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vendredi 9 septembre 2011

Deux cols, Trois bivouacs

Pour faire le tour du dispositif de défense de la 3ème compagnie du 74ème BAF, en 1939-40, je suis monté 3 fois bivouaquer autour du 15 août, profitant, situation plutôt exceptionnelle, d'un mois d'août sans orages en montagne : une fois depuis le hameau des Beaumettes, au-dessus de Péone ; la deuxième fois en partant de Roya pour rejoindre le même col de Crous par le nord ; enfin, depuis le hameau de Vignols pour atteindre le col de la Valette.



Tous ces lieux sont sont très proches, les uns des autres, quelques kilomètres les séparent au maximum, mais j'ai été frappé par la diversité des paysages et de la flore qu'on y rencontre. Cela tient à l'orientation des pentes mais aussi à l'extrême variété des sols du Mercantour.

Un exemple de ces changements de sol, au dessus de Vignols.




En montant depuis Péone ou Vignols, j'ai pu dormir confortablement dans une herbe épaisse. En revanche, au dessus se Roya,  près de la bergerie de Sallevieille, j'ai eu beaucoup de peine pour trouver un endroit à peu près convenable : c'était en pente, mais surtout, l'herbe était rare. Ce qui en faisait fonction était une petite plante épineuse, une sorte de chardon à ras du sol dont je craignais qu'il ne crève l'enveloppe de mon sursac. Il faut dire que chercher un lieu de bivouac à la nuit tombante n'est pas facile. Toujours cette sale habitude de monter trop tard. Je me suis donc calé les pieds contre un rocher afin de ne pas glisser et la nuit ne fut pas si mauvaise que cela.

A la nuit tombante, Las Donnas prend des allures de volcan presque menaçant.

De toute façon, rien ne peut gâcher la beauté des crépuscules et des aubes. En montagne, on comprend bien le sens de l'expression : la montée de la nuit, car la nuit effectivement monte, se rapproche, vous enveloppe. Il y a là quelque chose d'inexorable, une force tranquille que rien ne peut arrêter, suscitant inquiétude, si l'on n'est pas encore installé, ou bonheur de ces cycles indéfiniment recommencés, si l'on est bien au chaud dans son duvet. J'aime bien sentir cette puissance à l'oeuvre, j'essaie de m'imaginer roulé à toute vitesse dans le ciel qui bascule, avec, malgré tous ces mouvements vertigineux, la tranquille assurance que vous donne la terre bien ferme (autre expression évocatrice) sous votre dos. Je retrouve alors la certitude que la ville nous fait oublier, le sentiment d'être bien planté sur la terre-mère, celle qui nous a enfanté et qui nous reprendra, celle auprès de laquelle le guerrier blessé, le malade, cherchent à puiser l'énergie primordiale.

En montant depuis Vignols. Je suis loin d'être arrivé et le soleil est pratiquement couché.
La Vionène, coule dans cette vallée encaissée que l'on suit depuis Roubion,, par une mauvaise piste, pour atteindre Vignols.

Le soleil est couché, la nuit est tombée sur le col de la Valette.

Il est vrai aussi que quelque douleur sciatique, quelque ankylose viennent, maintenant, perturber parfois la rêverie et me ramener à plus de retenue dans l'envolée lyrique.

Mes 3 dernières ballades furent suffisamment rapprochées dans le temps pour que la lune éclaire les 3 fois,   le paysage au point de dessiner des ombres autour de moi. Je n'ai pas vécu la nuit noire, celle où l'on ne voit pas sa main, ni l'interlocuteur qui vous parle. Je me souviens de cette nuit dans le sud marocain où, près d'une forteresse en partie ruinée qu’occupait une pauvre famille, j'avais conversé avec des gens dont je ne voyais ni les lèvres ni les yeux, 2 repères si essentiels pour la compréhension des mots ; j'imaginais les longues veillées de nos ancêtres quand le feu s'était éteint et que l'ombre vous colle au visage.Comment alors ne pas rêver des Dieux et de leur toute puissance.

Point besoin de description pour le jour qui se lève. Tout le monde connait cela au moins en hiver car la scène se déroule à des heures convenables. Voici la séquence de ce lever, au dessus de Roya.



La lune se couche.

La cabane de Sallevieille sous un éclairage rasant.

De l'autre côté du vallon, la lumière éclaire enfin ce mélèze rescapé des avalanches et de la foudre.

Le soleil est maintenant complètement levé et je découvre pour la 1ère fois  le paysage qui m'avait entouré pendant la nuit.

A gauche, Las Donnas. Dans la vallée les maisons de Roya et son église.





En face de moi, un alpage que je n'avais pu voir au crépuscule. Il semble peu ou même, plus du tout, fréquenté, avec sa petite cabane abandonnée.

La cabane est à peine visible, tout en bas à droite.



Un oiseau, dont j'ignore le nom, vient assister à mon lever.


Je retrouverai un peu plus tard ces mêmes oiseaux.




Voici maintenant le lever du soleil au col de la Valette.

Le soleil se lève derrière le mont Gravières.


Avons-nous passé la nuit ensemble ?  Je ne pense pas.
Je découvre cette grosse  araignée sur mon sac qui me sert d'oreiller.

Mon bivouac.

Ensuite, les affaires remballées, petit-déjeuner pris, il est temps de partir. A la montée, mais surtout à la descente, je suis à l'affût de la flore et de la faune. En cette fin d'été, la flore est peu abondante mais suffisamment diverse, d'une vallée à l'autre,  pour maintenir l'attention en éveil.

J'ai déjà publié des photos de fleurs prises sur le flanc sud du col de Crous : une flore tout à fait alpine que l'on pourrait trouver dans ma Savoie natale. En voici quelques exemples encore, du même acabit :




Passons maintenant au fleurs aperçues au dessus de Roya, pendant cette jolie ballade à flanc de montagne qui conduit de la cabane de Sallevieille au col de Crous, le long du mont Frémant. La végétation est pauvre, sèche. Surtout des sortes de petits chardons, qu’affectionnent guêpes et papillons donc les sources de pollen sont rares.



 Cette abeille charbonnière semble couverte de cotillons.

Deux papillons sur une même fleur, c'est dire combien la ressource est rare.

Près  de Roya, cette fleur que je n'avais encore jamais vue.



Enfin ce champignon d'un jaune intense, à peine sorti de terre. Comestible ? je ne sais pas. Trop beau pour l'être.



Du col de la Valette à Vignols, la 3ème fois, j'ai retrouvé des espèces bien connues. Cette sorte d'oeillet a un comportement étrange : tantôt elle se regroupe en grappe dense, tantôt, solitaire, elle recherche la compagnie d'autres espèces.



J'aime bien également ces étoiles argentées qui ne sont presque plus des fleurs.



Sur le mont Gravières, d'énormes columelles semblent tracer un chemin de géant.



Mais j'ai eu droit, là aussi, à mon lot de surprise..



Près de l'arrivée à Vignols, un buisson fleuri au bord du chemin :


Toutefois, ce sont les insectes qui m'arrêtent le plus souvent et le plus longtemps. Les papillons en premier lieu, même si les nouveautés sont rares. mais ils sont tellement beaux que je ne m'en lasse pas.




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Le soir était venu. La lumière rasante éclairait les ailes par transparence. Je suis resté un bon moment auprès de celui-ci car son corps verdâtre donnait par moments de curieux reflets à ses ailes.



C'était surtout un goulu qui arborait une trompe énorme,  allant jusqu'à s'enfoncer la tête première dans la fleur.





Certains étaient déjà bien abîmés par la vie.


Il faut dire qu'il ne doit pas être facile de maintenir dans un vent parfois violent des ailes aussi gigantesques.





D'autres sont tout simplement magnifiques. Aucune couleur, aucun liseré, aucune découpe ne manquent à l'appel.


L'animal le plus répandu à cette saison n'est pas spécialement beau. Le photographier n'est pas non plus difficile tant les individus pullulent. De plus, le criquet se fige quand il se sent observé au point que j'ai manqué en écraser un bien involontairement.



Une autre espèce, dont je n'ai vu que ce spécimen.

J'ai passé beaucoup de temps, j'ai gâché beaucoup de pellicule, si je peux utiliser cet archaïsme, pour essayer d'enregistrer en vidéo, le frottement de leurs pattes arrière, les pattes rouges, sur leurs élytres, produisant ce bruit si caractéristique  : ils semblent remonter dans un 1er temps le mécanisme par ce double frottement répété 3 ou 4 fois ; puis ils stoppent et les élytres vibrent un moment de manière continue. Cela m'évoque les petites voitures de mon enfance (ou de mes petits enfants, cela n'a pas changé) que l'on remonte en les faisant reculer et qui filent d'une traite quand on les relâche. Ces diables de criquets sont de grands enfants car ils ne se lassent pas de ce jeu.

Mais enregistrer ce geste si répété et si répétitif  se heurte à une double difficulté : l'animal n'aime pas qu'on l'observe quand il joue. Il se fige et finie la musique. Deuxième difficulté propre à mon reflex : faire le point sur un si petit objet. C'est déjà difficile en visant par l'oculaire. C'est quasi impossible en visant par l'écran arrière de l'appareil car on ne peut se fier à l'autofocus . le résultat n'est pas brillant.




Autre exploit des criquets que j'aimerais bien filmer, mais là, je n'ai même pas essayé : leurs sauts et surtout la réception de leurs sauts. Ils font penser à ces clowns acrobates qui tombent, roulent, trébuchent avec une maîtrise parfaite de leur maladresse apparente. Les criquets donnent l'impression de ne pas savoir doser leurs sauts ni les orienter parfaitement. Parfois, ils roulent en atterrissant, culbutent sur la tête, empoignent un brin d'herbe et se laissent glisser jusqu'au sol, ou bien ratent leur cible et percutent un obstacle qui les renvoie sur le dos. Etc., etc. Leur saut est vif, imprévisible. Il faudra parier sur la chance.

Et puis l'on arrive ainsi sans y penser en bas. A Vignols,, une dernière surprise, un insecte déjà vu en marron mais non en vert.



Pas très sympathique, ce cuirassé échappé d'un film de science-fiction. Je l'ai trouvé près de la petite chapelle dédiée à Sainte Elisabet, la mère de Saint Jean Baptiste, le patron des bergers. On reste dans le même secteur. Elle vient d'être restaurée.




C'est tout le hameau qui est une sorte de crèche avec ses grottes profondes qui servent d'abri aux bêtes.




Vignols n'était pas seulement le point de départ des troupeaux qui transhumaient vers les alpages de Logon et de la Valette. C'était aussi, parait-il, le "grenier de Roubion". Les terrasses, désormais herbeuses, parcourues par les brebis et les chèvres, étaient autrefois des terres à blé, aussi soigneusement entretenues que les rizières d'Indonésie.



Au bas du col de Crous, près de Roya, on devait cultiver également les mêmes céréales, car, pour l'élevage, ce formidable de travail de soutènement de la terre et d'élimination des pierres, aurait été inutile.


Au dessus de Roya. 
Aucun "Barrage contre le Pacifique' n'arrêtera la progression inéluctable de l'érosion.

Me voici au terme de mes 3 ballades. Pour terminer cette série sur le col de Crous, un dernier regard circulaire :




2 commentaires:

  1. Merci pour ce beau voyage Michel ..

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  2. pour avoir fait cette balade sur 3 jours, ( beuil / col des moulines / "plateau du démant " bivouac pointe blanche " / petit et mont Mounier / Col de crousette " bivouac vallon de sallevieille " / Roya / col du blainon / Auron. je peut affirmer que cette randonnée est on ne peut plus superbe ( je ne parle pas du grandiose panorama offert au Mounier et pour ceux qui appréhenderont l'arête de ce dernier, le plateau du petit Mounier n'est pas en reste. Merci à vous de m'avoir rafraichi la mémoire j'ai fait à cet occasionun diapo photos musical trop lourd pour être diffusé sur la toile 4G0 . et qui sait à un de ces jours peut-être dans ce jardin Merveille du Mercantour.

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