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samedi 18 février 2012

Ils ont marché sur les eaux

Le dégel est bien amorcé sur mon étang favori. Fini le froid polaire, évanouies les belles lumières. le ciel est gris, les couleurs sont ternes mais, il y a toujours quelque chose à observer pour qui peut prendre le temps de regarder.

La journée a commencé sous la pluie, puis un peu de soleil s'était montré vers midi.


Mais bien vite, le ciel s'est couvert...


...pour devenir uniformément gris. Sale temps pour les photographes.


Avec le dégel, les habitués de l'étang ont regagné leurs lieux de villégiature habituels, à commencer par les canards, toujours aussi nombreux.

La petite canne blanche est bien revenue, elle aussi.



Les canards sont particulièrement excités. Par groupes de 2, de 4, ou même de 6, ils enchainent les tours de l'étang sans s'arrêter. Depuis 10 jours, ils se traînaient au sol comme des malheureux  privés de sensations fortes. Ils mettent les bouchées doubles.



Les mouettes sont également de retour.

C'était avant que le soleil ne se cache.

Elles sont toujours aussi chipies et piaillantes. Je précise tout de suite, pour ceux et celles qui essaieraient de percevoir une connotation machiste dans ces qualificatifs, que je ne suis pas responsable de la syntaxe du français qui veut que ce vocable soit invariablement féminin, alors qu'il doit y avoir au moins autant de mâles que de femelles. Plus de mâles, dites-vous, dans les comportements les plus agressivement stupides ? Peut-être, je veux bien vous le concéder.

Je ne sais pour quelles raisons elles n'ont cessé d'importuner un héron assez désorienté. D'où venait-il ? Il me semble peu probable qu'il soit du coin. Il n'est allé dans aucun endroit habituellement fréquenté par les hérons autochtones. Chaque fois qu'il se posait quelque part, ces (j'allais dire "ces demoiselles", emportés par la prévalence du genre) ces volatiles l'en chassaient.

Je n'ai jamais vu de héron aussi proche du rivage et donc du chemin de promenade. 

Les mouettes tourbillonnent autour de lui (ou d'elle) et le contraignent à  partir.

 Il se pose au bord de l'ile et se met à faire les cents pas. Je voudrais pouvoir lui dire : "Le perchoir qu'affectionne les gens de ton espèce se trouve exactement de l’autre côté de l'île". Il serait peut-être tranquille.

Mais voici que déjà la horde arrive.


Nouveau départ, nouvel atterrissage à peine plus loin ;  là, on frise le ridicule. Que fait ce héron au milieu de l'étang, au vu et au su de tous ?  D"habitude,  les hérons protègent leurs arrières le long d'un rideau d’arbres, ou d'un rocher. Il faut vraiment que celui-ci soit perturbé par tous ces cris et par toute cette agitation, pour rester planté ainsi sans défense.


Un moment d'inattention et je ne l'ai plus vu. J'espère qu'il a trouvé un peu de calme.

Il reste beaucoup de pain laissé par les enfants lors du week-end. Dans un 1er temps, j'avais trouvé cette scène de partage touchante.


Mais, malheureusement, la rapacité de la cane (une fois de plus, je l'affirme haut et fort, je n'y suis pour rien dans le fait qu'il s'agisse d'une cane et non d'un canard) détruit ce bel équilibre en allant grignoter du côté de la mouette, au lieu de se contenter, comme toute cane bien élevée, de ce qu'elle a devant elle.


Une camarade mouette essaie de sermonner la cane...


...mais la cane est incorrigible. Elle s'approche à nouveau, dès que la sermonneuse se détourne.


2ème coup de semonce, plus appuyé.


Décidément, cette cane est intrépide. Elle remet ça, malgré l'arrivée de renfort. On notera d'ailleurs, l'étrangeté de la scène. Voilà des oiseaux le plus souvent aquatiques, qui préfèrent marcher sur la glace, alors que le morceau de pain est dans un trou d'eau.


Finalement, en s'y mettant à 4, les mouettes chassent la cane qui, cette fois-ci part au galop.



La scène se répète un peu plus loin entre canards, cette fois-ci. Est-ce la même cane ? Impossible à savoir, mais on a l'impression de retrouver la même personnalité batailleuse. Elle veut tellement attraper le pain qu'elle en tombe dans l'eau.



Si elle tombe, c'est bien malgré elle. Curieux, cette propension à rester sur la glace, alors qu'il est si mal commode d'y marcher. Avec leurs larges palmes, les canards comme les cygnes dérapent à tout va.

Dérapage mal contrôlé. 


Ces 2 couples me font penser à ces jeunes gens qui sortent le vendredi ou le samedi soir, serrés dans leur petite voiture, direction le cinéma ou la boîte de nuit.

Les cygnes ont repris également leurs quartiers habituels. Pas tous, pourtant. J'ai trouvé en début de journée ce couple, lui aussi un peu désorienté, au milieu des barques des pécheurs encore prises par la glace. Quelle drôle d'idée d'être là, coincés entre les amarres, sans eau libre pour boire ou fuir en cas de danger.





Un moment d'inattention, un de plus, et ils prenaient le large à grands coups d'aile, comme un hydravion décollant en hiver sur la banquise. Les cygnes ont besoin d'une longue piste d'envol. Ils frappent l'eau avec leurs pattes un bon moment avant de pouvoir rentrer le train d'atterrissage. Aujourd'hui, c'est sur la glace qu'ils marchent et il n'est pas facile de pousser vers l'avant quand on glisse. 




Après avoir bien rebondi sur la piste, on décolle enfin. Ouf !


Je les retrouve, un peu plus tard, côté ensoleillé, là où la glace a commencé à fondre.

Certains penseront que "les cygnes, ça suffit". Y a-t-il un sujet plus banal, voire plus trivial ? Sans doute. mais, personnellement, je n'arrive pas à résister à tant de beauté et d'élégance.

J'aimerais bien commenter cette image : une goutte d'eau, comme un pleur de remords au bout du bec, la tête inclinée en signe de regret, le regard sévère qui pourtant pardonne... Mais je crains, une fois de plus, le reproche d'anthropomorphisme machiste. Alors je me tais.


Ne sont-ils pas conscients eux-mêmes de leur beauté quand on les voit se pencher, tel Narcisse, sur le miroir de l'eau ?



Je plaisante, bien sûr. Cette beauté n'est que pour nous. Regardons, une seconde plus tard : il ne s'agissait que de boire !


Au delà de mes divagations mal réprimées, il y a une raison plus sérieuse à la constance de mon intérêt : je découvre toujours une attitude nouvelle, un comportement inédit. Aujourd'hui, deux observations nouvelles (pour moi !). Tout d'abord, le "brossage des dents", je veux dire, cette curieuse manière de promener son bec juste sous la surface de l'eau, tout en soufflant pour créer un bouillonnement, comme si l'on voulait ainsi se nettoyer le bec après trop de jours passés au sec. Démonstration :





Cette façon de souffler en faisant des bulles, je la revois lorsqu'ils plongent sous l'eau à la recherche de nourriture. D'habitude, cette chasse sous-marine est totalement silencieuse et discrète.



Enfin, 2ème découverte, si je puis utiliser ce terme pompeux pour un si mince détail qui en fera sourire plus d'un, meilleur observateur que moi : j'ai vu un cygne cligner des yeux, tout en prenant la pose.




Du coup, je regarde mieux leurs yeux qui sont bien cachés, comme chez beaucoup d'oiseaux, par un artifice de couleur, un décor en trompe-l'oeil  :  Il y a bien une paupière autour de l'oeil que l'on devine à peine.




Voilà pour le chapitre Cygnes. Je m'arrête sur ce thème rebattu qui est sans doute si cher à mon coeur qu'il me rappelle le lac d'Annecy de mon enfance.

J'ai parlé, tout à l'heure, d'un moment d'inattention qui m'a fait perdre le début de l'envol des cygnes. J'avais une bonne raison de regarder ailleurs : un ragondin leur tournait autour. Les ragondins avaient disparu tout le temps de la prise des glaces.Eux aussi étaient maintenant de retour.

Il avait commencé par détaler à mon approche. Pour être franc, c'est volontairement que je l'avais effrayé afin d'observer comment il se débrouillait sur la glace.

Ce curieux reflet d'arbres n'a rien de mystérieux : une flaque d'eau sur la glace reflète les arbres voisiins.



Il se rassure un temps à la lisière des arbres, sans doute non loin de son terrier.


Puis il revient vers moi pour reprendre ses occupations.



Un peu plus tard, j'en vis un autre qui me fit aussi le même cirque.

On remarquera en passant les marbrures qui sillonnent la glace en train de fondre. 


Au total, j'ai pu en observer 3, ce matin-là. J'éprouve des sentiments mitigés à leur endroit. Ils tiennent à la fois du castor et du rat. Ils ressemblent au premier, si j'en juge par les photos que j'ai pu en voir, mais ils ont une queue de rat qui leur sert de gouvernail.

Pendant que je photographiais canards, cygnes et mouettes, j'observais du coin de l'oeil un foulque qui se tenait, parfaitement immobile au bord de la glace. Indifférent à l'agitation qui l'entourait, il n' a pas bougé ses pattes d'un centimètre, au point que je me demandais s'il n'était pas collé à la glace.


Comme drapé dans un large manteau sombre, il m'évoque un conspirateur d'opérette dans un film de cape et d'épée.




Il est difficile d'imaginer un destin tragique pour qui possède de tels pieds. Si le haut fait penser à un conspirateur, le bas évoque les grands battoirs d'un clown.

Enfin, il se décide à bouger, donnant ainsi le signal de mon propre départ.



Je laisse les corbeaux à leurs moeurs de gangsters (2 guetteurs, un butin au milieu et la discipline de fer du gang)...


...et les mouettes à leur méditation. de grandes lectrices de Marguerite Duras.


Toutes ces photos ont été prises le 15 février 2012, entre 14 et 18h.

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