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jeudi 23 février 2012

Brèves anecdotes animalières.

La toilette du matin.

Ce matin il fait à nouveau beau et froid. Tout est  paisible, sauf sur le pont que franchissent à moitié aveugles les voitures embuées des banlieusards qui filent vers les embouteillages de la capitale.


Pas encore de péniches sur la Seine



 Sur le côté orienté vers l'est, le soleil tape déjà fort et il fait presque doux. Les affreuses petites bicoques se prendraient presque pour des demeures d'Amsterdam.


Mais sur l'autre rive, juste en face de cette scène si colorée, c'est encore la froidure gelée. Entre les balises rouge et vert, voici  l'entrée d'un des ports de Draveil.
























La plupart des bateaux ont été désertés avec ce froid qui ne cesse pas. Pourtant, une petite fumée sur l'un d'entre eux : il y a de la vie ici.




D'ailleurs, voici une petite fille qui part pour l'école, sans enthousiasme excessif.


Puis, sa maman revient un peu plus tard et tout reprend la même immobilité glacée.

En êtes-vous si sûr ? Juste à côté du monde des hommes, il y a une autre vie, celle de nos amis les bêtes. Un couple de canards fait ses ablutions , comme des SDF qui, juste à côté des immeubles bourgeois, encore ensommeillés, se livrent à leur toilette dans le square voisin.



Ils sont juste sous la passerelle gelée qui permet de franchir ce bras de Seine.

Monsieur s'ébroue dans l'eau avec beaucoup d'énergie pendant que Madame, plus sobre, se contente d'une toilette superficielle. C'est bien dans le Kid, que Charlot fait lui aussi une toilette à la fois superficielle et soigneuse dans le caniveau ?




Ensuite, parce qu'il ne faut pas se laisser aller, un petit sprint de hors-bord pour se dérouiller les muscles. Direction, l'étang où on retrouvera les copains.


Sur leur chemin, ils vont rencontrer ce couples de bernaches encore engourdies de froid. Pas le temps de faire sa toilette, elles filent plus loin, au soleil, pour plus de confort.


Quel réveil en fanfare. Un cri d'alarme, et c'est parti.


C'est ce qu'on appelle, "sauter du lit".








Les corbeaux calligraphes et les hommes volants de Folon

Le court moment de redoux avait fait fondre l'essentiel de la glace mais 2 nuits à -5° et la pellicule s'est reformée. Chacun peut  choisir entre la marche terrestre et la navigation, tout au moins s'il est équipé pour les ballades amphibies. Pour les corbeaux, la question du choix ne se pose pas : ce sera la glace.

Deux corbeaux vaquaient ainsi calmement à leurs occupations. Ne me demandez pas s'il s'agit d'un couple ou de 2 célibataires, je n'en sais rien.


Ce qui est certain, c'est qu'ils n'embêtaient personne, pas même les mouettes qui longeaient la banquise à la recherche d'une maigre pitance. On ne voit pas bien ce qui pourrait attirer qui ce soit dans cet univers stérile. Pourtant, il suffit qu'un tiers se pointe pour qu'on assiste à un ballet à la chorégraphie assez obscure ;  pattes et corps dessinent les lettres d'un alphabet inconnu.



Quand l'un se pose, un autre saute en l'air comme si le glace était en fait un trampoline.




Avec leur côté "saoudiennes en niqab", tout de noir vêtues;  bien malin qui pourrait dire "qui est qui ?" dans cette pantomime incompréhensible.

Ces cormorans en vol ne m’évoquent pas le sinistre costume des musulmanes intégristes, que je respecte, malgré tout, même si c'est à mon corps défendant ( c'est le cas de le dire, tout mon corps se hérisse quand je croise une de ces tristes effigies)  car c'est souvent une "servitude volontaire" d'autant plus volontaire que les mécréants dans mon genre leur en fond grief, sous prétexte de libération de la femme. 

Mes cormorans, tout de noir vêtu eux aussi, mais d'un noir que le bec jaune, l'oeil bleu, mettent en valeur, me font penser au générique d'Antenne 2 de Folon. A cette époque incompréhensible aux plus jeunes, les chaînes avaient besoin d'un générique de début et de fin d'émissions. Il n'était pas rare de voir celui de fin de programmes, même sans être un couche-tard invétéré. Quel bonheur que cette petite frustration de l'écran noir qui vous rappelait qu'on vivait dans un monde humain et non dans l'unvivers inhospitalier de la lumière éternelle.

Entre 1975 et 1983,c'est  Folon qui avait dessiné ce générique ; il  vous entraînait dans le monde poétique et, déjà, un brin nostalgique, de la rêverie et du rêve.









Pousse-toi de là que je m'y mette.

Après tous ces jours d'abstinence, les cormorans ont retrouvé les plaisirs de la pèche dans l'étang. J'ai même l'impression qu'ils n'ont jamais été aussi assidus. Ils labourent l'étang, bien en ligne, comme des chalutiers sur les bancs de la Mer du Nord.


Ils se croisent sans un regard, trop habitués qu'ils sont à la routine du métier.


Le passage d'un héron, toutefois, les distraient un moment.


Il vient de quitter, sans que rien ne l'y force, un de ses coins favoris, le long de la petite île. Envie peut-être seulement de se dégourdir les ailes après des heures d'immobilité.








Les refuges sont nombreux tout autour de cet étang et des 2 autres contigus. Mais le croirez-vous, il se dirige droit sur la planque d'un de ses congénères, le chassant par la même occasion.





Et voici un héron qui n'avait rien demandé à personne, obligé de se trouver un autre "spot". Il élit domicile provisoire sur un petit îlot solitaire. On ne viendra pas l'embêter ici.

Mais rien n'est sûr en ce bas monde : à peine installé, le voici dérangé :




Il semble en être tout abasourdi.





Pousse-toi de là que je m'y mette (bis)

Déloger son petit camarade n'est pas propre aux humains ou aux hérons. C'est plutôt une attitude générale. Tous les matins, les étourneaux ou les divers espèces de passereaux qui viennent picorer dans mes mangeoires, me le rappelle avec force cris.

Voici un autre exemple avec les cygnes. 

Il est arrivé en majesté.



Toilette minutieuse, jusque dans les coins.


Petite collation, tout en gardant un oeil sur le photographe tout proche.


La tête dégoulinante est constellée de petites gouttes d'eau, comme un anorak déperlant.




Rejoint par sa femelle, il continue vers l'ouest après cette petite halte. Ils passent sans un regard devant ce rocher occupés par des mouettes rieuses. Il ne serait vraiment pas confortable.



Voici le rocher bien plat que les cygnes affectionnent. Il est occupé. Qu'à cela ne tienne. Vous imaginer l'impression que ce monstre doit faire sur la petite mouette rieuse ?


Qui résisterait à cette attitude déterminée ?



Le cygne s'installe lourdement puis sa femelle le rejoint.


Suit alors une étrange toilette synchronisée, comme il y a la gymnastique synchronisée, Monsieur à droite, Madame à gauche.



Le mâle a naturellement besoin, à un moment, de faire saillir ses muscles.


Même dans ce moment typiquement masculin, la femelle s'attache à mimer, en toute modestie, le port de tête de son royal époux. 

Puis ils reprennent leurs gammes avec la même perfection de geste.


Enfin, la femelle se retire discrètement pour permettre à Monsieur de terminer sa toilette ou sa musculation, on ne sait.


Notre mouette, bien installée à proximité, semble le regarder d'un air amusé. Normal pour une mouette rieuse.






Allez jouer plus loin les enfants !

Les goélands argentés, ces grosses mouettes au bec jaune, sont souvent confondus avec les mouettes, malgré la différence de taille Cou d'un blanc étincelant, ailes grises, queue noire, ils ont fière allure, pas comme leurs enfants, bien différents d'eux. Les jeunes sont d'un uniforme gris-brun, avec un bec de même couleur. C'est pourtant bien la même espèce, mais à des âges différents.

Les jeunes sont naturellement turbulents, toujours à voler en solitaire ou à se chipoter entre eux.







Ils tournent autour d'un adulte qui va finir par s'énerver. Ce n'est pas la place qui manque sur cette mince pellicule de glace.

Cette fois-ci, c'en est trop. Allez jouer plus loin les enfants !


Cri de l'adulte, esquive craintive de l'ado.


Puis les deux se toisent. C'est vrai qu'ils semblent de force équivalente. Heureusement que l'ado garde l'image de l'adulte qu'il s'est forgé quand il était petit.


Il obtempère finalement.


Et c'est tout aussi amusant que d'ennuyer les "grands".







Le mistigri.


J'ai souvent joué à ce jeu de cartes avec mes enfants. Ils étaient généralement plus performants que moi, ce qui les ravissaient naturellement. Je n'y mettais aucune coquetterie, ils étaient simplement meilleurs que moi, ce qui m'agaçait parfois, je dois l'avouer.

 Pourquoi, en regardant cette scène,  ai-je pensé à ce jeu où il faut s'arranger pour refiler le mistigri (ou le pouilleux, c'est à dire le valet de pique) à ses camarades de jeu, alors qu'en ce dimanche après-midi, il ne s'agissait pas d'un jeu : chacun voulait garder le morceau de pain et arriver à le manger tranquillement. Pourquoi ne pas évoquer plutôt un jeu de ballon, où l'on cherche à semer son poursuivant grâce à sa pointe de vitesse, où on le dribble et on le feinte. ? Cela correspond mieux à la scène que j'ai sous les yeux. 

Mais j'ai pensé "mistigri" pour une raison qui m'échappe. Je garde donc ce terme.

Je songe que ce jeu, mistigri ou rugby, n'existerait pas si les donneurs de pain lançaient de plus petits morceaux. Avec leur bec plat, les cygnes et autres canards ont bien de la peine à se saisir et à conserver ce morceau. Quant aux oiseaux à bec pointu, ils doivent impérativement l'emmener hors de portée des autres pour pouvoir le déguster par petites bouchées. 

Les humains sont-ils seulement inattentifs et paresseux ou bien le font-ils exprès pour jouir du spectacle de la bagarre entre ces gladiateurs ailés ? Je suis content de constater que mes petits-enfants s'attachent à distribuer équitablement le pain, le lançant directement sur les moins habiles ou les moins agressifs pour qu'ils aient part à la fête.

Mais j'arrête ma diatribe. Je suis bien content de m'amuser moi aussi de ce jeu cruel.

Il faudrait le talent,  la voix et l'accent de Roger Couderc pour décrire cette brève passe d'armes.

Au début, c'est un canard qui s'empare du bout de pain.


La cane le lui pique.


Le canard le reprend.











Une poursuite s'engage devant les regards intéressés d'une bernache et d'une autre cane.


La cane s'est lancée dans une action audacieuse. Elle fait plonger le morceau de pain et le récupère sous l'eau. Le canard ne comprend rien à ce qui vient de se passer, comme si l'on n'avait pas respecté les règles.



Elle a gagné, mais le cercle de convoitise se réduit. Pourra-t-elle le franchir ?


Oui, elle a réussi ! Un corbeau dérangé par toute cette agitation et par tous ces cris, s'envole au loin.


Malheureusement la bernache était en embuscade. Grosse comme elle est, on comprend bien qiu'on en ait fait un arrière difficilement franchissable.



La cane fait semblant de ne plus s'y intéresser. Elle passe son chemin.


Mais c'est une ruse. Elle fait brusquement demi-tour et s'empare du pain de la gueule d'une bernache qui croyait la partie gagnée.





L'histoire ne dit pas, si elle a réussi à écoeurer ses poursuivants. Je ne l'ai plus suivi, une autre scène me sollicitant.



Au coucher du soleil, j'ai assisté à une autre scène semblable, entre des cormorans, cette fois-ci. L'un des 2 a péché un gros poisson, qu'il aura sûrement de la peine à ingurgiter. Mais, ce n'est pas cela qui arrête un cormoran. C'est bien l'avis aussi de son camarade de jeu.



Brusque revirement pour distancer le poursuivant. Contrairement au canard dont le bec plat n'est pas fait pour conserver des prises glissantes, le cormoran ne risque pas de lâcher sa proie avec son bec crochu.




Encore un virage sur les chapeaux de roue (il est curieux de constater que cette expression a résisté à la disparition des chapeaux ; ce sont  maintenant des enjoliveurs). La partie est gagnée, le poursuivant renonce. Reste à trouver un endroit tranquille pour l'avaler d'un coup et le faire descendre lentement le long du cou. Un travail qui va occuper la soirée.




Il est interdit de rire.



Après la nourriture, qu'y a-t-il de plus mobilisateur que le sexe pour la gent animale à laquelle nous appartenons ? Je croyais qu'il était encore un peu tôt dans la saison. pour les canards Je suis bien obligé de constater que, pour certains tout au moins, l'eau froide n'engourdit pas leurs ardeurs.

Celui-ci a l'air bien tranquille. Pourtant dans une fraction de seconde, il va changer du tout au tout. La scène se passe de commentaires tant il est évident qu'elle est rien moins que consentante et semble chercher à échapper à son cavalier en changeant brusquement de trajectoire pour le faire rouler de son dos.








Finalement, elle se dégage et s'envole.

Cette scène me rappelle les tortues de Mayotte que je me suis amusé plusieurs fois à transformer en involontaires canots à moteur. Ces belles bêtes, dont la carapace fait de 80 cm à 1m, se laisse facilement approcher sous l'eau. On leur empoigne la carapace à deux mains  et elle vous tracte à toute allure. Certaines, comme ma cane, multiplient les changements de direction pour vous faire lâcher prise. D'autres tirent tranquillement en attendant que vous n'ayez plus de souffle. Les plus astucieuses, piquent vers le fond. Quand on aperçoit dans l'eau transparente la barrière de corail, immergée entre 5 et  10 m, on lâche prestement : au delà, c'est le règne des requins qui ne plaisantent pas avec les nageurs imprudents : il ne faut pas s'amuser à aller se baigner dans les criques qui ne sont pas protégées par cette barrière sous-marine : les militaires qui débarquent et confondent l'Océan Indien avec la Méditerranée en font parfois l'amère expérience.



La voici libérée. L'affaire a-t-elle été conclusive ? Je ne sais pas. Si c'est le cas, ce fut vite expédié.

Pour le mâle, l'histoire n'est pas terminé. Est-il emporté par son élan jusque sur le mâle autour duquel il a bien involontairement tourné, emporté par les ruades de la cane ? Est-il furieux de sa mésaventure ? Il m'amuse de penser qu'il se venge sur un spectateur goguenard : "tu vas arrêter de rire ou je te fais ta fête"



La leçon donnée, il s'arrête.



Les colverts s'accouplent dans l'eau. On a parfois l'impression, fausse naturellement, qu'ils le font aussi en vol.
Erreur de jugement à mettre sur le compte des illusions de la perspective, mais erreur amusante.







Mais peut-être comme moi, préférez-vous parler d'amour plus que de sexe.

C'est sans doute, (sans aucun doute, mais qu'importe) une illusion anthropomorphique, mais j'aime bien ce couple de cormorans serrés l'un contre l'autre, alors qu'ils pourraient s'éloigner sans quitter leur rocher, à côté de ceux qui étalent leurs plumes au soleil, dans une splendide solitude.





Je laisse enfin le soin à ce rouge-gorge chanteur, perché sur un arbre dans une des presqu'îles de l'étang, de terminer ces quelques anecdotes. Le ciel est aujourd'hui à nouveau gris. Je suis sûr que malgré les défauts de ma prise de vue (tremblante quand il faut tenir près de 3 kg de matériel, à bout de bras et  sans pied et avec la compression forcenée qu'impose Blogger), il vous réchauffera le coeur.


Voilà ce qu'on appelle chanter à gorge déployée ! Il faut sans doute monter aussi le son de votre ordinateur, surtout si l'on veut entendre l'autre rouge-gorge au quel il répond.