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mardi 31 mars 2015

Mars en Camargue. 2ème partie

Je reprends ma ballade parmi les flamants roses de Pont de Grau. L'excitation devant un spectacle aussi merveilleux est un peu retombée. Je peux prendre le temps de mieux observer leurs activités. Toilette et recherche de nourriture en constituent l'essentiel. 

La toilette, c'est une activité à laquelle on peut se livrer tout seul





Il n'y a pas d'endroit que l'on ne puisse atteindre, tantôt avec son bec, tantôt avec l'une de ses pattes.





Les flamants tiennent en effet sans effort sur une seule patte. C'est leur attitude de repos et de sommeil.

Souvent, c'est en couple qu'ils se livrent à cette occupation bien personnelle.




Parfois il est plus difficiles d'identifier le sexe de chacun. J'imagine que ce groupe de 3 est un groupe d'amis où l'on alterne d'ailleurs, toilette et nourriture.


On admirera la souplesse du flamant de gauche.

Le plus souvent, c'est tout un groupe qui se nettoie en chœur. Peut-être ont-ils des horaires habituels comme je le constate dans les lieux que je fréquente habituellement à Paris et en Région parisienne. Je suis resté trop peu de temps ici pour le vérifier.



L'autre occupation bien plus exigeante en temps, c'est le lent filtrage de l'eau et de la vase pour y dénicher les petits animalcules qui vont les nourrir. J'ai repéré 2 techniques alternatives. Dans l'une le flamant avance lentement. Il pousse son bec dans l'eau comme un pécheur à pied pousse son épuisette pour ramasser des crevettes.




L'autre technique consiste à agiter violemment la vase avec une patte pour en déloger les petites bestioles dont ils se nourrissent. Je n'ai pas de vidéo de ce stratagème qui ressemble à celui du pic-vert qui chasse les insectes d'un côté de l'arbre pour les attraper de l'autre. Je n'avais pas de pied photo et s'il est possible de prendre des photos au téléobjectif à main levée, c'est carrément impossible de filmer. Pour les vidéos ci-dessus, j'étais confortablement installé dans un observatoire, l'appareil posé sur le rebord d'une des meurtrières, dans la partie la plus excentrée du parc.

Dans cette partie éloignée du parc, tout est calme, contrairement à l'agitation de la partie centrale.

Je n'avais jamais vu cela : un groupe de flamants se livre paisiblement à ses tâches habituelles, toilette ou nourriture. Les mouvements sont lents, les déplacements nuls ou tranquilles. Pas de bruit. Puis brusquement, on entend des cris. Une partie du groupe s'agite frénétiquement au milieu de l'indifférence des autres. Cela dure quelques minutes, puis cela s'apaise. Enfin, un peu plus loin, mêmes scènes, toujours recommencées. Ce qui fait qu'on entend toujours quelque part des cris stridents au milieu de ces milliers de volatiles. Qu'est-ce que signifie cette frénésie qui s'empare de plusieurs individus à la fois, cette sorte de bagarre stéréotypée où l'on peut dicerner plusieurs scènes caractéristiques.

L'une d'elles consiste à s'étirer le plus haut possible, corps contre corps.


Ensuite, les 2 protagonistes ondulent ensemble , montant et descendant leur tête en déployant leur cou selon un même rythme.




Difficile de ne pas trouver un air de tristesse chez cette femelle exclue de la scène d'amour, symbolisée par un cœur.

Les becs se touchent et même s'interpénètrent comme s'ils s'embrassaient.


 Ici aussi  la parade se déroule sous l’œil, réprobateur ou attristé, d'une autre femelle.







Les plumes se hérissent.



On dirait tous ces flamants en colère. Aussi ceux qui ne sont pas concernés se dépêchent-ils de s'éloigner.


Car, cela peut mal se terminer pour eux s'ils restent dans le cercle alors qu'ils n'y sont pas les bienvenus.





Je n'ai pas réussi à comprendre pourquoi certains (ou certaines) peuvent rester alors que d'autres sont chassés. Mystère des affinités électives ? Les parades (car il s'agit bien des parades nuptiales qui président à la formation des couples qui resteront monogames toute la saison) sont collectives, associant 3 ou 4 individus. Pourquoi, dans le quadrille qui suit, 2 des protagonistes se mettent d'accord pour chasser l'un des 4 ?

Nos 4 amis s'en donnent à cœur joie, pendant qu'un 5ème s'éloigne prestement. 

 Le ballet se noue entre 2 flamants

Il semble que ce soit le dernier arrivé qui soit écarté comme s'il s'était invité indûment.

Ensuite, la femelle rompt la symétrie des mouvements et tend le bec par en dessous. Bec fermé. Est-ce le signe d'une acceptation ou, au contraire, le refus de continuer à jouer. Voici 2 exemples de cette attitude.



Mais comment interpréter le geste suivant où le mâle semble bien repousser la femelle ?


J'ai pu suivre un bon moment une séquence complète entre 3 individus, un mâle et 2 femelles si j'en juge par la taille (que je repère à la longueur des pattes). Le mâle est à gauche et reçoit une double proposition. Il semble la refuser "Pas toutes en même temps mesdemoiselles !"


Puis la parade s'engage avec celle qui est la plus éloignée.





La plus proche était restée dans la partie, comme en témoigne ses plumes hérissées, même si elle se contentait de regarder sans participer aussi  activement que tout à l'heure. Mais voici qu'elle estime que c'est son tour. Elle se lance avec détermination le cou bien tendu.


Mais ça n'a pas l'air de marcher.


et le mâle revient à la 1ère qui entre temps s'était mise à manger.


Finalement rien n'a l'air de marcher. Certes, le 2ème couple (avec la femelle qui nous est la plus proche) semble, finalement, avoir plus de succès que le premier, avec ce doux tête à tête.






Mais rien n'est conclusif et l'on décide de partir se promener pour manger. Celle qui était la plus proche amorce le mouvement...


...suivie par l'autre femelle

 .
.. on se met eu boulot sérieusement, aussi coordonnés dans la quête de nourriture que lors d'une parade réussie. "A défaut d'amour, allons faire une bonne bouffe entre amis" ont-elles l'air de dire.


Les filles semblent sympathiser à moins qu'elles ne se chamaillent en allant voir ce qu'il y a dans l'assiette de l'autre. Difficile de trancher entre les 2 hypothèses.


Je m éloigne. Je ne ne connaîtrais pas le fin mot de l'histoire.

L'histoire, elle est terminée pour de nombreux couples. Il semble que l'ouverture simultanée des ailes soit un bon indice d'un engagement réciproque.


Ensuite, c'est le train-train qui commence. On est bien ensemble mais on n'a plus beaucoup de choses à se dire.







Quelques petites brouilles sans gravité animent le quotidien, comme dans ce couple où le mâle semble s'agacer de voir sa femelle traîner en arrière.


Heureusement pour son autorité, elle se rapproche rapidement et lui emboîte le pas.


Quant à l'essentiel, on ne le verra pas. Je ne sais où se déroule les accouplements. Dans la cohue de cette devanture pour touristes humains ? J'espère que non. Plutôt en quelques lieux déserts, ce qui n'est pas difficile à trouver dans l'immensité de la Camargue.

La ponte et la naissance des petits, on sait où elle a lieu, sur un îlot artificiel spécialement construit sur l'étang du Fangassier, de l'autre côté du delta, dans une immense pouponnière collective qui rassemble des milliers de petits. Mais tout ceci est heureusement inaccessible aux touristes voyeurs que nous sommes.

Consolons-nous avec les autres habitants des marais camarguais. Voici d'abord l'aigrette garzette à la tunique immaculée. On remarque son bec noir et une touche de bleu près de l'oeil. Elle a enfin, comme les hérons, 2 longues plumes derrière la tête qui m'évoquent le double ruban des bérets de parachutistes.


Elle cache de grosses serres jaunes au bout de ses longues pattes.




Elle est souvent solitaire ou alors en petit groupe. Rien à voir avec les flmants qui adorent la promiscuité.



Elle a beaucoup d'allure.



Mais il lui arrive aussi de se tasser sur elle-même, dos rond, On la rapprocherait volontiers des hérons plutôt que des aigrettes.



Du coup elle ressemble à un espion de comédie, à un détective un peu louche, qui épie sournoisement ses semblables, cherchant à se rendre invisible drapé dans sa longue houppelande.





C'est un chasseur redoutable. L'aigrette garzette passe son temps à piquer du bec dans une eau pourtant pas très claire pour en ramener les bestioles qui lui servent de repas. Entre ces deux photos prises à la cadence maximale de mon appareil, il y a une prise. Une prise minuscule, à peine visible, mais, ajoutée à plein d'autres, elle fait un repas.



Son vol ressemble à celui du héron, cou replié. Pas très élégant mais efficace, lui permettant de foncer rapidement et sans bruit.


Moins spectaculaire, fine comme l'esquisse d'un dessin japonais, solitaire et agitée, voici l'échasse, aux longues jambes rouges et à la petite tête toute ronde comme son œil.


Elle marche à pas pressés, le buste penché en avant,  comme un M. Hulot arpentant la plage de Bretagne où il passe ses Vacances.


L'échasse vole aussi avec beaucoup d'élégance



Autre oiseau solitaire dont je n'ai vu qu'un seul exemplaire, la cigogne. Je l'ai aperçue une 1ère fois dans la partie centrale, avec son air de vieux sage souffreteux.





 Puis, plusieurs heures plus tard, je l'ai retrouvée alors que je longeais l'étang de Ginès. Elle arrivait en un long vol plané pour se poser gentiment à une vingtaine de mètres de moi qui étais pourtant complètement à découvert.




Il y avait là un tas d'herbes sèches qu'elle s'est mise à fouiller...


...en attrapant une becquée qu'elle finit par rejeter.




Si l'échasse et la cigogne étaient solitaires, je n'ai vu l'avocet pratiquement qu'en couple. C'est un bel oiseau, élégant, de plumage et de comportement. Son nom complet, c'est d'ailleurs "l'avocette élégante". Plumage très sobre, blanc avec quelques touches de noir sur la tête et les ailes. Ses pattes sont d'un joli bleu un peu délavé. Dommage qu'elle ne les montre que rarement, toute occupée à pêcher sans relâche, le ventre au ras de l'eau.


Sa plus saisissante particularité, c'est son bec recourbé vers le haut comme une cuillère dont elle ramasse les petits invertébrés dont elle se nourrit.




Ce couple pêchait tranquillement juste en face de mon observatoire. J'ai dû faire un geste un peu trop vif . Ils se figent, tous les sens en éveil.


Conclusion de cette rapide inspection : attention danger. Les voilà partis.




Ils dépassent d'autres avocets et leur communiquent leur panique.




Finalement, elles entraînent avec elles toute une troupe de canards souchet.



Ils vont rejoindre leurs petits camarades qui nage en compagnie d'une sarcelle.

 Sarcelle à gauche, et canards souchet.

Enfin, je ne puis oublier de citer les hérons cendrés, même s'ils me sont plus familiers puisqu'on en trouve jusque dans le parc des Buttes Chaumont en plein Paris.

Bizarrement, ils étaient beaucoup plus sauvages que tous les autres oiseaux, décelant ma présence bien avant que je ne les voie. Aussi n'ai-je pratiquement que des photos de hérons en vol.








Si j'ai pu photographier ces 2 hérons au sol, entourés de mouettes rieuses et d'un goéland, c'est parce que j'étais caché dans l'ombre d'un observatoire.


En revanche, dans la partie centrale du parc, ils semblent tellement habitués à voir des humains qu'ils ne leur prêtent aucune attention.  Ils ont installés leur héronnière dans les arbres et s'activent à ramasser les branches dont ils consolident leur nid.




Lorsqu'ils se reposent, ils tiennent tout en haut des branches dans un équilibre qu'on jugerait précaire mais qui semble leur convenir tout à fait.


 

On peut ainsi admirer leur œil souligné d'un trait de bleu et leur bec qui passe, en un subtil dégradé, du rouge orangé au jaune vif.


Dans un nid, un jeune au comportement étrange, qui semble l'étonner lui-même.



Pendant ce temps, les adultes s'activent à grand bruit d'ailes.


J'aurais bien aimé continuer à observer le construction du nid mais mon appareil de photo en a décidé autrement. Je ne peux même pas vérifier les photos prises. Je reviendrai avec, je l'espère, moins de pluie et surtout une plus belle lumière. Maintenant il faut prendre la route pour près de 800 kms afin de rejoindre la pollution parisienne, le temps nécessaire pour que le Nikon retrouve ses esprits dans la douce chaleur du chauffage.