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vendredi 27 janvier 2012

Du rififi à la frontière franco-italienne. 2ème partie Intermède.

C'est bien beau de rédiger des articles sur l'évolution de la frontière franco-italienne, mais c'est une activité sédentaire, mangeuse de temps. Faisons une pose et profitons de ces belles journées de janvier dans l'arrière-pays niçois.

La nature n'est jamais aussi terne ici qu'elle peut l'être plus au nord. Il y a, bien sûr, les pins, les chênes verts, les oliviers et les arbustes des taillis qui apportent chacun à leur manière une touche de ce vert qui leur est propre, mais même les chênes blancs qui, comme dans le nord, sont des arbres à feuilles caduques, contribuent aussi à colorer le paysage : en fait, ils ne perdront leurs feuilles de l'année précédentes que lors de la pousse de celles de cette année. D'ici là, ils arborent toujours leurs feuilles d'un brun plus ou moins éclatant. Enfin, le soleil fait  la différence. Jamais les couleurs ne sont aussi éclatantes que sous la lumière d'hiver.


Oranger du mexique

A cette altitude, les mimosas ne sont pas encore épanouis malgré l'hiver exceptionnellement clément. Il faudra bien attendre au moins deux semaines, même si quelques brins se sont déjà ouverts. Les mésanges bleues préfèrent d'ailleurs ce moment où la future fleur ressemble à une graine.





En revanche, c'est la pleine saison pour le romarin qui bruit déjà du bourdonnement des guêpes, abeilles et bourdons ; ils profitent de la chaleur pour sortir de leur trou et faire provision de pollen. Il n'y a pas encore de papillons, pas d'araignées non plus, aucun autre insecte mais le bruit de leur vol suffit à faire rêver du printemps à venir.


L'élégance d'une fleur de romarin 






Les bagarres pour la même fleur sont déjà d'actualité :






Une spécialiste de varappe !




Les oiseaux trouvent encore beaucoup de nourriture dans les arbres et ils n'ont pas besoin de se rapprocher de la maison. La chasse photographique n'est pas vraiment fructueuse. Un pinson vu de loi, une mésange à tête noire inspectant les trous du mur d'une terrasse, des mésanges bleues grappillant le mimosa.

Pinson vu de bien loin et à contre-jour 



Mésange à tête noire

Voilà de quoi occuper, toutefois, une belle après-midi, tout en profitant de la chaleur douce d'un soleil généreux. Le lendemain, petite ballade pour découvrir un nouveau coin du Mercantour. Mon choix se porte sur une montagne qui domine Saint Martin-Vésubie et que j'aperçois lorsque je descends de chez moi dans la vallée du Var : ce n'est pas loin, la petite route qui y monte est orientée plein sud, il n'y aura donc pas de glace comme à Noël où j'ai bien cru que j'allais sortir de la route dans une glissade incontrôlable ; enfin, la Colmiane, la petite station de ski qui est au pied de la montagne, est accessible par la vallée de la Tinée alors que les travaux dans la vallée de la Vésubie, qui durent depuis plus d'un an, entraînent des arrêts et des retards imprévisibles.

Mon intention est aussi d'essayer sur le terrain un vieux télé-objectif au piqué remarquable, un 180mm ouvrant à 2,8 que j'ai délaissé depuis que sont apparus des objectifs, moins performants dans des conditions idéales, mais bien plus pratiques avec leur mise au point rapide et leur stabilisateur. Est-ce que j'arriverai à réaliser des instantanées de chamois avec cet engin pas très commode d'emploi ?

Zut, je viens de rater une belle occasion de photo facile avec cet objectif posé juste à côté de moi : une mésange venue picorer le pistachier que je vois juste derrière la fenêtre face à laquelle j'écris cette chronique. En levant la tête de mon clavier, je l'ai fait fuir.

C'est précisément ce qui m'est arrivé, il y a 2 jours, avec les chamois. Je n'en ai aperçu qu'un seul que je dérangeais en garant ma voiture. Pas le temps de mettre en batterie mon ancêtre d'objectif. J'ai essayé de le poursuivre mais la forêt de pins était si épaisse que je l'ai seulement entendu me siffler dessus. Ironie du sort, je ne verrai plus rien en montant. C'était bien la peine de me fatiguer.

Au départ de la ballade :




Heureusement le paysage était splendide. Un large chemin qui sert aux transhumances en été, traverse une belle forêt de pins avant de déboucher vers 2000m sur des alpages pentus, puis un petit col entre le Baus de la Frema (c'est là où je monte, à 2241m) et le mont et la tête du Brec (2566m) où je n'aurais pas le temps d'aller. Un peu d'étymologie avant de monter : Baus, c'est le même mot que Baou. Ce n'est donc pas un mot au pluriel, même si l'on trouve souvent sur Internet  l'expression, tout à fait inappropriée, "aux Baus de la Frema". Il désigne un sommet plat qui se termine par une falaise surplombant la vallée ; Frema, mot occitan également, veut dire : Tête de femme. L'endroit est bien connu car une Via Ferrata monte direttissima vers le sommet depuis La Colmiane.

Sur la droite, on voit toute la chaîne du Mercantour, depuis le mont Clapier jusqu'au mont Agnel. Il n'y a vraiment pas beaucoup de neige !

Le mont Gelas, au début de la ballade. 

De gauche à droite, le Caïre Archas, la Tête des Bresses et la Cime de Fremamorte. 

Le mont Gelas

Le mont Clapier.

Je prends un déjeuner tardif face à ce merveilleux spectacle. L'ombre monte vite et je ne m'éternise pas.

A gauche, l'amorce de la vallée du Boréon, à droite celle de la Madone de Fenestre.

A l'extrême gauche, l'Argentera est en Italie.



Le mont Gelas au téléobjectif (mon vieux 180mm et un doubleur Kenko)

Au col, le poteau indicateur habituel dans les Alpes maritimes qui rend impossible, sauf brouillard, de se perdre : le numéro qu'il porte est repéré sur la carte IGN au 25000ème. Pas besoin de GPS (même si j'en trimballe toujours au moins un avec actuellement le luxe d'un Ipad qui me donne ma position sur la carte IGN téléchargée avant le départ).



A côté, de ce poteau moderne, un autre plus solide (une barre métallique fichée dans un bloc de ciment), sans inscription. Une plaque métallique qui devait en porter une a été arrachée. Le bras de cette sorte de croix qui n'en est pas une est bizarre, tordu mais cela ne semble pas résulter d'un acte de vandalisme, c'est trop bien réalisé.


La courbure du poteau reprend celle de la frontière qui entourait  Saint Martin-Vésubie.
Avant 1947, mes pieds auraient été en Italie. La frontière actuelle passe à la ligne de crête en face, à plusieurs kilomètres à l'est.

En m'interrogeant sur cette disposition curieuse, je me rappelle brusquement avoir lu que la frontière de 1860 passait au Baus de la Frema et contournait Saint Martin Vésubie avant de piquer à nouveau vers l'est. Pour une fois que je faisais une ballade sans  autre but que le plaisir de me promener, voilà que j'étais ramené à mes chères études. En rentrant, j'ai bien entendu vérifié mon souvenir sur le site magistral de Georges Fabry, bornes.frontieres.free.fr, qui recense toutes les bornes frontières des Alpes maritimes  : c'était bien la borne n°95 du tracé de 1860. Décidément, on n'échappe pas à son destin.

Un petit crochet vers le petit sommet du Baus de la Frema qui n'a pas d'autres intérêts que le paysage qu'on y découvre.


Au fond, le mont Mounier 

 Vers le sud-ouest.

La Tête du Brec (au nord) 

Le mont Cheiron, au fond

 Je vois que le soleil décline sérieusement : il est près de 17 h. Je ne me presse pas pour descendre car le paysage s'anime : un brume épaisse monte de la vallée. Elle recouvre inexorablement les montagnes qui prennent un teinte de plus en plus chaude.


Saint Martin-Vésubie , 100m plus bas, est déjà dans l'ombre.

Quelques nuages commencent à passer devant le Gelas.








La couche de brume n'est pas uniforme. Elle a ses trous, dans l'ombre, et ses pentes ensoleillées.


La brume monte vers moi également.




Les montagnes, elles, résistent encore un peu, mais finalement la brume a gain de cause.





Il me reste 600m à descendre. Naturellement, malgré mes résolutions antérieures, je n'ai pas pris ma lampe frontale. Ça n'a pas été très agréable de tituber sur les pierres qui roulent sous les chaussures. Mais quel plaisir d'être ainsi seul, de nuit, dans la montagne (sur un bon chemin et avec une voiture qui vous attend au bout !).


3 commentaires:

  1. Vous êtes, tout à la fois, excellent conteur et remarquable photographe.
    Merci pour cette suite et pour les précédentes chroniques … et celles à venir ( je suis gourmand)
    Gabriel de Verdun

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  2. Merci pour cette superbe randonnée et pour les magnifiques photos.

    ( J'en profite pour adresser un chaleureux clin d'oeil à mon confrère et ami Gabriel Nahmani, grand randonneur devant l'Eternel ;-))

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  3. Encore une fois dépaysement garanti !!! De belles images et le tour est joué .. Nous voila transportés le temps de la lecture dans ton univers .. qui a du bien changé depuis que le froid a gagné la région ..

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