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dimanche 8 février 2015

Un trésor de cartes postales 2ème partie

Ce qui nous intéresse dans les cartes postales anciennes, c'est le témoignage qu'elle porte sur un passé où la photographie était rare, réservée à des professionnels qui en faisaient commerce. D'où l'attrait pour les scènes de rue, avec leurs personnages costumés, leurs véhicules disparus, leurs infrastructures désuètes.

Malheureusement, la grande majorité des cartes postales échangées représentent des monuments  que leur statut d'historiques a préservé de la destruction et même de la modification. Elles ne présentent donc guère d'intérêt pour nous qui avons accumulé des milliers de photographies personnelles sur ces mêmes sujets. Je n'ai finalement scanné que le 1/3 des cartes de mon "trésor" qui devait en compter un bon millier (je n'ai pas eu le vice de compter).

Certes, j'ai conservé quelques exemplaires de ces monuments lorsqu'ils ont disparu ou ont été profondément transformés.

Le pont Ambrussum qui permettait à la voie Domitia de traverser  le terrible Vidourle près de Lunel avait encore 2  arches en 1903. Depuis 1933, il n'en compte plus qu'une sur les 11 qu'il comportait au 1er siècle.




Environ une centaine de statues ont été détruites en 1942 à Paris sur ordre du gouvernement de Vichy pressé par l'armée d'occupation. C'est ainsi que la place Victor Hugo a perdu la statue qui lui doit son nom. Je ne pense pas que la Ville l'ait remplacée par une fontaine en hommage humoristique à la faconde de notre poète national.
Place Victor Hugo en 1903. Il venait d'être inauguré, l'année précédente pour le centenaire de sa naissance ("ce siècle avait 2 ans...).

Place Victor Hugo aujourd'hui. Il n'est plus question de se promener nonchalamment sur la place qui, ici  doit sa relative tranquillité à l'heure tardive.

On doit aussi à l'armée allemande la destruction en août 1944 d'un ouvrage qui faisait la fierté de la ville du Mans, le pont en X permettant le croisement, au dessus de la Sarthe, de 2 lignes de tramway, le tramway urbain électrique et le tramway départemental à vapeur.

Le pont en X du Mans en 1915.
Le correspondant de Paul Cuinet a indiqué par une croix l'emplacement de sa maison. Cette carte qui a tout juste 100 ans n'évoque pas, pour nous, la victoire du progrès mais l'horreur de ce siècle de fer qui a commencé si mal. Comment nos 2 correspondants auraient-ils pu imaginer, en pleine Première guerre mondiale, qu'ils en verront la destruction  dans une nouvelle déflagration mondiale? 

Il n'y a pas que des bâtiments et des équipements qui ont disparu. Les cartes postales gardent la trace de l'Histoire. Au début du XXème siècle, la France est toujours sous le choc de la défaite de 1870 et, en Franche Comté d'où sont originaires les Cuinet,  l'on est particulièrement sensible à la perte de l'Alsace et d'une partie de la Lorraine.

On remue le couteau dans la plaie avec cette carte de la frontière en plein dans les Vosges et ces inscriptions allemandes en Alsace.


Le col de la Schlucht, comme une bonne frontière, en allemand et en français

Colmar en 1903

Strasbourg en 1904

Mulhouse 1903

Belfort ne s'est pas rendue en 1871. Pourtant les Prussiens sont entrés dans la ville, conformément à la convention d'armistice.

Belfort occupé par les Allemands
Carte envoyée par Pierre Cuinet à son frère Paul. Il habite Belfort. Il est inspecteur de la répression des fraudes.

Finalement, la ville est rendue à la France par le Traité de Francfort et devient le chef-lieu du petit Territoire de Belfort. Que signifiait cette carte pour Pierre et Paul Cuinet. Un peu de fierté pour la défense opiniâtre des habitants ?

On se remémore aussi des lieux et des épisodes de cette guerre encore bien présente dans les esprits. Le château de la Croix-Piot, à Donchéry au dessus de Sedan, a hébergé une nuit le futur empereur d'Allemagne lors de l'encerclement de l'armée du futur ex-empereur des Français.


Cette représentation paisible de la guerre, puisque la destruction à 98% de Donchéry (y compris de ce château) ne viendra qu'en mai 1940, lors de la percée des blindés allemands, est adressée à Mme Cuinet. Pour M. Cuinet, les images envoyées par leur correspondant de Charleville (qui n'est pas encore Charleville-Mézières) sont plus "hard".


Les combats de Bazeilles ont donné lieu à toute une littérature héroïque illustrée par des cartes postales et un tableau sur "La dernière cartouche" des marsouins français opposés à l'infanterie bavaroise que je n'ai pas trouvé dans le "trésor" : l'histoire devait être bien connue. . Le cénotaphe et le monument aux morts, d'une ampleur exceptionnelle pour un monument commémoratif de 1870, témoigne de ce passé sanglant.

En revanche le château de Montvillers à Bazeilles est toujours debout et sert maintenant de centre d'entrainement au club sportif de Sedan. Une activité physique moins dangereuse que la guerre.

Le château a été construit à la fin du XVIIIème par Abraham Poupart de Neuflize, un drapier protestant de Sedan, famille à l'origine de la banque de Neuflize (aujourd'hui filiale d'un groupe bancaire hollandais). Eugène Schneider directeur à 25 ans  de la fonderie de Bazeilles épousa ici la petite fille de Abraham. Cette famille lorraine de Neuflize a son pendant dans la famille alsacienne Schlumberger, également protestante. Les 2 banques, Neuflize et Schlumberger, scellèrent cette parenté en fusionnant en 1945.

Je ne sais quels étaient les sentiments profonds vis à vis de l'Allemagne de ces professeurs de lycée qui font l'essentiel des correspondants de la famille Cuinet. Marguerite et Paul avaient appris l'allemand, peut-être comme la génération de mon père l'avait appris, par fascination pour la grande nation. Ils le parlaient même entre eux comme en témoigne certaines cartes postales. C'est qu'ils avaient des raisons particulières de parler allemand, comme on le verra dans la dernière partie de cette chronique.

Je n'ai trouvé qu'une allusion au contentieux franco-allemand dans une carte échangée entre deux adolescents, peu avant la guerre de 14-18. Un certain Paul, qui m'est inconnu, écrit à Simone Cuinet, la fille de Paul et Marguerite Cuinet alors en séjour linguistique en Angleterre. Lui-mê apprend l'allemand à Weimar.

"... J'ai déjà fait des camarades avec qui je m'accorde autant qu'on peut s'accorder quand l'un est allemand  et que l'autre est français".

Tout au plus peut-on dire que la famille Cuinet ne s'est pas refermée, comme beaucoup de familles françaises, sur la seule perspective de la revanche. 

De toute façon, ce n'est pas la politique qui intéresse les Cuinet dans ces échanges épistolaires. Je n'ai trouvé que 2 cartes qui renvoint à des événements, alors que la carte postale, avant le développement de la photographie dans les journaux, étaient un moyen de diffusion graphique de l'information.

Je ne sais si cela dit quelque chose sur leurs opinions, mais les 2 traitent d'un épisode de grève ouvrière.

Brassac les Mines, petite ville du Puy de Dôme dont la dernière mine ne s'est fermée qu'en 1978. 
Carte envoyée en 1903.

Je n'ai trouvé aucune information sur cette grève qui fut sans doute assez sévère puisqu'une carte postale trouvée sur internet représente le détachement de dragons venus rétablir l'ordre.

En revanche, cette carte envoyée en juin 1905 rappelle un événement tout récent daté d'avril 1905. Un événement bien documenté car il était surprenant : c'est sans doute la première guerre féministe contre le harcèlement sexuel.

La carte est située et datée précisément comme s'il s'agissait de l'illustration d'un article de presse : "Grèves de Limoges le 18 avril 1905. Portail de la prison démolie par les grévistes."

La grève, très violente, a duré 5 semaines. Partie de l'usine de porcelaine de Haviland où officiait un contremaître accusé de favoriser certaines ouvrières en échange de services sexuels, elle s'est étendue à l'ensemble des usines de porcelaine de la ville. Le patronat, déstabilisé par ces grèves sans revendication matérielle mais qui  s'attaquaient au sacro-saint pouvoir du patron, puisque les ouvrières et les ouvriers exigeaient seulement le renvoi du contremaître, a décidé le lock out général, mettant sur le pavé 20 000 ouvriers. La grève tourne alors à l'émeute, avec un retentissement national. La troupe est envoyée, tire sur la foule, tue un manifestant. Finalement, sous la pression de Paris, Charles Havilland accepte de se débarrasser du contremaître au nom prédestiné (Penaud) tandis que les syndicalistes signent un texte qui rappelle le pouvoir hiérarchique : "Article 1 : La délégation ouvrière déclare que, dans l'affaire Penaud, elle n'a pas entendu mettre en jeu le principe de l'indépendance du patron. Elle reconnaît la liberté du patron quant à la direction du travail et au choix de ses préposés."

Cette grève est racontée avec beaucoup de détails dans cet article de Marie-Victoire Louis : http://www.marievictoirelouis.net/document.php?id=588&themeid=. En revanche, je n'ai rien trouvé sur la scène que rapporte la carte mais qui se déroule le lendemain de l'assassinat de ce jeune ouvrier de 20 ans.  

Autre événement qui a marqué les esprits, dans un tout autre registre : la crue de Paris de 1910. 





Il est un événement moins dramatique qui est illustré dans plusieurs cartes : l'Exposition universelle de 1900 qui a apporté à Paris plusieurs bâtiments durables (les Grand et Petit Palais) en sus des pavillons provisoires. Comme je l'ai constaté pour celle de 1937, on vient de toutes les provinces pour assister à ce spectacle international (voir http://www.leschroniquesdemichelb.com/2011/11/paris-1937-lexposition-universelle.html).

Le pavillon de la Ville de Paris.
Comme les cartes qui suivent, elle a été envoyée par un visiteur de l'Exposition qui s'est tenue d'avril à novembre 1900.

Ce pont a disparu ! Le pont de l'Alma actuel a été reconstruit en 1974.



Celle-ci est largement postérieure, mais le Grand Palais pour la construction duquel on a démoli le Palais de l'Industrie de l'Exposition universelle de 1855, a eu la chance de survivre à la manifestation.




Je n'ai trouvé qu'une carte relatant un événement politique. Ô joyeux hasard, elle commémore la visite du Shah de Perse en 1902.





Toutefois, ces cartes événementielles sont proportionnellement très rares dans mon échantillon. L'intérêt des correspondants se portent vers le patrimoine immémorial, qu'il soit naturel ou construit, le monument historique étant, d'une certaine manière, plus intangible que le paysage dont on verra qu'il a beaucoup changé depuis un siècle contrairement à ces bâtiments historiques, souvent endommagés mais toujours reconstruits.

Il est même parfois difficile de comprendre ce qui a attiré l'acheteur de la carte, tant son sujet semble éloigné de tout pittoresque. La scène est si peu spectaculaire qu'il lui faut un titre, comme à un tableau : "Consolation".

Consolation. Vieux pont sur le Dessoubre (un affluent du Doubs)
Carte de 1900

Cette explication romantique me plaisait bien et me permettait de trouver une transition pour le développement suivant. Mais patatras ! En cherchant à identifier la rivière sur une carte, je découvre que Consolation est un nom de lieu, celui du cirque de montagnes d'où s'élance le Dessoubre ! Ah, cette manie de vouloir classer, trouver un sens...

J'ai trouvé quand même une carte où l'éditeur a voulu souligner la signification de la photo, par une mise en scène, mais aussi par une légende.

"Admirable nature", une carte de 1900 envoyée du Jura à l'air pur à Paul Cuinet, professeur de seconde au lycée Blaise Pascal de Clermont-Ferrand, la ville industrielle.

En voici une autre, du même éditeur, avec, semble-t-il, le même acteur.


Au delà du message, on voit bien l'inspiration pictorialiste de ces premières cartes de paysage, même si le format et le procédé de reproduction  ne rendent pas grâce à l'intention du photographe.




Dans cette dernière carte, datée de 1902, l'intention "pittoresque" au sens propre, est clairement visible.


D'autres encore semblent composées comme nos cartes d'aujourd'hui même si elles nous parlent d'un passé lointain mais que j'ai connu car finalement le monde paysan n'avait pas encore changé dans les années 50, au moins dans l'Auvergne montagneuse.




Pourtant, le pittoresque, on ne le recherche pas d'abord dans la nature, mais dans les villes et les villages. L'intention est quelquefois un peu lourde avec costumes traditionnels et langue régionale. Après tout, on serait bien capable de faire la même chose aujourd'hui.






Mise en scène moralisatrice aussi, tout aussi lourdingue.



Mais la plupart du temps, ces scènes sont plus naturelles, sans voyeurisme. Elles nous montrent le véritable habillement des paysans, leurs fermes dont certaines sont encore couvertes de chaume.




Toutefois, il est évident que le photographe a cherché à étonner plus qu'il n' a voulu faire un reportage objectif sur le monde paysan. La carte postale s'adresse au citadin qui a quitté depuis un temps plus ou moins long l'univers rural et qui veut mesurer le chemin parcouru depuis.

Aussi, il me semble que la vie quotidienne se montre plus simplement dans les scènes de rue des villages et des petites villes. Sans doute, souvent la scène a été composée et l'on pose devant le photographe et son trépied.

C'est évident dans cette vue de Morteau expédiée en 1906.


Ça l'est également dans cette vue, toujours de Morteau, envoyé en 1901, si on la regarde de près : tous les commerçants sont sur le pas de leur boutique, avec les clients qui s'y trouvaient..



A Chagny, en Bourgogne, toute la rue pose dans une savante mise en scène en arc de cercle qui ménage en son centre une perspective ouverte, fermée en partie par un cycliste.


A Marlieux dans les Dombes (carte envoyée en 1905, la disposition est apparemment semblable, mais la sophistication réside dans une fausse improvisation, avec ces commères qui tournent le dos. Comment imaginer, sans artifice, qu'elles ne se soient pas retournées pour voir le photographe opérer ?


Même chose dans cette photo du petit village auvergnat de Chambon : les plans sont échelonnés, les personnages savamment disposés.


Ici la disposition est toute simple : une ligne qui barre la photo car on a voulu mettre en valeur les moyens de locomotion : les chevaux et le vélo qui, décidément revient souvent dans ces scènes de rue.


Grimaud 1925

Quand il n' y a que des enfants, c'est sans doute plus facile à organiser.

A Mirecourt, dans les Vosges, on ne craint pas la circulation en 1905, que l'on soit enfants ou chiens.
Ce dispositif n'est d'ailleurs pas réservé aux petites villes sans animation ni circulation. Ainsi à Montpellier :



Dans d'autres cas, il est plus difficile  de trancher : Pose ou scène prise sur le vif ? A Nanterre, seuls les enfants regardent l'appareil de photo. Pose ou simple curiosité pour ces enfants qui se tiennent respectueusement à distance ?





Enfin, on trouve de très nombreuses cartes incontestablement prises sur le vif. Ce qui suppose, vu le matériel que l'on utilisait, que le photographe attendait le moment où plus personne ne s'intéressait à lui. 

En 1912, à Argentat (Corrèze), on a finit par s'impatienter à force d'attendre ce qui va se passer :  les enfants jouent en se bagarrant sous l'oeil sans doute réprobateur d'une passante, une femme s'éloigne en rajustant sa robe.




A Hargnies, dans les Ardennes :

Capture d'écran de Google Street



A Besançon, le marchand de vin pose toujours devant sa boutique, mais l'épicier est en pleine conversation avec un cycliste et s'il se recoiffe, c'est sans y penser. Il a oublié le photographe.

Dans cette photo ancienne, on a bien l'impression qu'il s'agit de 2 boutiques distinctes même si toutes deux s'appellent "épicerie". D'un côté un caviste, de l'autre une alimentation générale.

Aujourd'hui. Photo tirée de Google Street
C'est un même magasin Casino qui s'ouvre sur les 2 rues.

Dans cet agrandissement, on voit bien le geste décontracté de l'épicier.
Le rue moderne a bien perdu de sa convivialité.

Plaine Saint Denis en 1904. Non seulement on ne fait pas attention au photographe, mais on s'intéresse vivement à autre chose en tournant ostensiblement le dos. M. le droguiste caresse nonchalamment son balai retourné, à côté de Madame,  pendant que Mademoiselle succombe à sa curiosité en essayant malgré tout de se dissimuler. Qu'est-ce qui intrigue ainsi ? Le personnage qui arrive et qu'on devine à peine ?



Le même jour, Berthe C. envoie une autre carte intéressante qui mêle enfants joueurs et curieux et adultes vaquant à leurs occupations, notamment la descente de l'impériale d'un tramway.



A première vue, la carte suivante me semblait posée et relever de cette série sur "l'Auvergne pittoresque". En fait, ces femmes assises de part et d'autre du porche de l'église vendent des rameaux de buis : nous sommes donc le dimanche précédant Pâques.





Quand la photo est prise de loin, c'est plus facile de capter le naturel. Ici, à Fontainebleau en 1902, les gendarmes à cheval sont passés tout près du photographe qui est pourtant au milieu de la chaussée, juste sur les rails du tramway. Ce dernier a dû, sans doute, être obligé de s'expliquer. Puis la vie a repris comme si de rien n'était.


Bordeaux 1906.















Pontarlier. Le patinage. 1901


A côté des scènes de rue, il est un autre thème abondamment illustré dans les cartes de l'époque : la représentation des métiers et surtout, bien sûr mais pas exclusivement, celle des métiers traditionnels en voie de disparition.

En tête, et de loin, les lavandières.

Limoges, le Pont neuf.
Carte adressée en février 1904 à Simone Cuinet, la fille de la maison.

Montpellier 1907

Pierre à son frère Paul Cuinet, pendant une période militaire. 1904

Voici le tonnelier :

L'atelier des luthiers :

Pierre Cuinet à son neveu, "Pompon". 1904
.
La poste rurale :

1905

Le bac :


Le petit caboteur sur le lac :


Les chars à boeufs :



Le foirail auvergnat :



L'octroi de Paris





Les ramasseuses d'huîtres :


Les pécheurs :

1904
Envoi d'Edouard Lévy, un correspondant fidèle désormais installé dans le Midi, à Cogolin, et qui sera l'expéditeur de merveilleuses cartes de la Côte d'Azur




Le boulanger livre son pain à pied, à Charleville en 1910


D'accord, il faut beaucoup agrandir la photo pour deviner, malgré le grain de la carte, qu'il s'agit bien d'un boulanger.


Le laitier :



Le cocher :


Les douaniers :




Il ne faudrait pas croire, sous prétexte que Paul est professeur de lettres classiques, que les Cuinet ne s'intéresse qu'au pittoresque nostalgique d'un monde traditionnel qui s'évanouit doucement. Ils s'intéressent d'abord au progrès, à la technique, aux machines. Pas étonnant que dans ce milieu, Julien, le fils de la famille, surnommé Pompon, fera des études d'ingénieur et travaillera notamment chez Michelin.

Il y a toute une série de 1906 sur le Creusot qui semble correspondre à une demande d'information. On se croirait dans une version moderne de l'Encyclopédie de Diderot.








Cet intérêt devait être ancien puisqu'on retrouve le Creusot dans une carte datée de 1903.

Plus ça fume, plus on est content.

Cet engouement pour les machines et l'industrie n'est pas réservé au Creusot. La roue en fonte de la petite usine métallurgique familiale de Signy le Petit (Ardennes) ou l'usine d'absinthe de Pontarlier font aussi partie de la collection.

L'usine remonte au 16ème siècle et la famille Barrachin l'a exploité tout le XIXème siècle.
Les bâtiments existent toujours. On y fabrique des battants de WC en bois !


Partout la fumée des cheminées d'usine est signe de vitalité et de progrès.


Dans cette usine du Jura suisse, on voit moins la fumée. C'est, parait-il, en 1890 la 1ère usine électrochimique au monde. Elle n'a donc qu'une dizaine d'années d'existence. On est donc en pleine phase d'industrialisation, une phase finalement bien courte mesurée à l'aune de l'Histoire.


http://arnexhistoire.blogspot.fr/2012/11/lusine-electrochimique-du-day.html
Histoire et histoires d'Arnex sur Orbe

Petite verrerie auvergnate

Même un paysage bucolique est encore plus vivant s'il est traversé par le panache de fumée d'un train dont on a attendu le passage avec impatience.



La modernité est souvent symbolisé dans les villes par le tram dont je me souviens l'avoir pris dans mon enfance, ferraillant et bringuebalant.


La voiture apparaît encore peu :


Les voitures sont rares. Même devant l'Elysée, le cheval est roi !


ou sur les Grands Boulevards



Les ports fascinent aussi nos correspondants. Grouillants d'activité, ils symbolisent le monde marchand qui a commencé sa conquête de tout notre univers. Voici 2 vues de Bordeaux, d'un Bordeaux qu'on croirait encore affairé au commerce triangulaire.



Plus contemporain:


Toulon





La mer est naturellement présente aussi au travers des stations balnéaires. Au début du siècle, la plage est surtout un lieu de promenade à pied plus que de baignade. Ce sont surtout les plages normandes qui sont représentées.


A Saint Aubin, la plage est caillouteuse. On se promène sur le quai.

Houlgate 1904

Trouville août 1905





Biarritz 1902

Les cartes les plus étonnantes proviennent de la Côte d'Azur, à une époque où elle n'est pas complètement bétonnée. 

Saint Tropez :





Sainte Maxime :





Cassis :









Le Lavandou :


Un peu plus à l'ouest, Palavas les flots :


La mer n'est pas la seule destination de vacances. A l'époque on aime fréquenter les stations thermales. Comme on l'a vu, Saint Nectaire est alors une station thermale active. 

La famille Cuinet va également au Mont Dore en Auvergne, alors minuscule village à côté d'installations balnéaires disproportionnées.


Vichy fait naturellement partie du circuit.




Evian :


C'est la seule image du Léman. Nos Franc-Comtois ne sont pas très attirés par la montagne. Ils ont peut-être soupé du Jura et de ses hivers terribles. 

Il y a maintenant un vrai chalet mais plus de glacier.


Et c'est tout ! Bien décevant pour le savoyard que je suis. Contentons-nous donc de ce que le "trésor" propose. Un grand moment de nostalgie à la vue de ce villages et de ces voilles qui n'ont pas encore été envahis par ces monotones espaces commerciaux et autres pavillons qui les défigurent. Quelques exemples de ce vues globales qui permettent d'embrasser un ensemble bâti d'un seul coup d'oeil.

Morteau :


Pontarlier :


Mouthiers, dans le Jura :


Murols dans le Puy de Dôme :


Rochefort-Montagne en Auvergne :


Bourbon-L'Archambault en Bourgogne :


Miremont dans le Puy de Dôme où certains de mes ancêtres ont vécu :


Sans oublier naturellement Paris avec cette superbe vue aérienne. On pourrait croire Paris figé depuis le chamboulement d'Haussman. Et pourtant :

Le monument a gardé son nom ancien mais il a bien changé depuis les années 1900 (en 1937 pour l'Exposition universelle). La Tour Eiffel a aussi gagné un peu de hauteur.

Car, suivant son humeur et surtout suivant les lieux, on pourra être frappé soit par l'étonnante persistance de certains paysages urbains, essentiellement en centre-ville, soit par le monstrueux gaspillage d'espaces auquel on s'abandonne partout à la périphérie des villes et des villages. Quelques exemples :

Castres, hier et aujourd'hui :



 Bourges :



On se demande comment cette maison à pans de bois de Bayeux  a pu traverser les siècles et les bombardements de 1944 et pourtant elle est toujours là :




En revanche, combien de bâtiments ont disparu sans véritable raison ?  Un seul exemple, Givet dans les Ardennes. Une ville souvent martyrisée en 1870, en 1914, en 1940. Ce n'est pourtant pas la guerre qui a détruit sa charmante mairie qui fleurait bon le XVIIIème pour la remplacer par une horreur, mais une décision prise en temps de paix.


Givet entre les deux guerres mondiales. Le centre-ville est intact mais la vieille mairie a disparu.

Givet aujourd'hui, après les reconstructions d'après-guerre.  Les maisons alentour ont disparu mais l'hôtel de ville est toujours là.

Louis XVIII à qui l'on demandait, vers la fin de sa vie,  un mot de passe pour les soldats de sa garde aurait proposé, par plaisanterie, ces 2 noms de ville : "Saint Denis-Givet ". 4 jours plus tard il mourrait et 15 jours plus tard il était effectivement allé jusqu'à la basilique Saint Denis pour y être inhumé.


Givet donc. Et je vous laisse jusqu'à la prochaine fois, pour la 3ème partie sur la famille Cuinet.

2 commentaires:

  1. De véritables documents sur un époque révolue . Plus que les monuments , ce sont les scènes de la vie quotidienne qui retiennent notre attention : les villages , les maisons , les gens (même s'ils entrent dans une composition parfois artificielle ,) leurs vêtements .Bravo !

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