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lundi 16 février 2015

De soleil et de glace.

Petit intermède animalier au parc des Buttes Chaumont après les 2/3 jours de gel auxquels semble se résumer l'hiver 2015 à Paris.


Il y a quelque temps, c'était une invasion de cormorans qui dressaient leurs silhouettes inquiétantes dans les grands arbres du parc. Le caractère de pataugeoire de ce que l'on appelle pompeusement le lac a dû les décourager. Ils sont repartis. Tant mieux, ils sont vraiment trop gloutons pour une si petite étendue d'eau.

En cette mi-journée ensoleillée de février, le fameux lac est colonisé par des mouettes rieuses. Rien de bien excitant à photographier pour cette 1ère sortie photographique de l'année. Mais quelque chose vient redonner un peu d'intérêt à l'exercice : le lac est gelé.





De quoi modifier complètement le comportement de ces oiseaux aquatiques redevenus terriens et mettre un peu de fantaisie dans leurs habitudes rabâchées.

Voici que leur univers habituellement en 3 dimensions se résume à une surface dure, que l'on doit aborder avec une certaine circonspection.



Ceci dit, la glace ne présente pas que des inconvénients. Elle fait office de garde-manger en rassemblant  les déchets comme sur un plateau et facilite ainsi  le picorage.





Sans compter qu'elle fonctionne aussi comme un miroir.



Plus tard dans l'après-midi, quand le soleil aura dégagé une grande partie du lac, les mouettes resteront aussi longtemps que possible sur leur petite banquise, juste au bord de l'eau libre.




Et c'est presque à regret qu'elles quitteront le sol dur.



En attendant, la glace ne présente pas que des avantages, elle rend les atterrissages périlleux car ça glisse. On sent qu'il y a de l'attention et de la retenue chez ces pilotes habituellement audacieux.




Quand on marche, on a vite fait d'esquisser un pas de côté involontaire et la démarche devient curieusement chaloupée.


Mais finalement c'est plutôt drôle. Comment ne pas imaginer que cette mouette ne prend pas plaisir à rebondir sur la glace en petits sauts joyeux ?

On approche du sol avec circonspection...


...on amortit bien le choc...


...puis on rebondit allègrement.



...toujours plus haut, car la réception au sol se passe plutôt bien.


Ça, c'est vers 13 h, quand la glace est encore bien dure. Ensuite, l'univers perd de sa simplicité et l'on ne sait jamais vraiment ce que l'on va trouver sous ses pa-pattes : glace solide ou eau liquide ?

 Zut, c'es tout mou...


...puis dur...


...on tente un freinage d'urgence pour ne pas tomber dans l'eau où barbote une consœur.



On marche tranquillement (et avec une certaine élégance)...


....et, bouh, bouh, on fait une embardée, au risque du grand écart...


...qui vous oblige à lancer les réactueurs si l'on ne veut pas piquer du nez dans l'eau.


Certains n'ont pas cette habileté ou se font trop confiance. Faute d'avoir bien appréhendé le coefficient de glisse de cette piste en partie inondée, ils basculent tête sous l'eau dans une attitude qui manque de dignité.



Au fil de l'après-midi, la situation ne s'arrange pas et les atterrissages deviennent de plus en plus aléatoires. Les mouettes sont obligées constamment  de battre frénétiquement des ailes pour rester sur la mince pellicule solide malgré le sol qui se dérobe.

Là, ça tient encore à peu près...


...ici, ça tient encore, même si on a les pieds dans l'eau comme après un gros orage...



...mais ici ça casse et il faut repartir



Voici une scène identique, mais vue de dos :




Encore une séquence bien nette. On touche, ça casse...


...on repart en l'air...


...où vais-je trouver du solide ?...


...ça a l'air bon. Je freine et sort le train...


 ...en fait non, le sol est encore trop fragile, il faut remettre la gomme.


 Petit à petit, les cabrioles deviennent de plus en plus improbables.



Ça glissait bien et puis voilà que ça bloque...


Ouf ! on a manqué tomber.



Je n'ai pu m'empêcher d'utiliser un vocabulaire aéronautique pour décrire le comportement de ces mouettes. Attitude anthropomorphique un peu ridicule, je le confesse. Mais juste retour des choses, après tout, tant l'humanité a rêvé, impuissante pendant des millénaires, devant le vol des oiseaux.

Voici l’atterrissage plein de majesté d'un long courrier qui vient de traverser les océans.



Tout le contraire de ce chasseur de combat qui pique brusquement vers le sol dans une véritable figure de voltige.



Ce gros porteur, un avion cargo, tombe lourdement sur le sol qui cède sous ses roues droites et le voilà tout déséquilibré.


Cet hydravion est beaucoup plus élégant à l'atterrissage mais il peine à redécoller.



Rien à voir avec l'allégresse de ce décollage...


...la calme sérénité de ce long virage sur l'aile.



C'est dans un silence absolu que ce bombardier furtif s'approche des côtes après un long vol transatlantique au ras des vagues pour déjouer les radars.



Ce petit chasseur essaie de l'imiter en cherchant, lui aussi, à se rendre indétectable. Comme une autruche qui se croit invisible parce qu'elle ne voit rien ?




Lui aussi est capable de raser les flots comme un grand, ah mais !


N'est-il pas plus agile, dans cet exercice, que ce drone maladroit qui peine à s'élever ?



Mais cessons ces allusions à la guerre. Tout respire en fait  la joie de vivre, comme cette mouette que l'on pourrait prendre pour une colombe de la paix


Ceux-là avancent lentement dans un doux ronronnement d'avions de tourisme en ballade.



 Ils ont la placidité que confère une longue pratique. Rien à voir avec ces jeunes agités qui tentent de cacher  leur anxiété à l'atterrissage sans vraiment faire illusion. Mais il faut bien apprendre un jour.


J'espère que mon commentaire aéronautique, qui n'a, bien sûr, aucun fondement éthologique, ne vous a pas gêné pour admirer les mouettes et que vous êtes restés sensibles comme moi à la beauté de ces oiseaux si extraordinaires bien que si communs. Trêve donc de plaisanterie. Admirons plutôt ces attitudes magnifiques que la photo permet d'éterniser.

Est-ce que Vercingétorix se serait inspiré d'une mouette pour imaginer son casque ? 




Les ailes comme un dais protecteur. 



Perfection du geste digne d'une danseuse classique.

Je vois dans cette mouette et son reflet quelque chose de la Victoire de Samothrace. 


Enfin voici le salut final :


Mais peut-être que toutes ne sont pas des artistes. C'est ce qu'on imagine en voyant ces images de la solitude de l'artiste dans un monde qui l'ignore.





Toute cette activité est souvent difficile à comprendre. Il y a au moins un comportement qui est clair : la recherche de nourriture. Cela occasionne bien des bagarres dont l'issue est souvent  imprévisible.

Pas besoin de sombrer dans l'anthropomorphisme pour comprendre l'attitude de ces mouettes.



Dans la scène qui suit, la mouette dépouillée ne cherche pas à défendre le morceau de pain qu'elle a dû conquérir difficilement. Elle ne tente même pas de se donner une chance de le conserver en s'enfuyant avec. Elle l'abandonne sans résistance.



 Il s'agit, semble-t-il d'un jeune face à un adulte.



Voici encore une agression dont l'enjeu n'est même pas visible. On dirait une stupide querelle de préséance, une démonstration de force inutile, juste pour s'affirmer aux dépens d'autrui. Il est clair que la mouette en vol cherche à couper la paisible trajectoire de la mouette de droite qui se détourne pour laisser passer le malotrus.





Elle est même obligé de courir alors qu'il y a de la place pour tout le monde.




Heureusement, une autre activité moins belliqueuse les occupe souvent : la toilette. Elle prend place, pour les mouettes mais aussi pour tous ces oiseaux aquatiques, vers le milieu de l'après-midi.





Quand on s'y livre, on est totalement absorbé par la minutie de la tâche, même au milieu  des ailles qui claquent et des cris qui fusent. Lorsqu'on fait sa toilette, on est seul au monde.



En voici un autre exemple :



On se gratte derrière la tête. De ce côté...



...puis de l'autre.


Finalement on se sent toute belle.


L'heure a tourné. La glace a presque partout fondue...


... et l'on retrouve ses habitudes de nageur énergique.



Les adultes arborent un capuchon couleur chocolat.

Les autres habitants du lac se livrent eux aussi à leurs occupations habituelles.

Séance de douche dynamique, chez les colverts sous l'oeil étonné d'une mouette. C'est d'abord monsieur qui se dépense sans compter, à grands coups de pattes et d'ailles.



Puis madame s'y met elle aussi.

Monsieur qui semble la féliciter par de sonores coin-coin.


Non loin de là, les bernaches dérangent tout le monde sans la moindre vergogne. Je dis les bernaches, ce qui n'est pas juste, je devrais dire le mâle bernache, qui  pousse inlassablement son cri guttural si désagréable pour faire rappliquer madame à ses côtés.Bec grand ouvert, langue tirée à la faire traîner dans l'eau, cris : on comprend que sa moitié s'exécute, ne serait-ce que pour faire cesser ce spectacle indécent.



Puis ils se dirigent de concert vers l’île centrale pour aller embêter un autre couple qui s'y est déjà installé. Querelle de territoire donc  auquel monsieur voulait que madame participe.

Il en faut plus pour troubler cette mouette toute mignonne qui trace dans les eaux mordorées par un soleil qui commence à baisser.


Cela ne dérange pas non plus ce couple de canards tadorne, le seul à habiter le parc des Buttes.



Monsieur fait le malin en plastronnant fièrement sous l’œil totalement indifférent de madame. Qu'il s'agite, c'est elle qui commande comme on le verra.

 Le colvert se gratte le bec.


Monsieur continue sa toilette mais madame en a assez. Elle a décidé qu'il était temps de retourner à l'eau.

 On voit bien sur cette photo les 2 signes qui permettent de distinguer les 2 sexes, en plus de la taille légèrement différente. La femelle présente une tache bien blanche de l’œil au bec, 
tandis que le mâle arbore une mince collier noir.





Monsieur s'active pour rattraper madame. Puis ils repassent dans l'autre sens sans que je sache qui a décidé du changement de direction.


Sur la berge, les poules d'eau, généralement si peureuses, oublient toute prudence pour picorer avec frénésie sur les berges.


Quant aux pigeons, les mal aimés, ils regardent tout cela d'un œil soupçonneux.


Le soleil continue de descendre et sans soleil, il fait frisquet en ce mois de février.


Il faut monter sur les pentes pour le retrouver.


Là c'est le domaine des corbeaux ou plutôt des corneilles. Ils ont mauvaise réputation mais je les ai toujours trouvés superbes.

 Eux aussi doivent continuer de monter, là où l'on ne peut les suivre.



Les Anciens interprétaient le vol des oiseaux pour prédire l'avenir. Pourquoi ne pas imaginer qu'ils veillent sur nous ?



Fin