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jeudi 11 octobre 2018

Scénettes camargaises

Je poursuis mon exploration de la Camargue avec la réserve naturelle de l'étang de Scamandre entre Saint Gilles et Aigues-Mortes.

J'ai été un peu déçu. L'endroit est petit (le chemin qui en fait le tour n'est que de 4 km), très fréquenté en ce samedi après-midi, notamment par des familles avec de jeunes enfants qui n'ont pas la discrétion des vieux photographes animaliers. Il n'y a qu'un observatoire que l'on atteint à découvert, ce qui n'est pas génial pour cette même discrétion. Ses ouvertures sont bizarrement situées et mal dimensionnées (impossible de sortir mon téléobjectif avec son pare-soleil). Les espèces visibles sont classiques (mais je ne suis resté que 2 h). Toutefois, la végétation est très variée et on peut s'abstraire de la foule (relative !) en s'enfonçant dans des petits chemins : tout le monde suit le même circuit.

 Des myriades de fleurs

Concentrées sur ce petit espace, les espèces cohabitent paisiblement.

Une cigogne, un héron cendré, un héron garde-boeuf  et 2 flamands roses ! 

Ici on voit mieux l'air buté du héron garde-boeuf (à droite)

Dans cet étang plus terrestre que maritime (on est au milieu de terres cultivées et loin de la mer), les hérons cendrés sont très nombreux.






Il m'a même semblé apercevoir un héron curieux, beaucoup plus sombre que les hérons cendrés.



La population la plus importante, c'est celle des aigrettes garzettes, toujours aussi élégantes dans leur livrée d'un blanc immaculé. Elles sont beaucoup moins farouches que les hérons. Il leur suffit d'être protégé par la largeur d'un canal pour se sentir en sécurité : elles n'ont jamais vu quelqu'un le franchir.








Elles se déplacent parfois en bande nombreuse 


Ce sont de redoutables pécheurs. Dans la guerre qui les opposent aux poissons, elles ont actuellement l'avantage : le niveau de l'eau est particulièrement bas et les poissons se sentent à l'étroit. Les plus gros poissons (des carpes ?) affleurent presque à la surface. 

Les aigrettes attendent longtemps sans bouger puis piquent le poisson de leur long bec. Parfois la proie est un peu grosse et difficile à avaler.






Elles adoptent souvent des attitudes un peu étranges, particulièrement quand elles procèdent à leur toilette.








Sur terre, elles marchent la tête dans les épaules, comme si elles s'excusaient de passer. Elles évoquent ainsi la figure emblématique du traître qui rase les murs pour se faire oublier.




L'autre vedette, ce sont naturellement les flamands roses. Seul bémol, ici, les flamands ne sont pas très roses, comme si leur alimentation dans cet étang excentré ne comportait pas les algues et crustacés qui donnent ailleurs cette couleur caractéristique. 







Dans le ciel passe un flamand rose qui vient des bords de mer. Il est d'un rose soutenu tandis qu'ici, dans l'étang de Scamandre,  on dort en couple paisiblement sans le moindre complexe de ne pas être aussi beau.




Il y aussi des mouettes rieuses.. Toujours aussi bon pécheur, mais toujours aussi teigneuse.



...quelques goélands. Ici un jeune



... des gravelots, ces petits oiseaux des bords de l'eau, facilement reconnaissables à leur collier blanc.



En partant, j'ai même aperçu une buse variable qui importunait une hirondelle.




Dans ce petit monde, on s'apprécie, on se dispute, on vit...

Une amitié improbable

Je n'ai vu qu'une cigogne solitaire. Comme si elle ne voulait pas la laisser seule, une mouette rieuse la suivait sans se lasser. Le petit personnage prenant soin du gros, comme ces chèvres ou même ces dindons que les propriétaires d'un cheval solitaire qui s'ennuie lui adjoignent pour lui tenir compagnie et lui éviter la neurasthénie.

Parfois on a même l'impression que la mouette, loin d'être rieuse, semble presque soucieuse en contemplant sa grosse protégée.







La dispute.

J'avais déjà observé cette attitude curieuse des aigrettes qui dressent la tête vers le ciel, s'allongeant autant qu'elles peuvent et claquent du bec , comme si elles injuriaient les dieux qui ne répondent pas à leurs vœux ou leur adressent des prières  avec l'insistance d'un croyant exalté.



Cette fois-ci, le couple semblait s'affronter dans une joute apparemment pacifique, avant que madame exaspérée par je ne sais quel propos ou attitude s'éloigne fièrement loin de son goujat de compagnon. Le voici qui arrive à toute allure pour pousser son cri de guerre.





Madme ne se laisse pas faire et riposte sur le même ton.


C'est à qui criera le plus fort et le plus haut.



Puis exaspérée, madame fait mine de s'éloigner pendant que monsieur feint l'indifférence.


Mais, finalement, à quoi bon se disputer. Madame revient tout en gardant son quant-à-soit. Il n'est pas question de paraître se soumettre, alors qu'il s'agit de simplement reprendre une vie normale, sans violence.


Sans attendre, elle reprend son activité favorite, tandis que monsieur est encore tout chamboulé par cette algarade qui lui a coupé l’appétit.


Avec ce retour de la paix, je décide de rejoindre les bords de l'étang de Vacarès pour profiter de la belle lumière du coucher de soleil.

Tu ne m'aimes plus ?

Je suis parti de très loin pour te rejoindre. De l'autre bout de l'immense étang de Vacarès. J'avance à tire d'aile en frôlant la surface de l'eau comme un avion furtif  qui cherche à échapper aux radars.



De jolies demoiselles me font des signes mais je n'en ai cure. Je fonce sans un regard.





Je freine longtemps à l'avance car ma vitesse est très grande. Je sors les volets et j'arrondis ma trajectoire d'atterrissage.


Non, ce n'est pas celle-ci que je veux rejoindre. Je la dépasse. Je ne vois que toi.




Je m'approche délicatement et tu ne lèves même pas la tête.



Je sais, je suis moche, mais ne t'ai-je pas assez démontré ma tendresse et mon dévouement.


Mais, non, rien n'y fait, elle continue de dormir, comme si elle n'avait pas senti ma présence. Mais qu’ai-je fait pour être traité ainsi ?


Il ne faut jamais désespérer.

Quand je suis arrivé au bord de l'étang après un long détour pour pouvoir traverser le Petit Rhône, le soleil vient juste de se cacher derrière les nuages d'un orage qui monte. Un bout d'arc en ciel apparaît dans le ciel, signe que la pluie n'est pas loin.



Au fond, il y a encore du soleil mais le premier plan est déjà dans l'ombre. J'ai raté "ma" lumière de quelques minutes.


Puis, très rapidement, le fond s'assombrit aussi.


Commencent alors ces grandes migrations alternantes que les banlieusards connaissent bien. Ceux qui rentrent dans leur "home sweet home" de la banlieue ouest croisent ceux qui y ont travaillé et se précipitent chez eux à l'est. Ici ce sont les cormorans qui filent comme des avions de chasse vers l'ouest, tandis que les canards volent vers l'ouest.




Les flamands roses ne se remuent pas encore. Ils continuent leur sieste ou leur toilette, sans se préoccuper de ce ciel grouillant au dessus de leurs têtes.




Puis la lumière s'allume à nouveau, comme si la roue du temps se mettait à tourner dans l'autre sens.




Des cygnes volent en formation dans le ciel redevenu lumineux


La masse des flamands roses de l'autre côté  de l'étang est si compacte qu'on ne voit qu'un double trait blanc enserrant le trait rose de leurs plumes.









Le ciel s'est éclairé un court moment mais le temps reprend sa course après cette brève oscillation.



Les migrations alternantes recommencent. Puisqu'il va faire nuit, il faut se dépêcher de rentrer au bercail. Ici, c'est une bande avocettes.



Voici une autre troupe, de gravelots, tout aussi pressée.



Les flamands qui passent dans le ciel ne sont plus que des silhouettes.







Puis, brusquement le ciel se rallume à nouveau.







Comme une lampe dont on peut régler l'intensité lumineuse, le ciel s'éclaircit encore un peu plus. Ce ne sont pas seulement les flamands qui sont roses, c'est toute la nature qui prend cette couleur avec une nuance dorée.





Le soleil s'est débarrassé des nuages et se couche en majesté. Pourquoi n'ai-je pas eu confiance ? Je n'ai jamais vu une aussi belle lumière en ce lieu.





Cette fois-ci, c'est bien fini. A demain.

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