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dimanche 10 avril 2011

Les hérons sont-ils fatigués ?

Ce matin d'avril est encore bien brumeux et le château de Draveil qui domine ma maison émerge paresseusement de l'aube.


Depuis ma chambre, j'entends la joyeuse cacophonie des passereaux et, un peu plus loin, venant de l'étang, le vacarme tapageur des oies bernaches qui, décidément ne cessent de se chamailler dès potron-minet. Il est temps d'aller y faire un tour.

Tout semble paisible à regarder les choses de loin.



Les lapins finissent rapidement leur repas du matin, déjà inquiets.




C'est que les joggeurs ahanant et les joggeuses soupirant se succèdent à un rythme soutenu sur les larges allées, insensibles au paysage, les yeux mi-clos dans l'effort. J'ai beaucoup couru autrefois, presque tous les matins au Jardin du Luxembourg près duquel j'habitais. Je n'ai jamais compris pourquoi l'immense majorité des coureurs (presque exclusivement des hommes il y a 30 ou 40 ans) longeaient les grilles du jardin, le plus près possible des pots d'échappement des voitures, alors que de charmantes allées serpentent entre les arbres.. J'espérais que les nouvelles adeptes féminines introduiraient un peu de fantaisie dans la pratique rigide et purement utilitaire des hommes. Que nenni ! Elles aussi préfèrent le sol bien dur des allées rectilignes aux petits sentiers pleins d'imprévus.




Il n'est pourtant pas difficile de quitter les grands axes.




On peut, à quelques mètres de là, y faire des découvertes.



Ce héron est parfaitement immobile et je ne l'ai pas repéré tout de suite au milieu des canards. J'entends, juste au dessus de nous, le souffle court des joggeurs et le martèlement de leurs chaussures, mais ici, à couvert, le héron se sent en sécurité et me laisse approcher à quelques mètres.

Une petite brise se lève, la surface de l'eau se ride légèrement, projetant des raies de lumière sur le cou du bel oiseau qui semble agité d'un mouvement de déglutition.


Ai-je fait un mouvement trop brusque ou me suis-je trop approché, je l'inquiète et il s'envole avec légèreté.




L'envol des hérons est très élégant. Un grand battement d'aile et ils ont déjà décollé. Rien à voir avec les palmipèdes, bernaches, cygnes ou canards, qui battent bruyamment la surface de l'eau pendant des mètres avant de décoller lourdement.

Puis ils contractent leur cou en lui donnant la forme ramassée d'un "S" et  laissent traîner négligemment leurs longues pattes loin derrière.


 Ainsi profilés, ils ressemblent à un avion à ailes hautes, à un hydravion, ce qu'ils sont d'une certaine manière.





A grands coups lents, ils se déplacent calmement. Ils peuvent voler haut, mais aujourd'hui ils sont paresseux et se contentent de raser les flots. Les hérons seraient-ils fatigués ? Je crois simplement qu'ils limitent leurs efforts au strict minimum. Ils savent que les humains ne sont pas dangereux ici : un petit vol et les voilà hors de portée, sur une ile ou de l'autre côté de l'étang.

J'ai dit 'ils", au pluriel car ils sont plusieurs. Au moins 3, puisque j'en ai aperçu 3 en même temps. Ce matin, je voulais continuer d'observer les hérons et j'avoue les avoir un peu dérangés, ce qui n'est pas bien, sans savoir si je poursuivais le même ou si je passais de l'un à l'autre, incapable de repérer des individus, ce qu'ils sont pourtant, avec leur caractère et leur tempérament.

Voici, de l'autre côté d'un bras de l'étang, mon premier héron, celui que j'ai dérangé en arrivant. J'en suis certain car je l'ai suivi tout au long.


 Puis quelqu'un le dérange sans doute et le voici qui revient droit sur moi, tel un drone silencieux volant au ras des arbres.


 Sans doute m'a-il aperçu car il vire sur l'aile et me gratifie d'une jolie image à travers les feuilles qui semblent l'encadrer comme dans un montage photographique.


Mais non ce n'est pas un montage mais le fruit de beaucoup de chance. Avez-vous remarqué le curieux cheveux qui traîne derrière sa tête. C'est bien à lui, ce n'est pas une branche. On dirait le ruban qui flotte au béret d'un fusilier marin. Peut-être est-ce un signe suffisamment distinctif, d'un individu à l'autre, pour me permettre de les identifier ?


Je le retrouve, lui ou un autre, un peu plus loin, bien caché dans la pénombre, à l'opposé du soleil qui se lève peu à peu au dessus des arbres. Une fois de plus, à ma grande honte, je le dérange et il s'envole lourdement pour une autre retraite.




Je devais le retrouver un peu plus tard dans la prairie qui s'avance comme une presqu'ile au milieu de l'étang. Curieusement, il ne se détourne pas de moi mais se pose, bien en face, au point que sa tête étroite semble disparaître derrière son long bec.


 
Plus que jamais, il a l'air d'un aristocrate désargenté, un peu excentrique, un peu bohème, avec son boa de plumes en place d'un jabot de dentelle depuis longtemps réduit en lambeaux.


Il ne paraît pas éprouver la moindre crainte et je me prépare à un bon moment de cohabitation paisible quand je le vois s'envoler au loin. Cette fois, je n'y suis pour rien : je n'étais pas seul, contrairement à ce que j'imaginais.


Aussi décidais-je de laisser les hérons tranquilles. Quel terrible début de journée pour eux !

Heureusement, il y a bien d'autres scènes à observer autour de mon étang. Tenez ! Prenez un corbeau (ou plus exactement une corneille). Animal peu attirant, s'il en est. Observé de près, il est beau  avec son plumage luisant, aux reflets bleutés autour du cou et ses serres impressionnantes ; son envol est également spectaculaire.



De simples cols verts peuvent aussi suggérer une petite historiette.
"- Tu as as vu ce que j'ai vu ?
-Non, je n'ai rien remarqué."


"Viens, regardons ensemble, tu n'en reviendras pas "


D'autres,plus solitaires, méditent, comme des yogis, sur une seule jambe.

Les grèbes huppées sont, avec les poules d'eau, les oiseaux les plus farouches. Jamais on ne les voit s'approcher du bord si elles décèlent une présence insolite. Dommage, parce qu'avec leur petit  air effronté, elles me sont spontanément sympathiques. Voici un couple qui, après avoir pêché chacun de son côté, décide de changer de secteur. Chacun tournoyait à sa guise quand il s'agissait de plonger pour pécher. Maintenant les voici bien rangés à la queue-leu-leu, pour nager vers d'autres lieux.




Il est vrai qu'ailleurs le paysage est encore plus beau avec ses dégradés de vert tendre.


En poursuivant ma promenade, je dérange une poule d'eau qui s'enfuit, affolée, sur la pointe des pieds, comme une ballerine russe qui cherche à franchir le rideau de fer.



Mais l'attraction permanente, ce sont les bernaches. 


 Quelques-unes sont paisibles.  Sans doute des couples déjà formés depuis longtemps où le mâle ne passe pas son temps à agacer la femelle.


Mais c'est plutôt l'exception. Regardez notre couple. Madame abandonne brusquement sa toilette. Elle est aux aguets comme monsieur qui n'a cessé de surveiller les alentours.


La raison en est simple : un groupe d'agités se rapproche dangeureusement.



 La femelle poursuivie.



Zut ! ce petit moment de paix au soleil matinal est terminé, pense notre gentil couple. Il vaut mieux s'en aller car les affreux jojos arrivent.


La scène se répète, immuable. Monsieur commence par plastronner.



Puis il prend en chasse madame qui cherche à maintenir ses distances, sans forcer l'allure au delà du nécessaire car il ne faut pas s'épuiser : la journée va être longue.

Elle essaie d'abord de s'éloigner sans s'envoler et fonce comme un hors-bord à grands coups de palmes.


Mais cela ne suffit pas.





Puis monsieur passe devant et se retourne vers madame dans une attitude mi-comminatoire, mi-suppliante. C'est, tout au moins la façon dont je la perçois.



Madame n'a pas l'air de désapprouver. Et pourtant le cycle va encore recommencer.


D'autres sont encore plus à plaindre comme cette bernache qui s'est entortillée les ailes dans du fil de fer. Est-ce en cherchant à échapper à quelque importun ?




Mais il est déjà 11 h. Il est temps d'aller se mettre au travail. D'ailleurs, certains ou certaines ne se cachent pas pour me faire comprendre que ma place n'est plus ici.


C'est bon, je m'en vais, même s'il est dur de quitter ce lieu qui réserve tant de surprises.

Toutes ces photos ont été prises le 7 avril 2011 à Draveil.

1 commentaire:

  1. Superbes photos, accompagnées d'un sympathique et éclairant commentaire.

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