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samedi 31 décembre 2011

Joyeuse année 2012 !


Voici la 2ème année que je vous souhaite, chère lectrice, cher lecteur, mes voeux de joie et de bonheur pour le Nouvel An.

 Ne pouvant vous joindre autrement, je vous adresse par cette voie électronique la carte que je vais envoyer à ceux, membres de  ma famille et  amis, dont je connais l'adresse. 

Je suis en effet attaché à cette coutume rétrograde (et que certains jugent polluante) qui veut que l'on s'échange des lettres à cette occasion et non de simples mails. Il est des cartes électroniques splendides ou amusantes, je ne le nie pas, et je prends plaisir aussi à les "ouvrir" d'un clic, dans la chaleur de mon bureau. Mais rien ne vaut, pour moi, le plaisir d'aller, même sous la pluie battante, jusqu'à  ma boite aux lettres, de soupeser dans ma main les envois du jour provenant de cette cohorte tous les ans un peu plus réduite, qui m'envoie une carte manuscrite dont j'ai l'impression qu'elle s'adresse à moi seul, de les ouvrir "vraiment" avec un coupe-papier, de les déchiffrer, puis de les retourner pour tenter de percer les raisons d'un choix d'illustration : aide pour une organisation charitable, image joyeuse ou apaisante, oeuvre d'art plus ou moins célèbre, pêle-mêle familiaux, etc...

On dévoile naturellement quelque chose de soi dans ce travail de sélection. Pour ma part, je me fixe quelques règles : changer de style, par rapport à la précédente, écarter les images trop typées, limiter ma recherche aux photos prises dans l'année qui vient de s'achever, etc... Ces principes objectifs me permettent de faire "comme si" le tri se faisait de lui-même, sans m'impliquer directement. Ce qui est naturellement faux, mais j'ai encore bien des réticences à afficher mes parti-pris.

Ma carte pour cette année reprend la partie centrale d'un triptyque photographié cet été à Saluces (Salluzo, dans le Piémont italien). Je voulais connaître cette ville qui fut française, savoyarde et italienne. Elle est liée, d'une certaine manière, à l'histoire de ma famille maternelle, puisque le marquisat de Saluces fut un des éléments du marchandage qui fit des Dufour du Pays de Gex, des citoyens français en 1601 : en échange, le marquisat de Saluces passait définitivement à la Maison de Savoie.



Lorsque Jacobino Longo peignit cette Adoration des Rois Mages, vers 1530, Saluces était encore dans l'escarcelle française. Le tableau se trouve actuellement dans la Villa Cavassa, construite vers 1490 par Galeazzo Cavassa vicaire général du marquisat du temps des 4 marquis de Lur-Saluces, tous les 4, frères, qui en furent successivement les maîtres, au gré du bon vouloir des rois de France. J'ai dans mes cartons cette histoire que je publierai le jour où j'aurais le courage de la terminer.

Cette Adoration des Mages n'est pas le tableau le plus célèbre que le marquis Emmanuel d'Azeglio acheta au XIXème siècle pour meubler cette demeure dans le style du Cinquecento. Les spécialistes lui préfèrent la Vierge de Miséricorde du peintre flamand installé dans le marquisat à la même époque, Hans Clemer.



Si j'ai choisi cette Adoration des Rois Mages, ce n'est pas par goût esthétique, même si j'aime beaucoup ce tableau, encore moins pour des convictions religieuses que je ne partage pas. Je demande, d'ailleurs, à mes lecteurs qui ne sont pas de culture chrétienne de bien vouloir excuser cette représentation. Je ne cherche pas, encore moins en ce jour, à choquer qui que ce soit. Pour ma part, je ne vois dans cette peinture qu'une scène familiale de présentation d'un nouveau-né à une famille en adoration devant lui, comme nous le sommes tous dans la même situation. Mystère de l'engendrement d'un être pensant.

Alors pourquoi ce choix ? Qu'est-ce qui me touche dans ce tableau pour que je tente de vous faire partager la même émotion ?

Dès le premier coup d'oeil, le tableau me sembla étrange. Sa composition était assez inhabituelle. Rien, ni l'éclairage de la scène, ni la composition du tableau, ne trahit l'élection particulière du bébé, si ce n'est la convergence des regards. Des regards de tous, sauf d'un seul, qui nous regarde droit dans les yeux. Balthazar, le Roi Mage noir ne se contente pas d'ignorer l'enfant-divin; il est, au sens strict, le personnage central, inscrit dans le V que forme la Sainte Famille d'une part, les visiteurs plus ou moins illustres, de l'autre.

Pourtant, tout central qu'il soit, il semble en retrait, un peu à l'écart de la fête. Son regard nous accroche et il est difficile de s'en détourner pour s'intéresser au sujet même du tableau. Quelle émotion, quelle peine, peut-être, l'empêche de prendre part à cette cérémonie  qui a pourtant motivé son long voyage jusque vers nous, tandis que tous, autour de lui, communient dans une adoration qui les rapproche sans qu'il leur soit nécessaire de se regarder ou de se parler ? Même ceux qui sont trop éloignés de la scène pour apercevoir la Sainte Famille ne sont pas aussi seuls que lui ; ils papotent. Balthazar, lui, ne communique avec personne alentour ; c'est avec nous qu'il veut entrer en contact, nous qui sommes exclus comme lui de la scène. Qu'attend-il de nous ?

Je ne suis pas spécialiste d'histoire de l'art mais il me semble que cette représentation d'un thème classique est originale. Jésus est souvent placé au centre et Balthazar sur le côté. Quelle était l'intention de Jacobino Longo en substituant Balthazar à l'Enfant Jésus ? Je l'ignore. Personnellement, j'y vois une sorte de subversion de l'ordre habituel, un appel au respect de tous, de tous les vivants sur cette terre qui nous est commune, une invite, presque une supplication à être plus accueillant, moins ethno-centré, plus ouvert à tous les exclus de notre société d'abondance.

Voilà pour quoi j'ai choisi cette image afin de vous souhaiter une heureuse, pacifique et tolérante année 2012.


Photos prises en juillet 2011 dans la Villa Cavassa à Saluzzo.

1 commentaire:

  1. On peut, on doit, cher André Besse, même sans être de confession chrétienne ( Athée convaincu je suis depuis toujours) admirer le choix que vous fîtes, et je fus, jadis, lors d'un grand périple cycliste, frappé de stupeur quasi-religieuse en visitant le Taj Mahal, comme je le fus aussi, en descendant dans le cratère fumant du petit volcan Vitti en Islande: la Beauté existe partout, suffit simplement de la chercher, de la goûter amplement … comme vous le faites admirablement, par exemple avec cette carte de voeux qui me fait me sentir honteux de celles que j'ai adressées à droite et à gauche ( dromacarte, Internaute, FuturaSciences…) Merci encore. Gabriel de Verdun

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