-Chevigny, marquis de Choiseul, puis duc de Praslin et pair de France (1763), comte de Chevigny et de La Rivière, vicomte de Melun et de Vaux, baron de La Flèche, de Sainte-Suzanne, et de Giry, seigneur de Chassy, est un militaire, diplomate et homme d'État français né le 15 août 1712 et mort le 15 novembre 1785. Il a était jusqu’à l’année dernière secrétaire d’Etat aux Affaires étrangères. Il est depuis la nomination de son cousin Choiseul aux Affaires étrangères, ministre de la marine. Encore aux Affaires étrangères, il écrivit au résident français de Genève, à propos de Rousseau « qu’il voyait tout le mal qu’un esprit adroit et méchant peut faire dans un Etat, où sous prétexte de de la liberté, il émeut les sentiments patriotiques de ses concitoyens pour satisfaire son ressentiment particulier ». Comme on le voit, il n’a pas peur d’utiliser la tactique habituelle pour disqualifier les idées démocratiques : le révolutionnaire ne serait qu’un aigri.   

 Dédicace au duc de Praslin

Voltaire ne s’adresse pas directement à lui et essaie d’obtenir son appui par l’intermédiaire de Madame d’Argental « Je l'estime [Praslin] trop pour penser qu'il craigne de se compromettre pour une amie telle que vous… Voila certainement de ces occasions où M. le duc de Praslin aurait pu parler sur-le-champ, interposer son crédit, donner sa parole d'honneur, et finir l'affaire en deux minutes. »

On remarquera cette conception de la parole d’honneur : La parole d’honneur, c’est la parole du Grand que l’on ne peut mettre en doute parce qu’elle fait autorité et non celle de l’honnête homme dont l’honneur consiste à dire le vrai.

S’il ne correspond pas directement avec lui, Voltaire le fait destinataire des premiers exemplaires de sa tragédie les Scythes.

Choiseul apparaît un certain nombre de fois dans les lettres de Voltaire. Il lui écrit personnellement plusieurs fois dans cette affaire, non pas pour cette question de douanes, mais pour s’assurer un meilleur ravitaillement malgré le blocus mis en place par son correspondant, alors ministre des Affaires étrangères et de Guerre. Le ton en est assez familier, loin de la flagornerie habituelle quand on s’adresse à un ministre.

Étienne-François, comte de Stainville puis duc de Choiseul, né le 28 juin 1719 à Nancy en Lorraine et mort le 8 mai 1785 à Chanteloup est, en effet, un libéral, même s’il ne s’est jamais investi en politique intérieure. Il est né en Lorraine, alors terre d’Empire. Ainé de la famille, il est envoyé en France tandis que son cadet servira l’Empire, c'est-à-dire ce qui deviendra l’Allemagne. Nous sommes bien au début du XVIIIème, à une époque où le nationalisme n’est pas encore né. C’est d’ailleurs lui qui prendra officiellement possession de la Lorraine en 1766, selon l’engagement qui en avait été donné lors du mariage de Louis XV avec la fille du duc de Lorraine.

Ambassadeur à Rome et à Vienne, secrétaire d’Etat puis ministre des Affaires étrangères, il met fin à la guerre de Sept ans, après plusieurs défaites françaises. Au moment de choisir quels territoires abandonner aux Anglais, il préfère les Antilles du sucre au Québec de la neige. C’est lui qui achète la Corse aux Génois.

Physiquement il était petit et laid. « Léger et frivole dans son privé jusqu’à l’effronterie, roué dans l’intrigue jusqu’au cynisme, il joignait aux grandes capacités de l’homme d’État, le rayonnement d’un chef de parti, et de ce double fait, il a dominé la vie politique de son temps. Son amoralisme dans les affaires de l’amour et du pouvoir – inextricablement enchevêtrées au long de sa carrière – ne l’empêchait pas d’avoir, à la différence de plusieurs de ses rivaux, une conception sérieuse et personnelle des tâches politiques. Laïque et libéral – admirateur du système britannique – il ne semble pas qu’il se fût jamais fortement attaché au projet de réformer l’État, bien qu’il en conçût la nécessité. Son domaine favori était la politique extérieure » Edgar Faure.

Favori de Mme de Pompadour, et sans doute pour cette raison, détesté par la du Barry, nouvelle favorite, il sera évincé sur son ordre et exilé dans son domaine de Chanteloup. Il revient à Versailles à la mort de Louis XV mais, accueilli par Louis XVI d’un « « Monsieur de Choiseul, vous avez perdu une partie de vos cheveux. », il comprend que son temps est passé et il repart pour Chanteloup où l’on vient le visiter, comme on visitait Voltaire, jusqu’à sa mort 11 ans plus tard.

Il faut citer enfin, celui auquel Voltaire ne s’adresse jamais directement, celui qu’il faut influencer, celui vers qui toutes les interventions convergent, le vice-chancelier de Maupeou.

René Nicolas Charles Augustin de Maupeou, marquis de Morangles et de Bully, vicomte de Bruyères-le-Châtel, est un magistrat et homme politique français né à Montpellier le 25 février 1714 et mort à Thuit (Eure) le 29 juillet 1792. A l’époque des faits, il est premier président au Parlement de Paris ; l’année suivante il sera garde des Sceaux. Il porte le titre de vice-chancelier, son père ayant reçu celui de chancelier de France pour avoir accepté de céder sa place de garde des Sceaux le lendemain de sa nomination. On savait alors ménager les susceptibilités.

Contrairement à la plupart des personnages cités plus haut, à l’exception de Choiseul, on a tous entendu parler de lui. C’est lui qui s’efforça de rénover les Parlements, hauts-lieux de la défense des privilèges. Il sera chancelier l’année suivante et cassera la toute puissance du Parlement de Paris. La noblesse, dont le Parlement défendait les privilèges, eut sa revanche en obtenant sa destitution lors de l’avènement de Louis XVI, un épisode parmi d’autres de la course à l’abîme de la monarchie et de l’aristocratie ultra. J’en ai déjà parlé. Il aurait dit à cette occasion «J'avais fait gagner au roi un procès de trois siècles. Il veut le reperdre, il est bien le maître ».  Il aurait ajouté « Il est foutu ».
Un contemporain en fait le portrait suivant : « C'était un homme petit, avec de gros yeux proéminents sous d'épais sourcils noirs, un front assez bas, un nez long et terminé en carré, une grande bouche relevée sur le côté, le teint jaune et bilieux. Il était sévère, pénétré de ses devoirs, infatigable au travail, abattant en se jouant une besogne considérable, capable de conduire une entreprise sans dévier, l'esprit toujours tendu sur les affaires. Ses défauts étaient l'excès de chaleur et la précipitation. ».

Voltaire ne connaît pas vraiment Maupeou. Il se souvient seulement d’avoir joué aux échecs avec lui : « Je n'avais l'honneur de le connaître que pour avoir joué aux échecs avec lui, il y a plus de cinquante ans ;  il pouvait me faire échec et mat cette fois-ci d'un seul mot. ».

Quand on sait combien Voltaire était mauvais joueur aux échecs, dans les 2 sens de l’expression (cf annexe), il n’est pas certain que le rappel de cette ancienne partie d’échecs lui aurait gagné les faveurs de Maupeou.

Je ne connais pas la généalogie descendante du chancelier Maupeou mais j’ai trouvé avec amusement 2 Maupeou sur Internet : Virginie de Maupeou, chef de projet marketing, et Anne de Maupeou qui s’occupe de création publicitaire à CB news ! Ô tempora, ô mores !


Voilà rapidement décrit le réseau de relations que Voltaire va mobiliser pour se sortir de ce guêpier de Collonges.

Toutefois, malgré la qualité de ce cercle, formé de philosophes, d’écrivains, de poètes qui sont aussi des hommes politiques ou des hommes d’influence, on n’est pas à l’abri de mauvaises surprises. Voltaire tient ses bagages près pour franchir la frontière. Il sollicite le duc de Richelieu qui lui doit de l’argent pour avoir le liquide nécessaire à la fuite.

Finalement, l’histoire se termine enfin comme il l’avait souhaité. Est-ce qu’il doit ce succès à ses hautes relations, ou bien, comme l’insinue Mme Denis, à l’intervention du frère de celle-ci, l’abbé Mignot. Pour Voltaire, c’est clair, sans ces hauts patronages, l’affaire n’aurait se terminer aussi bien : « On [Madame Denis] dit qu'il faut remercier deux ou trois maîtres des requêtes qui sont parents de l'abbé Mignot mais sans monsieur le vice-chancelier, il n'y avait rien de fait. » Lettre à d’Argental du 6 février.

 Il va pouvoir maintenant se consacrer totalement aux répétitions de sa tragédie, les Scythes.

Voltaire sur scène. Tableau de Huber.

« Votre créature l'a échappé belle, mes divins anges. Les conseillers d'État, les neiges et les maladies attachées à l'âge et à la rigueur du climat, me réduisaient à une pénible situation. Je
trouve que de tous les fléaux, la crainte est encore le pire ; elle glace le sang, elle m'a donné une espèce d'attaque d'apoplexie. Béni soit monsieur le vice-chancelier, qui a été mon premier decin. Mais jugez si j'ai pu, pendant un mois de transes continuelles, faire à ces pauvres Scythes ce que j'aurais fait si mon pauvre corps et mon âme avaient été moins tourmentés et moins affaiblis 
». Lettre du 6 février à d’Argental.


Au total, je reste perplexe.  Quelle part de responsabilité incombe à Voltaire dans cette affaire ? Il est difficile de croire qu’on pouvait lui emprunter un équipage, sans qu’il n’en demande la raison et donne son accord préalable. C’est d’autant plus invraisemblable qu’il écrit le 3 janvier : «  Monsieur l'ambassadeur a quitté, comme vous savez, Genève incognito; il a passé deux jours chez moi. ... Le bon de l'affaire est que je lui ai prêté tous mes chevaux, et que je n'en ai pas même pour envoyer chercher un médecin ».

Il ne plaide d’ailleurs jamais son innocence sur ce point, limitant ses dénégations au fait qu’il ne connaissait pas Mme Le Jeune ou plutôt qu’il n’avait pas commerce avec elle. Il invoque 2 faits pour attester de son innocence, ou, si l’on veut, de son ignorance : le procès qu’il intente contre le  receveur est absurde s’il connaît les tenants et les aboutissants de cette affaire. Mais, ce peut-être aussi une tactique, risquée, mais envisageable, tant qu’on ne connaît pas le vrai nom de la dame Le Jeune.

Autre argument qu’il utilise lui-même : allait-il prendre des risques pour faire passer 80 exemplaires du Vicaire savoyard de Rousseau, lui qui déteste l’homme et sa pensée ? Mais on ne croit guère que la dame Le Jeune n’ait pris que des Vicaire Savoyard.
De toute façon, il devait connaître l’opération sinon dans ses détails,  au moins dans ses grandes lignes.



On peut plus facilement le croire lorqu’il affirme n’avoir eu aucune relation avec Mme Le Jeune, bien que celle-ci ait séjourné  8 jours chez lui, qu’il vante son courage et invoque la mémoire de son frère, tué en Irlande,  avec le  duc de Richelieu « Aurait-on jamais imaginé que ce serait la sœur de ce brave Thurot tué en Irlande qui serait envoyée, à cent cinquante lieues, à un homme qu'elle ne connaît pas, qui s'attirerait une affaire capitale pour le plus médiocre intérêt, et qui mettrait dans le plus grand danger celui qui lui                   rendrait gratuitement service ? »

Voltaire prend son petit déjeuner. Tableau de Huber.

Peu importe à Voltaire, après tout. Le voici tiré d’affaire, libre de se consacrer à des choses plus positives.

Pour moi, subsiste une légère insatisfaction. N’ai-je rien de plus à apprendre de cette histoire sur la vie de mes ancêtres quivivaient dans ce Collonges où l’on arrêtaient Madame Le Jeune et l’équipage de Voltaire (ou de madame Denis) ?

1 commentaire:

  1. SUPER TRAVAIL TRES BIEN ECRIT ET EN PLUS DE BELLES PHOTOS ET ILLUSTRATIONS
    MERCI DE A VOUS DE NOUS FAIRE PARTAGER VOS CHRONIQUES !

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