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jeudi 7 octobre 2010

Voltaire contrebandier (annexe 2)



Les sept péchés capitaux

Dans la première moitié du siècle, les soupers de Mme Chauvelin étaient célèbres pour la liberté des allures, le sans-gêne des conversations. C’est lors d’un de ces soupers, que le marquis de Chauvelin, ami de Voltaire, déclama le poème des Sept péchés capitaux qui allait le rendre célèbre dans l’Europe entière.


Maurepas raconte :

« A un souper chez Mme de Chauvelin, on observe que les sept péchés mortels étaient sept grâces ou sept bonnes qualités, et qu'il n'y avait que des théologiens qui pussent damner les chrétiens qui avaient de tels caractères : aussitôt on chercha quelle femme avait, plus que les autres dames invitées, la luxure en partage. On chercha dans une autre quelle qualité elle avait la plus proche de l'orgueil ; il y avait sept femmes invitées, et c'est ainsi qu'on les versifia les unes après les autres.


L'ORGUEIL

Mme la Vicomtesse de Montfleury.

L'orgueil vous doit un changement bien doux ;
Jadis il passait pour un vice ;
Depuis qu'il a le bonheur d'être à vous,
On le prendrait pour la justice.

L'AVARICE

Mme la Marquise de Surgères.

Quoique votre péché paraisse un peu bizarre,
Si vous vouliez, il deviendrait le mien ;
Iris, si vous étiez mon bien,
Je sens que j'en serais avare.

LA LUXURE

Mme de Monboissier.

Dût-il vous en coûter quelque peu d'innocence,
Un si joli péché doit peu vous alarmer ;
Vous savez trop le faire aimer
Pour ne lui pas devoir de la reconnaissance.

L'ENVIE

Mme la duchesse d'Aiguillon.

Peut-être je suis indulgent,
Mais à votre péché, Thémire, je fais grâce ;
Ne faut-il pas que je vous passe
Ce que j'éprouve en vous voyant ?


LA GOURMANDISE

Mme la marquise de Chauvelin.

En songeant à votre péché,
En vous voyant les traits d'un ange,
En vérité je suis fâché
De n'être pas quelque chose qu'on mange.

LA COLÈRE

Mme de Courteilles.

Sans vous défendre la colère,
Je vous y ferai renoncer ;
Il ne vous sera plus permis de l'exercer
Que contre ceux à qui vous n'aurez pas su plaire.

LA PARESSE

Mme Pinceau de Luce.

A ce péché vous semblez vous livrer.
Quand on est si sûre de plaire,
On fait bien de se reposer :
Il ne reste plus rien à faire

Mémoires du comte de Maurepas, Paris 1792, t. III, p. 275-277.



Voici la réponse de Voltaire adressée à Mme de Chauvelin

Les sept péchés que mortels on appelle
Furent chantés par monsieur votre époux :
Pour l’un des sept nous partageons son zèle,
Et pour vous plaire on les commettrait tous.
C’est grand pitié que vos vertus défendent,
Le plus chéri, le plus digne de vous,
Lorsque vos yeux malgré vous le demandent

In Correspondance littéraire, philosophique et critique de Grimm et de Diderot par Furne 1829

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