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samedi 13 août 2016

Me voici de retour dans la communauté !

Lever de Lune au dessus de la crête dominant mon jardin

Lors de la lecture d'Incognito, le beau roman de Petru Dumitriu, j'avais été impressionné par la justesse de la formule désespérée qu'employait ce responsable communiste de la nomenklatura lors de son exclusion des instances dirigeantes : "Je ne suis plus des nôtres", disait-il en s'adresssant à ses anciens comparses (et non pas "je ne suis plus des vôtres"). Quand on est exclu de la communauté, on est encore en elle, d'une certaine manière, mais en négatif, sous la forme d'une blessure que l'on ne peut oublier.

Cette référence dramatise à l'excès la petite aventure que je viens de vivre, mais je dois reconnaître qu'il y a quelque chose de juste dans ce parallèle, mezzo voce, bien sûr.

Fin juillet, j'ai été alerté par plusieurs amis de FB que quelqu'un avait usurpé mon identité sur Facebook. J'aurais dû le signaler, ne serait-ce que pour éviter à ces amis d'être importunés. La paresse de l'été fut la plus forte. Les amis étaient, de plus, chez moi bien vivants, bien plus présents que sous leur avatar virtuel. D'ailleurs je consulte rarement FB que j'utilise uniquement, comme aujourd'hui, pour informer la communauté des publications de mon blog.

Puis, le 3 août, je recevais ce message peu amène :"Bonjour André-Michel, Votre compte a été supprimé de Facebook, car nous avons déterminé qu’il usurpait l’identité d’une autre personne et ceci est contraire aux standards de la communauté Facebook". Il était signé, si l'on peut dire, "l'équipe Facebook".

Je répondis immédiatement pour demander le rétablissement de mon compte, en joignant, comme la fameuse équipe me l'avait suggéré, la photo de ma carte nationale d'identité. Impatient, je cherchais à me connecter plusieurs fois par jour. Mon sentiment de frustration ne cessait d'augmenter, alors que d'habitude je ne me connectais que les 36 du mois. Mais, cette fois-ci, on m'excluait de cette communauté que je ne fréquentais guère, sans doute, mais qui m'était d'autant plus chère qu'elle me rejetait. Mécanisme psychologique bien connu pour tous ces biens ou ces bonheurs dont on ne prend conscience que le jour de leur perte.

De plus, on me traitait comme un délinquant et je sentais monter en moi cette rage impuissante de l'enfant accusé injustement par un adulte. 

Puis, le 6 août, je reçus un nouveau message. Sans l'horodatage des messages par Gmail, autre institution qui, comme Facebook, surplombe de son indifférence d'institution mondiale le pauvre individu que nous sommes tous, je n'aurais imaginé qu'il ne s'était écoulé que 3 jours. 

Le message était strictement identique. On n'avait donc pas lu mon message ! Décidément je n'existais plus. Seul petit changement, le message était signé Nick, comme si, dans "l''équipe Facebook", quelqu'un s'était avancé pour me gronder une nouvelle fois. Seul avantage, ma colère pouvait s'accrocher à quelqu'un.

Rétrospectivement je ne comprends pas pourquoi je n'ai pas répondu immédiatement, mais le lendemain seulement. En relisant mon message, je lui trouve un soupçon de ce ton geignard de l'enfant injustement accusé, alors que sur le moment je l'avais cru digne et cinglant comme il sied à un adulte de mon âge :
"Bonsoir,
Je vous ai répondu, avec en pièce jointe la photocopie de ma carte d'identité, le 3 août.
Voici cette fois-ci copie de mon permis de conduire.
Veuillez rétablir mon compte et ne plus m'envoyer des mails m'accusant d'avoir usurpé l'identité de quelqu'un pendant que le salopard qui importune mes amis rigole. C'est plutôt pénible."

Le lendemain, le surlendemain, et les jours suivants, point de changement dans la situation. Je recevais sur ma messagerie Gmail des notifications, des demandes d'ajout à ma liste d'amis, mais impossible de me connecter. Nick m'ignorait totalement, sans considérer la copie du petit morceau de plastique que je venais de recevoir en tant que permis de conduire depuis qu'on me l'avait volé avec tous mes papiers.

Enfin, miracle, j'ai reçu ce jour le message suivant : "Bonjour André-Michel,
Nous vous remercions d’avoir confirmé votre identité. Nous avons débloqué votre compte et vous devriez maintenant pouvoir vous connecter. Veuillez nous excuser pour la gêne occasionnée.
Si vous rencontrez des difficultés pour vous reconnecter à votre compte, n’hésitez pas à nous en informer.
Cordialement,
Camille"

On s'excusait, on me proposait de l'aide, on me faisait rentrer dans la communauté ! J'en ressentis, je dois l'avouer, la même joie que celle qui a dû m'envahir quand, enfant, exclu du groupe d'élèves en train de jouer dans la cour de l'école, l'un d'entre eux me demandait de me joindre au groupe. Bien plus, cette main secourable était celle, non du sévère Nick, mais de la douce Camille. Car pour moi, il était évident que Camille était une femme, même si ce prénom appartient à la liste de ceux que choisissent les parents, adeptes de la théorie du genre et soucieux de ne pas imposer un changement à leur progéniture le jour d'un éventuel virage dans l'autre sexe. D'ailleurs, vous en conviendrez, Camille , essentiellement masculin il y a un siècle est devenu surtout féminin. 

On sourira sans doute de ma naïveté à trouver de l'affect dans des messages automatiques. Il reste que ce marketing fonctionne.

Un de mes amis me faisait remarquer que les chiens aboient comme les jeunes loups qui, adultes, renoncent à ce comportement puéril.  Les chiens sont donc des loups qui restent éternellement des enfants, obéissants et dociles. Ce matin, je me sens un toutou. Un toutou qui a rejoint la grande niche collective de la communauté Facebook.

Heureusement, la beauté du monde, que rien ne peut remplacer, est bien réelle, comme le rappel d'une dignité peut-être perdue mais dont nous pouvons encore rêver.

Vallée de la Gordolasque, le 15 juillet, au lendemain d'une miraculeuse chute de neige nocturne.




La vallée de l'Estéron depuis le cimetière du Mas 

La clue de Saint Auban et le village du Prignolet

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