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samedi 28 mars 2015

Mars en Camargue. 1ère partie



Court crochet par la Camargue en remontant vers le nord parisien. Frustré de n'avoir vu aucun animal sauvage lors de la seule ballade en raquettes que le mauvais temps m'avait permis de faire dans le Mercantour, je voulais me consoler en allant observer les flamants roses.

Comme j'avais peu de temps et ne voulais pas "rater mon coup", je décidai d'aller au plus facile, au Parc ornithologique de Pont de Gau, près des Saintes Maries. Pas de chance, je suis arrivé après la fermeture (18h à cette saison). J'ai réussi à me faufiler dans un petit pré entre la route et le parc, en me déshabillant pour passer entre les fils barbelés (après plusieurs tentatives plus classiques où j'avais manqué laisser ma doudoune, puis mon pull).


Finalement, cela avait le charme de la photo volée, les oiseaux entraperçus entre les arbres et les herbes hautes. On pouvait oublier qu'il s'agissait d'un espace artificiel dédié au confort des humains plus qu'au bonheur des oiseaux. 



J'ai même eu la joie de découvrir les principaux habitants de ces lieux. Flamands roses, mais aussi aigrettes garzettes,  avocets élégants ou hérons.

Aigrettes garzettes

Avocets élégants

Héron au décollage

Au bout d'un moment, l'habitant de ce pré, un sympathique étalon camarguais, est venu voir ce que je fabriquais sur ses terres. Je l'avais aperçu très occupé par un peu de grain au sol et je m'efforçais d'être aussi discret que possible, moins par décence vis à vis de l'hôte de ces lieux que par une légère crainte de son éventuelle agressivité.



Mais tout s'est passé le plus calmement du monde. Après m'avoir bien reniflé, accepté quelques caresses, jugé que mon gros appareil de photo n'était ni dangereux, ni intéressant, il est reparti à ses occupations masticatoires. Après cette visite, j'ai eu le sentiment que nous étions complices  dans cette observation illicite. Accueilli gentiment par le fier étalon, j'étais débarrassé de la vague mauvaise conscience de m'être introduit par effraction chez autrui pour regarder par le trou de la serrure toutes ces belles à leur toilette.



Comme rien n'est jamais totalement parfait, je fus hélé à un moment par un autochtone assez agacé par ma présence. Même s'il n'était pas le propriétaire du champ, je comprends sa colère. A la belle saison, j'imagine que ce sont des hordes de touristes dans mon genre qui envahissent la Camargue si soigneusement clôturée et tous ne font pas attention, j'imagine, pour ne pas abîmer les protections de la propriété privée. Il craignait surtout, si j'ai bien compris, que je ne sois quelque voleur. Il avait relevé "le numéro de la voiture, au cas où l'on s'apercevrait demain qu'il y avait eu un cambriolage dans la nuit". 

Après ce petit échange où j'avais résisté au plaisir d'ironiser, alors que j'étais en tort, j'ai repris mon observation dans le soir qui tombait. Il fallait profiter de cette belle lumière alors qu'on annonçait la pluie pour le lendemain.

Avec la tombée du soir, une grande agitation gagnait une bonne partie de la multitude rose.

Voici un premier flmant


...puis deux


...quatre


... cinq


....des dizaines




En revanche, d'autres restaient tranquilles. On pourrait imaginer ce flamant rose en vieux sage cherchant à apaiser sa troupe gagnée par l'inquiétude.


"Paix mes agneaux, paix mes brebis" comme aurait dit ma mère, lors des rares disputes entre mon frère et moi.


D'autres prennent la tête de la cohorte agitée comme pour en canaliser l'énervement.


Les aigrettes garzettes sont gagnées par le même besoin d'aller ailleurs, toutes ensemble.


La lumière continue de baisser et devient insuffisante pour photographier une migration qui, d'ailleurs, s'apaise.




Dommage, car tout indique que M. Météo ne se trompe pas. Le temps va changer.


Les humais doivent accepter, eux aussi, de suspendre leurs activités et se résigner à la nuit, malgré leurs lumières qui tentent de donner le change en repoussant les démons de l'obscurité.






Au matin, pas de surprise, il pleut. J'ai cru comprendre que cela devait se calmer dans l'après-midi. Aussi je ne me précipite pas pour rejoindre le Parc de Pont de Gau, bien que tout près du Mas de Calabrun (très bien !) où j'ai passé la nuit. Je musarde en voiture au hasard et le hasard me sourit, même si je suis parfois trop lent pour dégainer. Je regrette encore ce gros rapace, sans doute un busard des roseaux, que je n'ai pas eu le temps de photographier et que j'ai essayé de retrouver pendant une bonne demi-heure.

Je commence de manière un peu banale par un cygne croisant une grande aigrette. Je suis trop bas pour pouvoir m'affranchir de la végétation touffue qui les protège. Il faudrait être à cheval.




Voici une autre Grande Aigrette dont la vue n'est pas brouillée (enfin, pas trop brouillée) par les herbes folles.



Tout ceci reste dans le classique que l'on peut observer à bien d'autres endroits. Mais il y a mieux. Une curieuse tâche blanche à peine entrevue entre les arbres malgré ma vitesse de tortue en voiture. Arrêt. Entrée dans un autre champ, fermé par une barrière que j'ai pu entrouvrir sans avoir le sentiment de forcer le passage et voilà mon 1er héron garde-boeufs. Malgré son nom, il est juché sur le dos d'un cheval.




Pendant tout le temps de mon observation, je n'ai pas vu le héron bouger. On dit pourtant qu'il recherche la présence de ces gros quadrupèdes parce qu'ils délogent les insectes dont ils se nourrissent. Ou le petit-déjeuner était déjà passé, ou bien je le dérangeais.

C'est un bel oiseau avec la petite touche orange qui met en valeur sa livrée toute blanche. Il a comme ses grands cousins, les hérons cendrés, cet air caractéristique de vieux sage voûté et pensif.



Il garde un équilibre imperturbable malgré les mouvements de tangage que lui imprime sa monture en se déplaçant. Il faut dire qu'il a de sérieuses griffes, bien étalées sur la croupe de son hôte.





Si le héron trône sur un cheval, ce n'est pas faute de vaches et de taureaux. Je suis bien content d'être protégé sur cette sorte de digue qui s'enfonce dans la campagne, bordée  par 2 canaux. Les taureaux, non merci ! Je ne suis pas sûr du sexe, mais dans le doute, je préfère m'abstenir. D'ailleurs, mêmela gente féminine n'est pas très rassurante avec ses cornes effilées.


Contrairement à ce que j'imaginais, il n'y a pas que des camarguais bien noirs. J'aime particulièrement la vache tachetée de gris qui m'évoque la grotte de Lascaux.



Quand je reviens sur mes pas après une bonne ballade, les hérons sont au nombre de deux. Mon passage n'a donc pas été trop gênant.

Je file au Parc car la pluie n'a pas l'air de faire mine de s'arrêter. Elle durera en fait, plus ou moins forte, jusqu'à mon départ. Si, en cliquant dessus, vous agrandissez les photos, comme je vous le conseille pour voir quelque chose, vous verrez les ronds dans l'eau et surtout ces petits traits des gouttes de pluie qui se précipitent obliquement vers le sol. Un temps de chien. Vers 16h, j'ai dû m'arrêter, le fonctionnement de mon appareil trempé devenant erratique. J'ai eu peur de l'avoir définitivement abîmé, mais le chauffage de la voiture a ranimé progressivement ses différentes fonctions. Je suppose qu'il ne faut pas recommencer trop souvent.

Cette pluie n'était pas géniale pour la qualité des photos, mais elle a eu cet avantage que je fus pratiquement seul tout le temps, même dans la partie centrale du parc. Il y a effectivement deux boucles, la plus longue fait 5 km, et je n'y ai vu absolument personne. Certes, il y a beaucoup moins d'animaux. Ils sont aussi plus difficiles d'approche, sauf depuis les observatoires, car ils n'ont pas, justement, l'habitude de fréquenter les humains. L'avantage, c'est qu'on n'a plus du tout l'impression d'être dans un parc aménagé. Contrepartie dans la partie centrale : les flamants se laissent approcher à 4/5m.

Commençons naturellement notre promenade camarguaise par les flamants roses. Flamants roses, c'est vite dit, car il y en beaucoup de gris. Les robes varient beaucoup, allant du gris au rose soutenu. Démonstration :








On retrouve la même variation, quand ils ouvrent leurs ailes.




La tête est curieuse, avec son énorme bec bicolore et ses petits yeux tout ronds.


Les têtes grises ne manquent pas de charme. Le bec peut alors tirer sur le bleu plutôt que sur le rose. Voici les 2 nuances :


Ce qui caractérise le mieux le flamant rose, c'est l'élégance de sa démarche, due à la finesse de ses pattes et à sa démarche majestueuse.




Plus précisément, le charme me semble venir du contraste entre la lenteur majestueuse du déplacement, régulier et uniforme, et le mouvement vif et léger des pattes. Une rupture de rythme qu'accentue encore la souple ondulation du cou, comme un danseur qui alterne pas glissés et gestes brusquement saccadés.



On dirait souvent qu'il effleure à peine le sol.


Toutefois, il arrive que cette finesse des pattes évoque, chez ces élégants mannequins qu'on dirait habillés par quelque Christian Lacroix des oiseaux, une anorexie volontaire.


Mais on est bien vite séduit par la grâce avec laquelle, perché sur ses hautes pattes, il déplace avec précision la lourde masse de ses ailes chatoyantes.




A d'autres moments, il prend  des poses d'une grande noblesse.


Mais il faut peu de chose pour que la noblesse vire au ridicule.

Admirez ce couple qui semble se presser pour arriver à une soirée mondaine et ne ralentit pas devant les photographes pour bien montrer qu'ils sont au dessus du clinquant des "people". J'ai même l'impression de voir le petit sac très chic que la femelle tient serré contre sa robe de soirée. Ils sont chics et classe.



Mais, une petite exagération dans l'attitude, et c'est déjà autre chose.


Une sorte de morgue un peu obtuse qui tient sans doute au contraste entre le corps si élancé et l'énorme bec que surmontent de petits yeux ronds inexpressifs?


Ou bien, simplement, est-ce la conséquence normale du sentiment d'appartenir à une autre classe. Cette grâce d'état, due à la naissance, dépasse, comme chez les vrais aristocrates, les valeurs bourgeoises de l'intelligence et de la joliesse :


Certains atterrissages sont tout simplement ridicules :


Le vol des flamants roses est, pourtant, magnifique. Il commence par une course rapide, à grandes enjambées légères, car il leur faut, comme un avion, de la vitesse pour décoller cette grande masse de chair et de plumes.

J'étais très content d'avoir pu anticiper le décollage de ce flamant qui ne m'avait vu qu'au dernier moment. Le voici qui démarre...



...il décolle avec les jambes bringuebalantes, comme un train d'atterrissage qu'on n'aurait pas le temps de rentrer dans l'agitation du décollage.



 ...ça y est, on est vraiment parti dans l'axe de la piste.


...la vitesse est suffisante pour qu'on prenne son cap en amorçant un premier virage




Une fois en vol, le flamant est parfaitement symétrique, les ailes coupant son corps par le milieu, d'un côté tête et cou, de l'autre, les pattes.



Vu de profil, il est parfaitement aligné et donne une impression de perfection efficace.


Mais, dans les virages, il y a du ballant avec ces longues pattes qu'il laisse flotter derrière lui, comme si elles ne lui appartenaient pas. Cette imprécision du geste (ou tout au moins l'impression qu'on en retire) étonne chez un tel monstre de perfection.



Pour atterrir, il faut déployer beaucoup d'énergie, comme au décollage, pour freiner. Dernier virage pour s'aligner sur la piste car il faut viser juste pour se poser au milieu de tous ses congénères. Il doit être difficile de modifier la trajectoire quand on a amorcé son atterrissage.


Le corps se ramasse, les ailles se mettent à contre, comme un avion à réaction qui inverse ses moteurs.





Il avait effectivement trouvé un point de chute dégagé. Parce que s'il faut s'attendre à ce que l'on se pousse pour vous.... On est trop occupés.


 Plus spectaculaire encore, les atterrissages de face. Pas facile à capter mais en voici un. On dirait un danseur qui salue son public, pieds en opposition, reins bien cambrés. Il marque la position un temps et s'incline avec grâce mais sans obséquiosité.




C'est sur ce salut que je termine cette 1ère partie déjà bien longue. La prochaine fois, encore les flamants (notamment leurs spectaculaires bagarres) et les autres hôtes des marais.

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