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jeudi 31 mars 2011

Crise du logement chez les perruches

 Voici plus de 3 semaines que j'ai abandonné mes perruches en plein ciel alors que j'avais promis une explication à leur comportement étrange, fait d'agitation continuelle, de chamailleries et d'inhabituelle agressivité. Revenons donc à ce 3 mars

La raison de ce chamboulement de leurs habitudes n'a rien de mystérieux. En fait, elles sont confrontées à une situation que les humains connaissent bien : la pénurie de logement, l'impossibilité pour une partie des jeunes couples de trouver un endroit décent pour mettre au monde et élever leur progéniture.


Pour s'en convaincre, il faut observer les moments de ces brusques sautes d'humeur. Quand se produisent-ils ? Quels lieux leur servent de théâtre ? Suivez-moi et regardez (en cliquant sur les photos pour les agrandir, sinon vous ne verrez rien).






Avez-vous remarqué quelque chose d'insolite dans l'agitation qui gagnent toutes ces perruches ? quelque chose qui échappe au mouvement brownien qui s'est emparé d'elles : Parmi toutes ces agitées, une perruche est immobile, là, tout en bas des photos. Un peu plus, je ne la remarquais pas, attiré par le ballet des excitées.


Maintenant que j'ai enregistré ce détail, je m'intéresse à la perruche immobile. Mes photos sont désormais centrées sur elle. Autour d'elle, on continue de s'agiter. De temps en temps on se repose un peu, mais on reste à proximité, on surveille la perruche penchée sur le trou . Pourquoi ? tout simplement parce que ce trou n'est pas qu'un trou, c'est un nid. La chance m'a offert la confirmation de mon intuition et, à partir de là, un début d'explication du comportement étrange de nos oiseaux se dessine.






Regardez bien ce trou, à l'aspect bien particulier ; ainsi vous pourrez repérer ce qui se passe dans ce coin de l'allée de platanes.  Voua allez même pouvoir suivre une perruche en particulier afin de percer les motifs de son comportement

Pas facile me direz-vous de  reconnaitre une perruche particulière au milieu de ses congénères. Vues de loin, elles se ressemblent toutes. Si même on pouvait les approcher d'aussi près que dans une volière, il n'est pas certain qu'on distinguerait des individus différents. Alors, à une quinzaine de mètres du sol...

Cela vous semble invraisemblable, mais je vous assure que vous connaissez la perruche qui se tient au bord de ce trou si, tout au moins vous avez lu "Un amour de perruches". C'est elle qui va nous donner la certitude : ce que l'on défend, ce que l'on cherche à conquérir, ce qui est l'enjeu de ces brusques accès de violence, ce ne  sont pas de vulgaires trous mais les nids des futurs oisillons que l'on a conçu récemment.


Voici la perruche que vous connaissez (même si vous ne la reconnaissez pas). Elle regagne son nid et surveille les alentours.






Or autour, il y a des concurrents qui aimeraient bien prendre sa place. En voici déjà un.




Il n'y en avait qu'un; un 2ème arrive. Alors, celui qui s'estime le propriétaire des lieux, décide de faire une petite expédition qui éloigner les malveillants. Car il y en a d'autres tout autour.









Puis il revient précipitamment parce que certains en ont profité pour se rapprocher.


Notre ami est à droite. il fait fuir les 2 autres perruches qui s'étaient dangereusement approchés du nid.


Maintenant qu'il a mis ses adversaires  en déroute, nous découvrons, oh surprise pour nous, la tête de sa femelle. Une tête bien connue et facilement reconnue : elle est la seule perruche toute jaune de la colonie.
Il semble la protéger de ses ailes alors qu'elle sort timidement la tête, peut-être en se demandant l'origine de ce vacarme.



Impossible de rester tranquille : les autres mâles sont toujours bien proches.

Mais, cela ne fait rien. Nos amoureux sont seuls au monde.

Ils sont même toujours aussi câlins, chacun à l'heure manière.



La belle femelle jaune, rassurée par la présence de son mâle, décide de sortir, même s'il n'est pas facile de s'extirper du trou dont les bords ont été heureusement bien lissés à coup de bec.








Puis ils s'envolent ensemble, la femelle en tête.




Un petit bol d'air  mais il faut rapidement rentrer à la maison si l'on ne veut pas la retrouver occupée par des squatters.





Je ne sais pas, malheureusement, si le nid abrite déjà des œufs. Cela me semble peu vraisemblable, pour des raisons de délai depuis la conception à laquelle j'avais assisté, mais aussi parce que, dans cette hypothèse, le comportement des challengers serait incompréhensible. A l'intérieur d'une espèce, un mâle ou une femelle ne s'attaque pas à la progéniture de ses semblables. Ce qui me parait, donc, plus plausible, c'est que les uns cherchent à protéger l'abri, encore vide aujourd'hui mais indispensable demain, tandis que d'autres cherchent à le leur prendre.

Ce comportement n'est pas propre à ce couple. J'ai vu le même genre de scène se répéter. En voici un autre exemple, encore plus sidérant par sa violence. Ce couple, madame à l'intérieur, monsieur la protégeant depuis le bord du trou, se fait brutalement agresser par un tiers. L'attaque est totalement inattendue, c'est Pearl Harbor. Monsieur ne se doute de rien alors que nous, nous voyons le drame arriver.


Un premier piqué échoue devant le bec levé du propriétaire des lieux.


Virage sur l'aile de l'attaquant et remontée en vrille pour un 2ème passage, cette fois-ci pour un piqué mieux ajusté.




Le mâle attaqué s'est envolé précipitamment. Nouveau virage sur l'aile pour effectuer un 3 ème passage. Cette fois-ci la femelle se blottit au fond du trou.



Heureusement, monsieur peut revenir pour assumer son rôle de vigie et de protecteur.


Madame peut alors sortir rassurée.


J'espère, mais je n'y crois guère,  qu'ils vont maintenant être tranquille, comme ces canards, juste en dessous d'eux. C'est le seul couple de la pièce d'eau, un couple solitaire qui s'aime suffisamment pour ne pas avoir besoin de la compagnie de la foule du grand étang à 100 mètres de là.


Depuis le 3 mars, je n'ai pas eu l'occasion de retourner observer mes perruches. Elles sont pourtant toutes proches ; je vois leurs platanes de la fenêtre d'où j'écris ces lignes. La crise du logement perdure-t-elle ? je le crains. Les platanes n'offrent qu'un nombre limité de trous utilisables. Depuis quelques jours, il me semble que les perruches qui passent au dessus de ma maison sont nettement plus nombreuses que d'habitude. S'éloigne-t-elles de leurs chers platanes pour trouver d'autres gîtes ? Y a-t-il des petits ? Si j'apprends quelque chose, je vous fais signe.

mardi 29 mars 2011

Iran années 70, 7. D'Isfahan à Persépolis

Nous voici repartis d'Isfahan  vers le sud en direction de Chiraz. Nous formons une petite colonne de 3 voitures, des coopérants comme moi et 2 de nos élèves de terminale. L'objectif final, ce sont les oasis au sud de Chiraz et Bouchir le grand port sur le Golfe Persique, maintenant célèbre puisqu'il abrite la 1ère centrale nucléaire d'Iran.. Malheureusement, nous devrons renoncer à descendre du plateau jusqu'au bord de la mer. La piste qui plonge vers le Golfe Persique en grands virages pentus est très boueuse, creusée par les nombreux camions qui l'empruntent ; il était possible de descendre, mais nous avions peur de ne pouvoir remonter.

Cette inquiétude avait quelque fondement : même sur le plateau, les difficultés étaient sérieuses. La piste était très souvent coupée par des sortes de grandes baignoires du fond desquelles il fallait se lancer pour remonter de l'autre côté. L'angoisse, c'était de noyer le moteur au fond. Suivant les caractères, la technique consistait à foncer pour privilégier la vitesse de remontée au risque de caler, moteur noyé, ou descendre doucement pour éviter de faire jaillir l'eau. L'un des 3 conducteurs était partisan de la 1ère solution et je ne me souviens pas s'il a effectivement calé au fond une fois, nous obligeant à le pousser ou si sa fougue nous a fait craindre que cet événement n'arrive. Bizarrerie de la mémoire : l'émotion suscitée par la crainte d'un événement qui n'a finalement pas eu lieu, peut suffire à fabriquer le souvenir d'une possible réalité. Cette hésitation, ce trouble, me rend prudent dans tous ces récits qui remontent à des temps bien lointains

En ce tout début de printemps 71, le temps changeait très souvent. En quittant Isfahan, le temps était au beau mais le froid devint rapidement vif car il fallait monter en altitude et l'on rencontra vite un peu de neige gelé.



Un campement qachqaï juste au bord de la route, entre Isfahan et Chiraz.

Lors des arrêts, on improvise des parties de pétanque avec des pierres en guise de boules.


ou, un peu plus loin, des batailles de boule de neige.


Lors de la re-descente vers Chiraz, la température se réchauffe considérablement. Dans une large cuvette ouvrant sur la plaine, apparait le tombeau de Cyrus le Grand, le fondateur de la dynastie des Achéménides et plus généralement de l'Empire Perse après sa victoire sur les Mèdes, ses voisins du nord. Je me souviens que ce tombeau solitaire au milieu de cette cuvette désertique m'a beaucoup ému. Ses constructeurs le voulurent incontestablement majestueux  mais il évoque, pour nous tout au moins, la vanité des gloires, passées et présentes.


De nombreux ouvriers y travaillaient pour restaurer le monument et aménager ses abords, daller le sol poussiéreux , monter un escalier,  tracer des allées rectilignes et noyer ce qu'il avait de sauvage et d'un peu primitif, dans une modernité rassurante et banale. Les grandes fêtes de Persépolis approchant, le pouvoir impérial et ses chantres ne craignaient pas la grandiloquence. Dommage !



D'autant plus, qu'à tout prendre, si l'on voulait absolument faire quelque chose, plutôt que laisser au site son charme romantique, on aurait pu recréer l'environnement verdoyant du monument tel qu'Alexandre le découvrit un siècle plus tard : Un bois sacré, des jardins, symbolisant la vie éternelle du grand Roi.


Le même tombeau lors des cérémonies d'octobre 1971.
http://parsikhabar.net/culture/2500-years-the-persepolis-celebrations-of-1971/1510

Juste à côté, le palais de Cyrus, maintenant arasé, ne parvient pas à exister face à l'imposant tombeau. On raconte qu'Alexandre aurait trouvé le tombeau intact, lors de son passage aller, mais violé lors de son retour du voyage qui le mena jusqu'à l'Indus.Il avait respecté le grand conquérant dont il était en train de s'approprier l'empire ; il n'avait pas toléré que d'autres profanent son souvenir et l'avait fait à nouveau murer.Entre conquérants, on se doit de tels égards.



Persépolis est proche de Pasargades, à environ 80 kms. On est là au cœur du pays des Perses. Le site est grandiose, la terrasse royale, adossée à la montagne ouvre sur une plaine infinie, mais il est difficile d'imaginer l'élévation de la salle aux 100 colonnes. Certaines de ces immenses colonnes ont été remontées mais elles sont trop peu nombreuses pour qu'on puisse tracer par l'imagination le formidable toit de bois qui recouvrait la salle.

C'est Cyrus II (Cyrus le Grand) qui vainquit les Mèdes.
L'alternance de Perses et de Mèdes sur l'escalier
menant à la salle d'apparat symbolise l'unité de l'empire iranien.


La taille des chapiteaux tombés au sol permet de mieux estimer la hauteur mais ce n'est pas le bâtiment lui-même qui impressionne.


Les portes, les encadrements de fenêtres, ont certes un aspect monumental, presque cyclopéen.




La taille des quelques visiteurs donne une idée des dimensions du monument.

Ce qui frappe surtout et qui m'a laissé un souvenir très précis de Persépolis, ce sont les bas reliefs de la terrasse. Taillés dans une pierre dure, au grain très fin, leur dessin est d'une netteté incomparable, tout au moins sur les parois qui n'étaient pas exposées aux vents dominants. Il est exceptionnel de trouver sur un site en plein air, et non dans un musée, des sculptures aussi fraiches, comme si elles venaient d'être taillées. Même si elles ont été protégées pendant des siècles par des remblais aujourd'hui dégagés, il est étonnant de trouver pareille splendeur en plein désert.

Défilé des offrandes.

Ce noble perse mesure seulement 60 cm.


Assyriens derrière un Perse.

Offrande pour le Nouvel An de Phrygiens et  d'un Mède.



Alternance de nobles perses et mèdes.

Nobles perses sur un montant de porte.

Les sculptures des  parties exposées aux intempéries sont naturellement moins bien conservées. De plus, la prise de vue en contre-plongée ne les avantage guère. En voici malgré tout quelques exemples pour donner une idée de l'ampleur de la décoration sculptée. 





Tout en haut de cet encadrement de porte, le Faravahar de Darius, son "ange-gardien", dans la religion mazdéenne (ou zoroastrienne), sans doute la 1ère religion monothéiste avec son  dieu Ahura Mazda, le soleil. Apparue en même temps que la religion juive, il est vraisemblable que cette dernière lui ai emprunté de nombreux traits lors de l'exil des Hébreux à Babylone dont les délivra Cyrus le Grand. La Bible cite plusieurs fois Cyrus et l'enrégimente au service de Yahvé : "C'est moi qui ai suscité Cyrus dans ma justice, Et j'aplanirai toutes ses voies; Il rebâtira ma ville, et libérera mes captifs, Sans rançon ni présents, Dit l'Éternel des armées".Isaïe 45-13. Autre temps !

Je termine ma visite en sortant par cette porte, face à la plaine qui s'étend au pied de la terrasse royale.

Peut-être avez-vous remarqué le soldat, fusil en bandoulière,  qui se trouve de l'autre côté de la porte, juste au bord de la terrasse. J'ai bien manqué perdre à cause de lui la totalité de mes photos de ce voyage Alors que je me dirigeais vers le bord de la terrasse, il se jeta sur moi en exigeant que je lui remette ma pellicule : j'avais photographié, malgré l'interdiction, les tentes de réception de la cérémonie à venir, la célébration des 2500 ans de l'empire perse.

Les fêtes de Persépolis en octobre 1971.

Je connaissais l'interdiction (qu'il aurait été difficile d'ignorer, ce jour-là) et j'étais sûr de mon bon droit. Non, je n'avais pas pris de photo des tentes. D'ailleurs, je n'en avais pas envie ; je trouvais tout ce falbala ridicule. Pour moi, à l'époque, le shah était un tyran et cette cérémonie allait en faire un tyran d'opérette. Mais le soldat n'en démordait pas.

J'essayais alors de lui démontrer que je n'avais pas pris de photo depuis la dernière qui concernait ce magnifique taureau de la porte d'où l'on ne voyait pas les tentes. Avec les appareils argentiques, on ne peut pas visualiser les photos prises sur l'écran de l'appareil. Ma mésaventure est désormais totalement incompréhensible pour qui n'a pas connu l'ère lointaine des appareils argentiques. Sur mon petit Canon à télémètre, on armait l'obturateur tout en faisant avancer le film d'une vue, grâce à un levier qu'il fallait actionner après chaque prise. Une fois, la photo prise, il n'était plus possible d'en prendre une autre, tant que l'on n'avait pas fait pivoter le levier avec son pouce droit ; le levier alors se bloquait, jusqu'à ce que l'obturateur ait été déclenché pour prendre une nouvelle photo. S'il n'était pas possible de faire bouger le levier, c'est que l'appareil était prêt à prendre une photo, film avancé et obturateur armé.

Avec mes 3 mots de farsi, et force gestes, je tentais d'expliquer au soldat que j'avais peut-être visé en direction des tentes, mais que je n'avais pas pris de photo puisque le levier d'armement ne pouvait être bougé. Le pauvre soldat devait me prendre pour un excité et je ne peux m'empêcher de sourire en repensant au ridicule de mes tentatives d'explication. Finalement, pour tenter de le convaincre par une manœuvre que j'estimais décisive, mais qui me coûtait, dans tous les sens du terme, car mes pellicules étaient comptées, j'appuyais sur le déclencheur pour bien attester que je n'avais pas pris de photo quand il m'avait vu l'œil collé au viseur. J'ai donc une photo (floue) de la tête de ce soldat. mais je n'ai pas réussi à la retrouver. 

Cette scène cocasse dura un certain temps, mais le soldat était bon bougre. Il n'avait rien compris à mes explications (et aujourd'hui, je me demande comment quiconque aurait pu être convaincu par mes gesticulations) mais ma sincérité, évidente, a dû le décider à la clémence : il me laissa filer avec ma pellicule impressionnée. J'espère qu'il vit une retraite heureuse, qu'il n'a pas fait partie des si nombreuses victimes de la guerre qui allait éclater moins de 10 ans après, entre l'Iran et l'Irak. Il m'amuse de penser que je s'il n'a gardé,  bien évidemment,  aucun souvenir de moi, je me souviens toujours de lui près de 40 ans après : chacun porte en lui un monde de souvenirs, différents de celui des autres, sans que ces fragments de réalité ne puissent jamais composer un univers cohérent.

Une autre émotion, également forte et durable, me fit oublier tout cela très vite :Naqsh-e-Rostam, le site des tombeaux des Achéménides et des bas-reliefs sassanides, à 5, 6 km de Persépolis. Sur cette falaise, on peut admirer un résumé de l'histoire des relations dans l'Antiquité entre la Perse et l'Occident. Il n'est pas sûr que cette métaphore ne s'applique pas à la période contemporaine de ces relations.

Pour l'instant, contentons nous de repérer les 2 registres d'inégale ampleur : en haut les tombeaux achéménides ; en bas, les reliefs sassanides. La tombe de Darius est la 2ème à partir de la gauche.

Le tombeau de Darius I, le seul qui soit attribué de manière certaine.

Les tombeaux sont en fait au nombre de 4, car il en est un autre, celui, semble-t-il d'Artaxerxès I, taillé dans un retour d'angle de la falaise (sur la droite de la photo ci-dessus).


Sur ce bout de falaise, ces 4 tombeaux ne figurent que la partie centrale de la dynastie des Achéménides. Il manque son fondateur, Cyrus le Grand, dont on a vu le tombeau à Pasargades, et son fossoyeur, Darius III, battu  2 fois  par Alexandre, notamment à la bataille d'Issos, représentée sur une mosaïque de Pompéï. Petite digression : Une archéologue italienne a tiré, de l'état d'usure différenciée du sol, une représentation convaincante de la façon dont le maître de maison faisait l'honneur de son chef d'œuvre à ses invités. Pour lire cet article (en anglais), cliquer sur ce lien.


Les autres tombeaux sont ceux de Xerxès, le fils ainé que Darius eut d'une fille de Cyrus., (Darius I ne descend pas de Cyrus le Grand et le lien fut établi, comme souvent, en épousant filles et femmes des prédécesseurs, d'où 7 femmes dont il eut 20 enfants attestés (Wikipedia), mais aussi Artaxerxès I et Darius II.

Si le site de Naqsh-e-Rostam ne regroupe pas tous les tombeaux des rois achéménides, il associe ceux qui ont conduit ce que les Grecs ont appelé les Guerres médiques, c'est à dire la tentative des souverains achéménides de prendre pied sur la Grèce européenne. Comme on sait, c'est Darius I qui lança la 1ère tentative qui s'acheva par sa défaite devant les Athéniens à Marathon, en 490 avant Jésus-Christ.



Cette bataille, connue de tous par la course imaginée entre la plage de Marathon et Athènes lors des premiers Jeux Olympiques, ceux d'Athènes en 1896, est surtout le symbole, de ce côté-ci du monde,  de la naissance de l'Occident, d'un Occident démocrate face à un Orient  despotique : les hoplites grecs, c'est à dire les soldats-citoyens, avec leur discipline et leur courage, ont vaincu en corps à corps, coudes contre coudes, dans la fraternité du combat, des Perses beaucoup plus nombreux, habitués au combat de loin avec leurs arcs et leurs flèches, mais sans détermination car le souffle de la liberté ne les enthousiasmaient pas.

L'empire perse à la mort de Darius I. 
La comparaison avec les minuscules cités grecques avait de quoi flatter l'ego de ces dernières.
(http://miltiade.pagesperso-orange.fr/perses1.htm)

Dix ans plus tard, son fils Xerxès recommencera et l'on sait que c'est sur mer, à Salamine que son aventure échouera à nouveau, et cela définitivement, pour les Perses tout au moins. 



La conquête d'une partie de l'Europe ne  réussira  qu'au XVème siècle, mais pour plus de 4 siècles, avec l'arrivée des Turcs au  XVème siècle. Nous venons d'en vivre une lointaine réplique avec les guerres de Bosnie et du Kosovo.

Eschyle, qui avait combattu à Marathon et Salamine, en a tiré une pièce 8 ans plus tard : les Perses.


retrouver ce média sur www.ina.fr

Je me souviens qu'en khâgne, où nous essayions de traduire cette pièce avec beaucoup de difficultés, on nous faisait admirer la magnanimité du vainqueur qui, loin d'écraser les vaincus de son mépris, se penche sue la souffrance de ses adversaires et notamment  celle de la mère de Xerxès, A l'occasion de cet article, j'ai relu la pièce et j'en ai tiré une impression assez différente : l'auteur magnifie le succès des Grecs par le récit de la désolation qui touche la cour attendant, à Suse, le vaincu abandonné de tous. Il est moins question de s'appesantir sur les malheurs de la guerre et de la défaite que de marteler la valeur des Grecs et de leur système politique : Le mythe occidental a donc la vie dure. Pour rendre sa thèse plus percutante, Eschyle avait eu une idée astucieuse en se plaçant du côté des vaincus : leurs louanges sur l'invincibilité des Grecs étaient plus convaincantes que ne l'aurait été l'autosatisfaction des vainqueurs.

Le cycle des Guerres médiques se termina enfin en 448 avec Artaxerxès I, le fils de Xerxès, qui après avoir en vain essayé de soumettre les cités grecques d'Asie Mineure, fut contraint de reconnaitre l'autonomie de celles-ci, une autonomie qui dura jusqu'au nationalisme turc d'Atatürk et dont le refus avait motivé l'expédition de Darius I.

Il était dit désormais, que les Perses ne pourraient envahir l'Europe. Mais la falaise de Naqsh-e-Rostam nous rappelle que la réciproque est vraie : l'Occident ne peut soumettre les Perses. Reprenons une vue d'ensemble du site.

Si l'on veut bien cliquer sur la photo, on peut apercevoir entre les tombes de Darius et de Xerxès, un bas relief dont on verra le détail ci-dessous :


Ce bas-relief sassanide représente la soumission de l'empereur Valérien à Shapour 1er en 259 de notre ère. La bataille a eu lieu quelque part sur le territoire de l'Irak actuel. Plus exactement, la reddition de Valérien ne résulte pas d'une  véritable bataille mais d'une simple escarmouche au cours de laquelle le vieil empereur (il a près de 70 ans) est fait prisonnier ; sa tentative d'invasion avorte ainsi avec la disparition du chef. Il meurt en captivité, personne, pas même son fils Gallien, devenu empereur, ne paie la rançon. Les écrivains chrétiens rapporteront qu'il fut écorché et que sa peau, teinte en rouge, affubla un mannequin de bois, mais leur propos est plus apologétique que véridique : c'est ignominieusement que devait périr celui qui avait organisé de violentes  persécutions contre les prêtres chrétiens.

Cette fin piteuse ressemble étrangement à la mort tragique de l'empereur Julien, bêtement blessé par une lance parthe alors qu'il essayait d'enrayer la retraite de ses troupes depuis Ctésiphon alors capitale sassanide. Décidément, que ce soit lors d'invasions, perse ou occidentale, ces expéditions sombraient dans l'échec, à chaque fois un échec peu reluisant. Peut-être y a-t-il là, dans cette région, une véritable frontière entre 2 civilisations qu'aucun des belligérants n'a jamais  réussi à repousser devant lui. Parce que chacun était trop loin de ses bases pour porter des coups efficaces ou parce que ces systèmes trop différents n'arrivaient pas à se combattre vraiment, préférant s'ignorer ?

http://fr.wikipedia.org/wiki/Julien_%28empereur_romain%29

Mais il est temps de quitter l'Histoire pour aborder des peuples, apparemment sans Histoire, les nomades qachqaï. Mais d'abord, une halte à Chiraz.


Annexes
Pour les amateurs et les nostalgiques de Léon Zitrone, le documentaire de 27' réalisé par l'ORTF  (nous sommes 3 ans avant son éclatement, 40 ans avant sa recomposition aujourd'hui sous le nom de France Télévisions !). Ce documentaire présente les images proprement dites des fêtes mais aussi des interviews des responsables de son enregistrement (dont Zitrone qui nous apprend qu'il avait étrenné pour la première fois un écran de contrôle en couleur).


retrouver ce média sur www.ina.fr

Enfin, si vous voulez vous reposer du style plutôt sirupeux de notre Léon Zitrone (quoique, dans son ITW, il est moins lisse que d'habitude pour critiquer la pagaille de Persépolis), je vous conseille cet ITW du Shah, à l'américaine, totalement impossible dans notre pays.