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jeudi 7 octobre 2010

Voltaire contrebandier (annexe 1)


Casanova et Madame de Chauvelin


Casanova rencontra Monsieur et Madame de Chauvelin chez M. de Chauvigny, ambassadeur de France en Suisse, à Soleure, alors que le marquis de Chauvelin se rendait à son ambassade de Turin. Voici le récit de Casanova :

« M. de Chauvelin, que j’avais eu l’honneur de connaître à Versailles chez M. le duc de Choiseul, était un homme fort aimable. Il arriva à Soleure deux jours après, et M. l’ambassadeur m’ayant fait prévenir, je m’empressai d’aller lui faire ma cour. Il me reconnut et me présenta  à son épouse que je n’avais pas l’honneur de connaître. Comme le hasard voulut que je me trouvasse à table à côté de ma belle (madame de ***), la gaîté s’en mêla et je contai une foule de choses plaisantes. M. de Chauvelin dit à madame de *** que, pour la servir, il se transformerait en valet de pied, sur quoi M. de *** prenant la parole lui dit que mon goût était bien plus délicat, car celle pour qui je m’étais fait sommelier était logée sous le même toit à ma maison de campagne. Eh bien, monsieur Casanova, me dit M de Chauvelin, nous irons vous y faire une visite. J’allais répondre quand M. de Chavigny me prévenant, dit : Oui, sans doute, car j’espère bien qu’il me prêtera sa belle salle pour vous y donner un bal dimanche.
Ce fut ainsi que cet aimable courtisan m’empêcha de m’engager à donner un bal moi-même, et me releva de ma promesse fanfaronne qui m’aurait fait du tort, car j’aurais empiété sur le droit qu’avait l’ambassadeur de traiter seul, ces illustres étrangers pendant les 5 ou 6 jours qu’ils voulaient passer à Soleure. En outre, ma jactance m’aurait entrainé dans une dépense considérable et inutile pour mon but…


…Le dimanche de bon matin, les gens de l’ambassadeur vinrent préparer tout ce qui était nécessaire pour le bal et pour le souper…


Le bal, le souper, les rafraichissements et les convives furent délicieux et brillants. Je ne dansai qu’un seul menuet avec Mme de Chauvelin, ayant passé presque toute la nuit avec son époux. Je lui fis présent de ma traduction des Sept péchés capitaux qu’il reçut avec beaucoup de plaisir… 

M. de Chauvelin partit le surlendemain ». 
Casanova. Mémoires.

Ce bal précède de quelques jours une des aventures fameuses des Mémoires, celle où Casanova connaît sa nuit d’amour le plus torride avec la vieille veuve qu’il appelle « la boiteuse ».  Il a imaginé toute une mise en scène pour passer la nuit avec Mme de ***, dont il est amoureux, malgré la présence de son mari. La boiteuse, jalouse et agacée par ce séducteur un peu trop sûr de lui-même, a profité de l'obscurité pour prendre la place  de  Mme de ***. Casanova a déployé tout son savoir-faire pour éblouir sa belle qui lui offre une nuit de folie. Mais le lendemain, Il découvre son erreur : M de *** se plaint qu'il ne soit pas venu la rejoindre.

La lettre que la boiteuse lui écrit alors, pour parachever sa vengeance, ne manque pas de piquant pour un don Juan comme Casanova « Je me suis vengée en ce que vous ne pouvez plus la croire une merveille, puisque m’ayant prise pour elle, la différence entre elle et moi doit être nulle : mais je vous ai rendu un service important puisque cette certitude doit vous guérir de votre folle passion. Vous ne l’adorerez plus de préférence à toutes les autres femmes qui ne valent ni plus ni moins que cette belle »

Il faut relire ce texte superbe et peut-être, comme moi cette fois-ci, vous vous souviendrez aussi de Monsieur et de Madame de Chauvelin sur lesquels mon attention avait glissé sans laisser la moindre trace lors de ma 1ère lecture.

Les contemporains de Casanova ne devaient pas ignorer les Chauvelin avec la même indifférence que moi  :le marquis de Chauvelin était un personnage considérable qui, de plus, était connu dans l’Europe entière pour son célèbre poème « Les sept péchés capitaux ».

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