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dimanche 14 août 2011

Mini-jungle provençale (suite)

Comme annoncé, voici la suite de mon "voyage en jardin". Dès le lendemain de cette première incursion dans la mini-jungle provençale, je suis retourné aux mêmes endroits pour voir ce que devenaient mes petites bestioles. Force est de constater que la vie est rude dans la mini-jungle provençale. Pour certains insectes rencontrés hier, il ne s'agit pas d'une suite mais bien plutôt d'une fin.

En longeant mon mur d'observation, une brève lueur verte attire mon attention. Curieux éclat à cet endroit, en pleine paroi verticale. En m'approchant, je retrouve mon araignée sauteuse, celle d'hier peut-être ou sa soeur. Elle traîne un énorme fardeau, plus gros qu'elle, une mouche verte, celle d'hier ou sa soeur.



Elle me surveille de ses yeux postérieurs, situés sur le dessus de la tête. Bien pratique pour échapper à qui vous veut du mal, mais comment fait-on pour utiliser 4 paires d'yeux. Même si seulement 3 paires sont opérationnelles, car les yeux situés juste en avant des postérieurs sont minuscules et peut-être résiduels, une telle disposition doit impliquer une gymnastique mentale dont je n'ai pas d'idée. Est-ce que cela fonctionne comme le mur d'images d'un poste de surveillance vidéo, toutes les images affichées en même temps ? Ou bien, l'affichage est-il séquentiel ? A moins que son cerveau recompose avec toutes ces images une seule représentation, celle d'un monde continu, sans dessus ni dessous, sans avant ni arrière ?

Je ne sais si ma présence explique son agitation, mais je n'arrive pas à trouver une logique à ses va et vient. Ce doit être épuisant de transporter, la tête en bas, une charge aussi lourde. Elle descend avec des difficultés visibles. Va-t-elle atteindre le sol, disparaître dans le sillon qui sillonne le mur, à la jointure du revêtement de l'allée et du mur ? Non, avant même d'être en bas, elle remonte et réitère plusieurs fois ces pérégrinations apparemment sans but.

A un moment donné, elle semble vouloir planquer sa cproie dans une minuscule anfractuosité du mur.



La mouche a presque disparu. L'araignée va-t-elle enfin se reposer ? Non ! elle reprend sa course insensée sans s'arrêter.


Je décide donc de la laisser tranquille. Lorsque je reviens, 20 mn plus tard, elle erre toujours dans le même secteur. En revanche, la mouche, elle, a bien changé. Elle a perdu ses couleurs rutilantes et ressemble simplement à un morceau de viande qu'il va falloir ingérer.



Un peu plus haut, à quelques mètres de là, deux de mes rencontres d'hier jouent une scène semblable, celle qui unit le prédateur heureux qui renforce un peu plus son ancrage sur terre et sa victime qui a déjà quitté notre monde.


Le grand Asile vient de capturer un papillon, notre papillon mimétique (ou son frère) qui, vous vous en souvenez, se confondait avec l'écorce des chênes. Désormais c'est de son bourreau qu'il ne se distingue guère.


Immobiles, ils semblent pourtant entraînés, l'un et l'autre, dans une lente et langoureuse danse macabre qui laissera l'un d'eux, repus peut-être, mais seul.

Sur le sol, règnent les grosses fourmis . Elles le nettoient de tous ses cadavres, en emportant dans leurs sombres cavernes d'énormes prises de guerre, avec parfois l'aide d'une consoeur.



Je reviens visiter la touffe de lavande, encore en fleur, pour essayer de me reposer de toute cette violence. Las, même ces petits herbivores se chamaillent méchamment.

On pourrait penser que ce bourdon serait suffisamment rassuré par sa force imposante pour ne pas aller ennuyer qui ne lui a rien fait.



Il est même comique, un rien attendrissant quand on le voit voler, pattes et trompe bien repliées. On dirait une petite saucisse sans ailes, tant  la vitesse de leurs battements  les fait disparaître à ma vue humaine comme à celle de mon appareil.




Mais il ne faut pas se fier à cette impression. les fleurs de lavande ont beau être en nombre suffisant pour tout le monde, notre bourdon ne peut s'empêcher d'attaquer cette guêpe ; il faut dire qu'elle s'obstine malgré tout à revenir après plusieurs râclées qui paraissent pourtant sévères.



Il s'agrippe à la guêpe en train de butiner, pesant de tout son poids suspendu. Je ne sais ce qu'il fait par ailleurs, mais cela ne semble pas amical. Si l'on retourne la photo, la pose est encore plus suggestive.



Lors d'une nouvelle séance de correction, j'ai pu prendre cette photo de profil. On peut admirer la déchiqueteuse qui sert de bouche à la guêpe ainsi que les cerques au bout de l'abdomen du bourdon.


Je suis intrigué par une curieuse branche de la lavande. Elle me paraît bien épaisse. Pas étonnant, c'est une jeune mante religieuse, totalement immobile au milieu du bourdonnement des hyménoptères.


Tête en bas, elle attend sans doute la proie qu'elle saisira dans ses bras à la Popeye, hérissés de pointes acérées.


Je redresse la photo pour vous permettre de faire connaissance car, dans le monde des hommes, il est difficile de reconnaître quelqu'un renversé la tête en bas.


Je m'enhardis jusqu'à incliner la tige à l'horizontal sans qu'elle ne bouge. Elle fait, comme beaucoup d'insectes, plus confiance à son mimétisme qu'à sa capacité à fuir rapidement. J'admire ainsi ses jambes immenses avec lesquelles elle s'accroche sur plusieurs tiges à la fois.


Demain, devenue adulte comme ces mantes religieuses photographiées l'année dernière, elle sera encore plus inquiétante.







L'immobilité de la jeune mante religieuse ma fait penser à l'araignée d'hier, autre grande immobile au centre de sa toile.  Je me rends donc derrière la cahute en bois, dans le pyracantha où elle a tissé sa toile. Ici, tout n'est que calme, le calme du piège invisible qui se referme sur l'agité qui s'y est fourvoyé.

Pas de changement, pas de nouvelle prise. Quand j'arrive, la maîtresse de maison est en train de s'occuper de l'une de ses proies déjà comptabilisées. 


Puis, dès qu'elle me voie, elle court se positionner au centre de sa toile pour n'en plus bouger. Dès que je m'éloigne, elle s'active à nouveau, pour réparer sa toile ou vérifier que ses proies sont bien emmaillotées.
Si je me rapproche, elle fonce derechef au centre de son empire. Voici un trait de son comportement mystérieux qu'elle m'a permis de comprendre.

Heureusement, le monde n'est pas toujours sombre ; il y a encore de la couleur et de la joie. Les papillons ne meurent pas tous dans l'étreinte passionnée d'un grand asile.



Les mouches vertes savent, le plus souvent, échapper aux araignées sauteuses.


On peut même rire franchement en observant toute cette petite ménagerie. Ainsi le bombyle. 




Oublions un instant qu'il est une sorte de coucou des abeilles : la femelle bombarde les nids d'abeille solitaire avec ses oeufs ; ensuite, les larves  se développeront en mangeant les provisions des abeilles, voire en dévorant leurs larves. 

Regardons simplement son vol amusant.

Ce petit cône duveteux alterne vol stationnaire et brusque piqué, tout tendu vers une fleur, sa trompe immense y plongeant avant même l'atterrissage.



Encore une fois, car il m'amuse trop.




Telle est la loi de la mini-jungle provençale. Elle est minuscule.


Mais elle obéit aux mêmes règles que l'ensemble du règne animal. L'individu n'existe pas, même lorsqu'ils est conscient de lui-même, seules comptent les espèces et leurs équilibres. C'est ce que veut nous faire comprendre ce criquet philosophe qui se penche à notre oreille pour nous glisser cette vérité dérangeante.


1 commentaire:

  1. Quelle douce poésie qui résonne ainsi à mon oreille, Quelles belles images qui me dévoilent ce monde enchanteur !!! Merci pour ce circuit dans ta mini jungle provençale ..
    Ca y est aussi je suis enfin alertée de tes parutions ...
    Nath

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