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dimanche 21 octobre 2018

En hommage à Claire et Roger Quilliot qui n'eurent pas le droit de mourir ensemble


Je sortais du Musée des Beaux-Arts de Clermont-Ferrand où je venais de passer 2 heures tout à fait délicieuses. En me dirigeant vers la sortie, j'avais découvert la plaque apposée lors de son inauguration par deux hommes politiques qui allaient, tous deux, se suicider, Pierre Bérégovoy, Premier ministre pour quelques mois encore et Roger Quilliot, sénateur-maire de Clermont-Ferrand. 

Cette plaque m'avait plongé dans une sorte de rêverie mélancolique, en décalage complet avec le ciel bleu et le soleil éclatant que je retrouvais après ce moment de contemplation heureuse. Je me souvenais très bien du double suicide de Roger Quilliot et de sa femme en 1998. Je me souvenais de ma colère et de ma révolte lorsque j'avais appris que les médecins s'étaient acharnés à les ramener à la vie. Roger Quillot avait décidé de mourir car, très malade, il ne voulait pas ternir l'image d'une vie au service des autres en devenant un légume. Il venait de démissionner de son mandat de maire. Sa femme, Claire, ne pouvait imaginer vivre sans lui après 50 ans de vie commune. Ils s'étaient donc couchés dans le lit de toutes leurs nuits et de tous leurs réveils, avaient avalé des médicaments, bu un dernier verre de vin, comme pour une fête dédiée à l'amour et s'étaient endormis dans les bras l'un de l'autre.

Les médecins n'avaient rien pu faire pour Roger mais ils avaient infligé à Claire la torture de se réveiller, après quelques jours de coma,  dans un lit d'hôpital, et de se découvrir seule, jetée à nouveau dans une vie qu'elle ne voulait plus. Il lui a fallu vivre, pour ne pas désespérer ses enfants et ses amis. Elle a traîné cette survie pendant 7 ans. Un jour de juillet 2005, les gendarmes l'on arrêtée au bord du lac où elle comptait se suicider comme elle venait de le confier à une amie. Le lendemain, elle n'a parlé de son projet à personne et s'est avancée dans l'eau jusqu'à perdre pied, pour mourir comme Virginia Woolf  qu'elle admirait. Des journalistes imbéciles ont écrit qu'elle allait retrouver son mari. Non, elle ne croyait à rien de tout ça. Elle n'allait nulle part, simplement la vie sans Roger n'avait pas de sens.

Heureusement, cette jeune maman m'a tiré de ma mélancolie. Je suis toujours ému par les mères (ou les pères) qui acceptent de vivre au rythme de leurs enfants au lieu de les bousculer. Il ne s'agit pas de laisser les enfants décider de tout, mais de leur donner le temps d'accepter la nécessité et son cortège de frustrations. Les enfants comprennent très tôt que la vie est remplie d'obligations désagréables, ils souhaitent seulement faire sentir combien il leur est pénible d'obéir. Dès que l'adulte manifeste qu'il a pris la mesure de l'ampleur du sacrifice, ils se rangent à la raison.

Son petit dernier refusait d'avancer pour ne pas mettre fin à un moment qui avait dû lui paraître formidable. Alors, par 2 fois il s'était éloigné en courant pour se jucher sur une petite colonne (de Buren ?), comme un preux chevalier se réfugie fièrement dans son château, défiant quiconque d'oser venir le déloger. Par 2 fois, sa mère est revenue sur ses pas, le laissant s'échapper à nouveau pour le reprendre enfin, sans pleurs ni drame. Lui aussi savait déjà que tout a une fin, d'autant plus acceptable qu'on ne vous l'impose pas autoritairement.


Sur le moment, je n'ai pas fait le rapprochement entre mes pensées sombres et cette scénette joyeuse. D'un côté, l'enfant qui veut continuer à jouer et à qui sa mère accorde un sursis, le temps d'un jeu en commun, de l'autre Claire Quilliot qui ne voulait plus jouer à la mère, à la grand-mère, à l'amie fidèle et à qui on refusait le droit d'arrêter à sa guise.

Sur le moment, donc, j'ai vécu cet instant sans prendre conscience de sa signification, mais je suis certain que dans un coin de mon cerveau, cette image de la bienveillance pour celui qu'on pourrait malmener impunément, mais qu'on laisse tranquille, venait apaiser ma tristesse de voir le mal causé par les prétendues bonnes intentions. Non, sur le moment, mes intentions étaient moins pures. Je trouvais les 3 personnages pittoresques. J'avais besoin d'une vue d'ensemble du musée pour la chronique que je suis en train d'écrire et j'attendais que la tendre et jolie maman me donne l'occasion d'ouvrir mon récit par une image un peu moins figée que la vue d'un mur de façade. J'ai attendu tranquillement que la joyeuse troupe vienne buter, l'espace d'une seconde, contre l'affiche du musée.

La chose était d'autant plus facile que les principes de bonne éducation de cette jeune femme lui interdisaient de se tourner vers moi pour, d'un seul regard,  me sommer d'arrêter de la dévisager avec cette impudence. A aucun moment elle ne me jeta ne serait-ce qu'un bref coup d’œil. Il est évident qu'elle m'avait vu. Nous n'étions que nous 4 sur cette petite place déserte. Il faut à l'évidence faire un effort pour ne pas regarder, une seule micro-seconde,  la silhouette d'autant plus dérangeante qu'elle se tient immobile, l’œil rivé au viseur de son appareil de photo, dans une attitude inhabituelle, pour ne pas dire inconvenante.

Elle a continué son chemin  comme si tout ce qui existait à gauche de son visage n'existait pas et moi, je l'ai laissée sortir du cadre. Comme elle le souhaitait, elle qui ne pensait sans doute pas qu'elle s'éloignait d'un ancien couvent catholique  habité par des Ursulines. Un ordre fondé 30 ans avant la bataille de Lépanre qui marqua la fin de la progression des Musulmans en Europe.


Et voici la place, retournée à sa solitude, désertée par la jolie apparition.


Dès l'entrée, je me sentis bien dans ce musée. La dame qui me donna un billet d'entrée contre mes 3 euros avait eu la délicatesse de me conseiller, l'air de rien, de consulter les tarifs. Façon pour elle de ne pas prendre le risque de faire entrer dans la case des seniors quelqu'un qui n'avait peut-être pas 65 ans et de m'accorder cette réduction si, par contre, j'avais dépassé cette frontière.


Pendant les deux heures que durera ma visite, je ne verrai aucun autre visiteur. 3€ pour une matinée. Diable ! Cela ne signifie pas qu'il n'y ait pas eu âme qui vive. Il y avait au contraire des ouvriers, des employés, qui vont et viennent, je ne sais pas trop pourquoi. Une jeune femme que je prends pour une conservatrice, pull ample, jean serré, tennis, fait irruption plusieurs fois dans la cour intérieure, venant d'on ne sait où. Elle marche le téléphone collé à l'oreille. Une fois, je me fais héler par un de ces ouvriers depuis l'étage au dessus de moi. Il s'excuse d'être passé inopinément devant mon objectif et m'assure que je peux l'effacer sans problème si j'ai un logiciel de retouche. Je ne sais pas si c'est un conseil ou une demande. Peu importe, il n'apparaît pas sur mes photos. 

Du coup l'atmosphère est inédite. Je n'ai pas l'impression d'être catalogué comme un visiteur vénal face à des gardiens du temple. Je suis comme l'un d'eux. Je vaque à mes occupations sans être  sommé d'adopter le comportement convenu qu'on attend d'un visiteur. Ce qui ne sera pas sans influencer l'orientation que va prendre ma visite.

Autre touche destinée à décontracter ceux qui ne sont pas les hôtes de ces lieux, le musée ménage des espaces ludiques au visiteur qui est encouragé à désacraliser l'endroit. L'attention touche d'autant plus que l'on en est, ce jour-là, le seul bénéficiaire.

L'arrière-salle compose une sorte de nature morte involontaire

Sur les tables, du papier et des crayons pour dessiner.

Enfin, l'absence de visiteurs donne une liberté impraticable dans les grandes expositions ou les grands musées. Là, on se gêne, pour ne pas gêner les autres, sans doute, mais surtout parce que le lieu et les circonstances vous enjoignent d'adopter l'attitude de l'esthète, de la jouer comme le garçon de café de Sartre joue au garçon de café. Ce que l'on regarde, la distance à laquelle on regarde, le temps que l'on passe devant chaque oeuvre, tout cela est largement contraint. N'oublie pas que tu es devant des chefs d'oeuvre ! telle est l'injonction implicite. Seul, on peut se livrer sans honte à tous ses mauvais penchants : se pencher sur le tableau, justement, au risque de le toucher, passer à tout allure devant ce qui vous ennuie, se précipiter sur l'étiquette pour juger de l'intérêt d'un tableau et même, suprême crime, le photographier avant de le regarder. Tout est permis ! En reste-t-il quelque chose ? Sur le plan strictement esthétique, je ne sais. Mais cette promenade en liberté me semble plus proche de la méditation véritable que bien des exercices dits spirituels.




Ce musée appartient à la catégorie, chaque année plus nombreuse, des musées rénovés. Ici, pas de parquet qui grince dans la solitude de grandes pièces désertes, pas de gardiens ensommeillés qui vous suivent aussi discrètement que possible de salle en salle, pour faire oublier qu'ils ne sont pas assez nombreux. 

Les bâtiments du couvent ont été réunis en couvrant la cour intérieure d'une grande fleur de verre.  Les circulations sont à la fois fluides et pleines d'imprévus. 






Les rampes pour fauteuils roulants participent à l'animation des façades.



Des demi-étages ont été aménagés, des murs percés.  Les salles sont très claires, parfois trop, mais l'ensemble est chaleureux.




Des petits détails qui feraient sans doute sourire les muséographes parisiens m'ont bien plu ou amusé, comme ces fauteuils de jardin colorés en place des tristes banquettes, ou cette statue qui se penche au balcon comme si elle admirait d'autres statues.



Les collections ne sont sans doute pas exceptionnelles. On n'y trouve pas les grands noms auxquels on est habitué. 

Il y a bien ici quelques œuvres majeures comme le célébrissime portrait de Vincent Voiture par Philippe de Champaigne.


Philippe de Champaigne     L'ange de l'Annonciation

François Boucher La fontaine   vers 1730

Parfois, oh ironie !, le nom attire l’œil mais ce n'est pas le peintre que l'on connait. Ce n'est pas Jacques Callot mais son petit-fils Claude, qui colorise une gravure de son grand-père. Ce n'est pas le Delacroix dont j'aimais admirer les fresques dans l'église Saint Sulpice, mais un homonyme. Ce n'est pas non plus le Fragonard célèbre, Jean-Honoré, mais son fils Alexandre-Evariste. Ici, il faut retenir les prénoms !

Alexandre-Evariste Fragonard  Don Juan, Zerlina et donna Elvira  vers 1830

On ne vient pas ici, comme souvent, voir "en vrai" ce que l'on a vu et archi-vu en photos. Du coup on se sent libre d'y trouver ce que l'on veut, sans se demander si c'est bien un regard esthétique que l'on porte sur telle jeune femme et non le masque d'une "vulgaire" concupiscence.

 Moïse Kissling   Nu sur fond de paysage 

 Louis Jean François Lagrenée dit l'Ainé  Jeune femme endormie sur un lit de roses 1773

Georges Moreau de Tours 1886

Carlo Dolci  Portrait de jeune fille   XVIIème siècle
Je ne retrouve pas dans ma photo l'émotion ressentie devant le tableau.
En revanche j'y perçois un détail anecdotique : contrairement au photographe qui essaie de l'éviter,
le peintre a accentué l'ombre de la coiffe sur le front.

Je me suis même surpris à oser me délecter de scènes violentes avec un léger sadisme que je ne m'avoue pas hors de cette enceinte sacrée. Cette tête m'a touché par la pureté de ses traits et la douceur de son expression, elle m'a captivé par cette mutilation que n'avait pas imaginé son sculpteur mais qui lui donne une signification nouvelle.


La rencontre était d'autant plus imprévue que cette tête voisinait avec ces statues romanes de Vierge en majesté devant lesquelles tout soupçon de perversité était impensable.

 Notre Dame de Vernols fin XIIème siècle

Notre Dame d'Usson XIIème siècle 

Cet immense tableau d'un homonyme de Delacroix, qui évoque le radeau de la Méduse était assommant, mais révélait, dans le détail, des beautés vénéneuses.

Henri-Eugène Delacroix La lutte pour la vie 1893 


Heureusement, cette Piéta taillée à la serpe m'arrachait à ces pensées dangereuses et me faisait revenir sur terre, cette Terre des vraies souffrances.

XIVème siècle

Pour se reposer de ces tensions entre le Bien et le Mal, rien de mieux que la peinture de genre qui cultive l'anecdote et nous plonge dans la nostalgie d'un passé révolu, ce qui nous procure un plaisir sans doute plus vif que celui que pouvaient ressentir les contemporains pour qui c'était une forme de quotidien (même si pour les riches collectionneurs la misère des paysans de leur temps devait leur sembler aussi étrange qu'à nous).

Théodore Romboots L'arracheur de dent début XVIIème siècle 
Il a travaillé avec Le Caravage et en a importé le style aux Pays Bas

Adriaen Van Ostade Le maître d'école XVIIème siècle 

Johann Eleazar Schenau  La petite écolière vers 1770

Dans les grandes compositions, je passe du temps à détailler toutes ces scènes dans la scène m'approchant tout près du tableau. Je ne risque pas de gêner quelqu'un, il n'y a personne.

 Le Maître du Fils prodigue La parabole du festin vers 1540 

Ce grand tableau illustre la parabole du festin du roi tirée des Evangiles de Mathieu et de Luc. A ma connaissance, elle est rarement représentée malgré son pittoresque car elle suscite le malaise : un roi invite pour le mariage de son fils les bons citoyens de son royaume. Tous se dérobent sous des prétexte divers, certains allant même jusqu'à tuer le porteur de l'invitation. Le roi fou de colère ordonne à ses serviteurs de ramasser dans les rues tous les pauvres et les estropiés. Tous viennent mais le roi découvre parmi eux un homme qui n'a pas fait le moindre effort de toilette. Il le fait jeter dans le monde des ténèbres (en bas à gauche dans le tableau). J'ai isolé une scène amusante à droite.



Ce tableau de Claude Callot est la traduction picturale d'une gravure de son grand-père, Jacques Callot. Il a les défauts de ces cartes postales que l'on colorisait dans les années 50/60.


Le tableau qui suit décrit une scène rare : l'incendie d'un couvent. On sauve les bonnes sœurs comme si on les enlevait, on capture le bétail comme si on le volait.

Jacques Gamelin Incendie d'un couvent XVIIIème siècle 


Jean-Baptiste Lallemand La noce (détail)  XVIIIème siècle

Parfois, la scène intrigue par son sujet mais c'est le visage de cette femme qui me touche, d'autant plus que sa beauté semble fragile avec la balafre que  le vieillissement de la toile a tracé en son milieu.

Joachim Beuckelaer  Jésus chez Marthe et Marie  1572
Ici le sujet religieux, par un retournement complet des perspectives, 
se devine à peine au profit de la scène triviale des poulets qu'on embroche 


Enfin, je donne une place à part, dans cette catégorie, à cette superbe marine de Vernet.


Henri Vernet   Marine   1763

Émoustillé par ces détails piochés dans les grandes toiles, je cherche les tableaux qui présentent des scènes inédites, au moins à mes propres yeux.. Elles ne manquent pas. C'est l'Enfant-Jésus qui montre sans vergogne son petit zizi, humain trop humain. C'est cette fuite en Egypte où l'on voit Joseph cueillir des fruits dans un panier pour un pique-nique champêtre ou un camping sauvage loin du village que l'on aperçoit au loin. Il est rare aussi de voir Joseph jouer seul avec son fils. Une scène intimiste qui convient bien à notre époque égalitariste entre les femmes et les hommes.

Ecole de Nuremberg   Le repos pendant la fuite en Egypte   XVIème siècle 

Jacques Blanchard    Vierge à l'enfant    1630

Ecole italienne   Joseph et l'Enfant-Jésus   XVIIème siècle

Souvent l'étonnement naît d'un parti pris muséographique, comme ces deux profils, l'un de marbre, l'autre peint en trompe l’œil. Je ne crois pas que le plaisir vienne de la simple virtuosité.



Ils s'affrontent par delà les temps, lui regardant sereinement de haut, elle à hauteur de femme, pourrait-on dire, avec détermination.  "Charlotte avait le feu sacré de l’indépendance, ses idées étaient arrêtées et absolues. Elle ne faisait que ce qu’elle voulait. On ne pouvait pas la contrarier, ceci était inutile, elle n’avait jamais de doutes, jamais d’incertitudes. Son parti une fois pris, elle n’admettait plus de contradiction." Frédéric de Corday.

Plus intéressante encore, la confrontation de l'oeuvre et de son esquisse. 


Jean Jansem  Esquisse et portrait de Simone Combe  vers 1950

Juste à côté, dans l'espace réservé à la collection de Maurice et Simone Combe, deux interprétations du même modèle, par deux peintres différents.

André Minaux   Portrait de Simone Combe

Bernard Buffet    Simone et Maurice Combe

Je n'ai pas noté le nom de ce peintre du début du XIXème siècle ni le sujet de son tableau. Dommage car le rapprochement entre le travail préparatoire et le tableau final est impressionnant : le format du premier est plus grand que ce lui de la scène complexe dans laquelle il s'inscrit..



Notre goût contemporain préfère souvent l'esquisse au tableau léché, le détail à la grande composition. Parfois même l'inachèvement du tableau possède un charme envoûtant que n'aurait pas eu le tableau fini.

Théodore Chassériau   Cinq esquisses pour La Défense des Gaules 1853


Photo de Jean-Louis Mazières

Thomas Couture   Baudelaire et la Présidente Sabatier    vers 1850

Le caractère troublant de ce tableau inachevé vient de la juxtaposition de la femme nue et de l'homme habillé, un motif fréquent, mais surtout de l'inachèvement de la tête de la femme qui la réduit, de manière tout à fait explicite, à n'être qu'un corps.

Pour soutenir l'intérêt, la muséographie double la présentation chronologique des œuvres, d'une présentation thématique. L'une est évidente, s'agissant d'un musée bien ancré dans sa province d'Auvergne, dans sa géographie et dans son histoire mythique. L'intérêt dépasse quelquefois la simple anecdote.

Antoine Roux   Vue de Royat   1853 


 Félix Bachellery   La Fontaine de Nohanent    vers 1850


Cette esquisse de Camille  Corot  est magnifique.   vers 1840

Jean-Alfred Desbrosses  Le Mont-Dore (après l'orage)   1887 


Abbé Léon Boudal   Eglise de Saint Victor la Rivière sous la neige   vers 1920 

J'ai adoré les tableaux de ce curé de Murol pendant plus de 40 ans qui a peint toute son église et est mort juste après avoir terminé les peintures de son presbytère.

Armand Guillaumin   Vue de Saint Sauves   1905 


Félix-Joseph Barrias    Un Gaulois et sa fille emprisonnés à Romme   1847


J'ai commencé par sourire devant cette imagerie. Puis me sont revenues les illustrations de mes livres d'école et j'ai rêvé au paradis perdu des illusions si belles d'être parfaitement simples.

Autre thème, la musique. La thématique peut sembler parfois une facilité. Mais la rencontre improbable donne parfois du sens, même si l'un n''est que le faire valoir de l'autre.

 Marc Chagall   Les musiciens    vers 1955


Honoré Daumier  Croquis musicaux    vers 1850


Une salle entière est consacrée aux douze tableaux qui ornaient la grande salle de réception du château d'Effiat. Elles sont un peu à l'étroit, mais on a l'avantage de les voir à hauteur d'homme.




Le marquis qui les a commandées, Antoine Coëffier-Ruzé d'Effiat ne les a pas admiré sans doute longtemps car il est mort peu après. Cela explique sans doute que les tentures qui auraient dû être réalisées à partir de ces toiles n'ont jamais été tissées.

Le marquis d'Effiat.
Ce total inconnu pour moi avait eu le temps d'être gouverneur d'Auvergne, 
surintendant des Finances et maréchal de France.

Curieusement on a relégué un tableau de Cueco au fond de cette salle, sans doute à cause des dimensions imposantes de la toile mais peut-être aussi parce qu'on ne svait qu'en faire. Le tableau ne m'a pas convaincu, mais évoquer cet homme dont j'aimais bien la verve et l'accent aux Papous de france Culture qu'il fréquenta jusqu'à sa mort, m'a fait chaud au coeur.

Henri Cueco   D'après le Richelieu de Philippe de Champaigne  1996

Enfin, c'est tout le sous-sol du musée qui est consacré à la collection de Simone et Maurice Combe. J'ai essayé d'en savoir un peu plus sur eux, mais il est impossible de les dissocier dans les quelques éléments que j'ai pu glaner sur internet. Un autre couple fusionnel, comme les Quillot ?  Toutefois, Simone survécut plus de 20 ans à son mari décédé en 1980. A sa mort en 2004, elle légua la totalité de la collection (plus de 400 oeuvres) à la ville de Clermont à condition qu'elle ne soit pas dispersée. Roger Guillot n'en sut rien mais peut-être que Claire apprit que ce legs allait enrichir le musée inauguré par son mari.


 J'ai trouvé beaucoup de plaisir à découvrir nombre de peintres figuratifs du XXème siècle, dont j'ignorais tout. J'ai aimé notamment le talent de coloriste d'Antoni Clavé.

Antoni Clavé   La liseuse    1944 


Antoni Clavé    Femme dans sa cuisine    1943


J'ai regretté de découvrir aussi tardivement le peintre expressionniste Francis Gruber,  mort trop jeune de la tuberculose en 1948. Il était l'ami de Giacometti qui dessina sa tombe tandis que c'est Louis Aragon qui prononça son oraison funèbre. Voici une occasion d'aller à Thomery, près de Fontainebleau.

Quand j'étais jeune et que je ne me déplaçais qu'en stop, je prenais le train jusqu'à Thomery pour rejoindre à pied la nationale 7, afin d'éviter les difficultés d'un départ depuis la capitale. Maintenant il y a l'autoroute et l'on ne passe plus à côté de Thomery, mais la tombe de Francis Gruber doit bien être toujours là.

Francis Gruber    Modèle dans l'atelier    1935


J'ai retrouvé aussi des noms connus, Gromaire, Marie Laurencin ou même un très étrange Fautrier.

Marcel Gromaire     Falaises aux mouettes   1937 





Marie Laurencin   Portrait de femme    vers 1930 



Jean Fautrier     Bouquet de marguerites    vers 1926


Pour finir, je me suis attardé dans l'espace consacré au XIXème siècle. De toute façon, il fallait en passer par là pour sortir !



Malgré mon œcuménisme total de ce matin-là, où j'étais prêt à accueillir toutes les expériences, je ne suis pas arrivé à me pâmer devant la peinture historique du début du siècle, juste en sourire un peu quand le discours est un peu trop explicité comme cette opposition absolue entre Hector et Paris. On a envie de rire devant une telle insistance.

François-Henri Mulard   Les reproches d'Hector à Pâris   1819


Ici, on n'a pas envie de rire,  on est glacé autant par la raideur de la peinture que par la violence de la scène.

Edouard Debat-Ponsan Une porte du Louvre le matin de la Saint-Barthélémy  1880
J'ai l'impression de voir les photos des volumes de l'Illustration que je feuilletais chez ma mère.

En revanche, j'ai bien aimé ces portraits bien bourgeois qui sentent le travail bien fait et associe le noir des hommes au chatoiement des femmes.

Thomas Degeorge   Autoportrait   1839 

Thomas Degeorge Madame de Laval    Madame Degeorge


Thomas Degeorge   Madame Degeorge  1838

Surtout, je me suis laissé aller à mon penchant nouveau pour la peinture symboliste, penchant dont j'avais pris conscience lors d'une visite au Musée des Beaux-Arts de Nice.

Guillaume Dubufe    Sainte Cécile    1878



Amable Gabriel de la Foulhouze   Les Nuits de Musset   1886


Il est temps pour moi de revenir vers Clermont, en empruntant les rues de Montferrand, ce quartier que je ne connaissais pas, cette ancienne ville rattachée à Clermont en 1630 et qui n'a cessé de revendiquer son indépendance jusqu'à la fin du XIXème. Elle ne risquerait pas de l'obtenir maintenant, si elle le souhaitait, car je pense que la plupart des gens ne connaissent Clermont-Ferrand qu'au travers de son club de rugby, de Montferrand justement.



Le quartier ancien tire son charme du contraste entre ces rues hautaines d'ancienne ville royale et ses places quasiment rurales.









Et puis, Michelin a toujours été à Montferrand et non à Clermont !