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mardi 30 août 2016

La fin des feux de l'été.

Les gens du pays disent que l'été, dans cette région de petite montagne, bascule juste après le 15 août. Cette année, le bel été, celui des 29/30° dans la journée, des matins frais, des ciels invariablement bleus, sans nuages ni orages, s'est prolongé une dizaine de jours supplémentaires. Au point de laisser croire qu'après 2 mois sans presque aucune interruption orageuse, il allait durer éternellement.

Malheureusement, j'ai attendu un jour de trop pour réaliser un vieux projet. En ce 27 août, je me proposais un double plaisir : aller voir la conjonction exceptionnelle de Jupiter et de Vénus en limite d'horizon, juste après le coucher du soleil et, pour ce faire, monter au sommet de l'Arpille, afin de bénéficier d'une vue de haut, suffisamment dégagée.

Voilà longtemps que je désirais faire cette ballade. L'Arpille n'est pas remarquable par son altitude (1686 m), semblable à peu de choses près à celle des montagnes environnantes. Ce qui fascine, c'est sa belle allure de falaise abrupte, visible de partout dans la vallée de l'Estéron qu'elle ferme du côté de l'ouest. Surtout, on aperçoit de très loin une petite excroissance en son sommet dont on voudrait connaitre l'origine : chapelle, cabane ? 

L'Arpille vu au détour d'un virage.
Avec un gros téléobjectif, pas possible de voir net le 1er et l'arrière-plan.
J'aimais pourtant bien le mouvement de ces câbles téléphoniques.


Là c'est la petite cabane qui est nette.

Photo prise le lendemain de ma ballade, vers la même heure.
 La tendance du temps à la dégradation s'est confirmée.



Objectif donc, monter en fin d'après-midi pour arriver avant le coucher du soleil vers 20h40, pique-niquer et redescendre, à la lampe électrique, puisque la lune, réduite à un mince croissant ne serait pas visible avant 2h30 du matin.

Bien que l'heure fut tardive, il fit très chaud pendant le montée, malgré le couvert des arbres pendant la 1ère moitié de la montée commencée à 1060 m. On est arrivé trempé de sueur, bien content de pouvoir se changer en parvenant au sommet (et de se couvrir chaudement après le coucher du soleil pour diner sans claquer des dents). La montée est facile, 600m de dénivellé, dans un chemin raviné qui monte droit et sec puis sur une large piste récemment entretenue qui file d'ouest en est, presque à plat jusque vers 1400m. Puis, la piste qui a longé la montagne sur son adret, bifurque à 180° sur son ubac, offrant une vue magnifique sur le village de Gars, perdu au bout d'une route en impasse qui bute sur l'Estéron, 700m plus bas.


Vers 1500m, on arrive sur un petit plateau rempli de chardons bleus.



Mais il ne faut pas traîner car le soleil se rapproche de la ligne d'horizon et le sommet parait encore lointain. Le profil de la piste se redresse. Elle monte en lacet vers un nouveau plateau herbeux qui étonne. On imaginait quelque chose de plus pierreux tout en haut de l'altière falaise. On croit voir des traces d'anciens alpages, avec des enclos marqués par des changements de couleur de l'herbe.



La vue est circulaire mais naturellement l'oeil est attiré par le soleil. On ne jette finalement qu'un rapide coup d'oeil sur l'excroissance d'origine humaine qui trône au sommet et qui était pourtant un des buts de la ballade. La petite cabane de la tour de guet (les pompiers parlent de vigie) et surtout les antennes alimentées par des panneaux solaires ne payent pas de mine. On préfère les oublier devant le spectacle champêtre devant nous.


Après mon retour de ballade, j'ai voulu en savoir plus sur cette vigie qu'on dit abandonnée, bien que les batiments, comme la piste, soient bien entretenus. Il est difficile d'apprendre quekque chose de précis en consultant simplement les sites de randonnée ou de tourisme qui se copient visiblement les uns les autres. Cette navigation ne fut pas complètement inutile. Sur le site alpille.com, qui regroupe des informations sur la région, j'ai appris par exemple qu'on pouvait trouver des pains traditionnels à La Penne, que les chapelles de Gars ou des Sausses valaient le détour. Autant de projets de ballades à moto. Surtout j'ai trouvé le Plan de lutte contre les incendies des Alpes martimes datant de 2008. J'y ai appris qu'il y avait 3 vigies sur le département, la principale au sommet du mont Vial. L'Arpille est une vigie secondaire occupée seulement en cas de risques très élevés, comme en 2003.

D'autres informations sont moins réjouissantes : 40% des incendies dans le département onr une origine criminelle ; la situation de la vallée de l'Estéron est préoccupante, notamment du fait de son accès difficile et du formidable développement de la forêt dans les décennies récentes à cause de l'abandon de la culture et de l'élevage. Pas étonnant que tous les ans au printemps les Canadair et autres bombardiers d'eau viennent y faire des exercices en rasant la rivière.

Un Tracker le 24 mars de cette année, 200/300 m au dessus de ma maison.

Dès le départ, il fut évident que la forte nébulosité de ce premier soir du basculement de l'été rendrait peu vraisemeblable l'atteinte du premier objectif, à savoir l'observation de le conjonction planétaire, . Effectivement, Jupiter et Vénus, normalement si visibles même dans le ciel embrumé des villes, ne se ùmontrèrent aux mortels venus les admirer. Ce n'est pas que je me sois trompé dans mes recherches. J'étais super-équipé avec mon Ipad et mon logiciel de carte du ciel qui superpose ses indications littérales sur le ciel observé. Je pus suivre, sur mon écran seulement, la fameuse conjonction et la lente plongée du roi des dieux et de sa fille céleste derrière la ligne d'horizon. Le ciel étoilé fut certes magnifique, mais seulement à partir de 15/20° au dessus de l'horizon : Mars, Saturne, Grande et Petite Ourse, constellation du Scorpion, de la Lyre avec Véga, Cassiopée, etc. Mais de Jupiter et de Vénus, point.

La forte nébulosité du ciel eut pourtant un avantage : permettre d'observer un magnifique coucher du soleil sans s'aveugler (pour être franc, j'eus un peu mal à l'oeil droit le lendemain). Les derniers feux de l'été en quelque sorte. Démonstration en images.



L'épaisseur croissante de l'atmosphère crée des bandes de couleur de plus en plus sombres.
Elle déforme aussi le soleil qui ne parait plus circulaire. La déformation est suffisamment forte pour devenir évidente même pour l'astigmate que je suis (et qui ne voit que des éllipes et jamais de cercles)

Image fortement agrandie numériquement.
(les autres photos du soleil sont prises au 500mm)
La circonférence n'est pas régulière.


Cette fois-ci la déformation ne vient pas de l'empilement des couches d'air 
mais d'une montagne lointaine.




 Les nuages sont encore éclairés mais sur terre, la nuit avance


Tout en bas, c'est Saint Auban


Un peu plus tard, la nuit s'est suffisamment épaissie pour qu'on voit mieux les lumières du petit village, même si ma main a un peu tremblé.


Le diner se déroule dans une nuit complète...


...comme la descente. Ma lampe frontale que je croyais avoir réparée avant de partir m'a gentiment lâché au bout de quelques minutes. Heureusement mes 2 compagnons de route avaient la leur. Quelques torsions de cheville plus bas, on était à la voiture vers 23h30. Bizarrement claqués. Et puis aussi un peu déçus comme chaque fois qu'une interrogation cède la place à une certitude. L'Arpille a perdu son mystère. Son énigmatique batiment sommital est entré dans le règne des objets connus et donc banals. C'est comme de comprendre le sens d'un mot étrange qui faisait rêver et dont on préservait le mystère en refusant de consulter un dictionnaire. J'ai bien l'intention de garder ma fascination pour les mots dont le sens m'est inconnu. Mais je continuerai mes petites explorations car difficile de résister à l'attrait de la découverte de cette bonne vieille Terre.

jeudi 18 août 2016

Le torrent a gagné !

Si l'on veut un équivalent de la foule italienne dans les Cinqueterre fin juin (voir http://www.leschroniquesdemichelb.com/2016/07/noir-de-monde-blanc-de-marbre.html), on peut aller dans le Mercantour à la mi-août. Mon projet initial, aussi chimérique que la descente dans les Cinqueterre : monter aux Lacs de Vens. La longue ligne de voitures stationnées en bordure de la route suffirait à dissuader n'importe qui. A fortiori, un habitué de ces montagnes hors saison.

Heureusement, il y a un peu plus loin dans la vallée de la Tinée une joile ballade peu fréquentée car elle ne correspond pas à ce que chaque promeneur a dans la tête quand il part dans le Mercantour : la ballade commence par une descente, puis c'est un long plateau légèrement incliné jusqu'à des altitudes modestes vers 2500 m. Pour le marcheur habituel, on part d'un point bas, on monte à un point haut, sommet ou lac, puis on redescend. C'est simple et reposant pour l'esprit. Pour l'esprit et pour le corps, car il est désagréable de terminer sa ballade par une remontée. Voilà pourquoi, à mon avis, on rencontre peu de monde sur ce trajet, mêrme en plein été.

Ce 16 août, j'ai une autre raison d'aller dans ce coin : vérifier si la grange que j'avais vu en équilibre instable, 6 ans plus tôt, tient toujours tête au torrent qu'elle surplombait. Lors de cette ballade, racontée dans un précédent post (http://www.leschroniquesdemichelb.com/2010/10/pas-de-loup.html), on était déjà rentré dans l'hiver et j'avais fini dans la neige ma montée jusqu'à la frontière italienne, au col de Pouriac.

Le Salso Moreno le 20 octobre 2010.
Au fond à gauche, le col de Pouriac.

La grange était déjà mal en point. J'écrivais alors qu'elle "ne passerait pas l'hiver".


Une partie de la structure avait commencé à s'incliner dangereusement vers le lit du torrent, la plupart du temps à sec mais que l'on imagine pouvoir être dévastateur dans ses moments de folie.


En ce jour d'août 2016, la vue sur le Saso Moreno est toute différente et moins spectaculaire, dans une monochronie apparente de vert et de brun.



Je ne suis mêm pas au bout de la descente que je constate déjà la triste disparition de la jolie grange.

A gauche, le Rocher des Trois Evêques (2868m)


On pourrait prendre les restes des murs de la grange pour une clôture de parc à moutons.

Mais foin de nostalgie ! Le paysage alentour est magnifique, vaste, changeant avec les nuages qui en animent les contours.





 Par endroits, là où l'eau s'accumule, pousse une herbe très verte qu'on dirait cultivée.

A droite, la Tête de l'Enchestraye (2954 m)

Des panneaux expliquent, au sommet du col de départ, le col des Fourches, la diversité géologique du lieu. On n'est pas sensible tout de suite à cette palette de couleurs. Il faut regarder les détails, comme dans ce petit ruisseau. J'ai regretté au retour de ne pas avoir photographié toutes ces pierres multicolores, veinées de vert ou de brun, qu'on rencontre partout.


La plupart des fleurs se sont fanées mais celles qui résistent n'en sont que plus attrayantes.



Parterre d'épilobes

Les colchiques rappellent que l'automne se profile déjà, passé le 15 août.



Partout des petits ruisseaux...


... et parfois une mare, avec ses grenouilles, adultes ou minuscules.



Celle-ci croise bizarrement ses pattes arrière.



Puis elle les décroise vivement pour un saut immense loin des trouble-fêtes que nous sommes.

Le top de l'endroit, ce ne sont pas les petites mares, mais les lacs de Morgon qui ont l'énorme avantage d'être bizarrement délaissés par les touristes.





Pourtant, ce que je retiens de cette ballade, ce ne sont pas ces paysages solitaires, mais la nombreuse troupe de marmottes qu'on a pu observer. J'ai naturellement regretté ma paresse qui m'avait fait troquer mon reflex et son téléobjectif pour un léger compact, performant sans doute, mais sans téléobjectif.

Hereusement, les marmottes se laissent approcher, parfois jusqu'à 3,4 mètres. Elles sont parfois si obnubilées par la tâche vitale de se nourrir constamment avant la longue hibernation qui les attend dans 2,3 mois, qu'elles continuent de manger tout en s'éloignant tranquillement.



Celle-ci n'était pas trop craintive, car elle prenait le soleil juste au bord de son trou où elle finit par se réfugier, pendant que juste à côté sa camarade de jeu surveillait les alentours dans une immobilité totale qui la rendait presque invisible.



Celle-ci m'a laissé approcher tout près.



... contrairement à cette maman qu'un de ses petits lutine : elle l'a fait filer avant de disparaître elle-même. Ma photo n'est pas terrible, même si elle me touche par la scène qu'elle évoque plus qu'elle ne montre.


Le gag, c'est que dès que je m'approchais, j'avais de la peine à viser ma cible que je ne voyais pas sur l'écran du compact. Quelle galère ces appareils sans viseur ! J'ai toute une série remplie d'herbe alors que mon modèle était tout proche.

En revanche, les scènes familiales, si touchantes, ne pouvaient être photographiées que de loin, les mères veillant à la sécurité des petits, si maigres encore qu'on se demande comment ils allaient pouvoir, eux aussi, "passer l'hiver". Ils ont été conçus dans les 15 jours qui suivent le fin de l'hibernation de leurs parents. Nés courant mai, un mois après, avec leur 3 ou 4 frères et soeurs, ils sortent du terrier vers la mi-juin. Tous ces jeunes n'ont donc que 2 mois de vie au grand air. Pas de temps à perdre pour grandir, grossir et jouer avant le grand sommel ! (informations tirées de https://projetmarmottealpine.org/rencontre-marmottes/reproduction/)

Dans ce groupe, la mère est attentive et immobile, même si les petits prennent, comme des grands, la pose du guetteur.


Elle a raison de ne pas leur faire totalement confinance. Ils n'oublient pas de jouer entre eux, malgré le salopard qui s'approche à pas de loup.


Et quand le salopard s'approche trop, elles appellent leur progéniture depuis le bord du terrier,comme celle-ci qui s'est brusquement dressée en poussant un seul cri puis en s'immobilisant totalement.




Nous sommes restés longtemps dans ce paradis des marmottes où je reviendrai avec un meilleur matériel pour ne plus vous imposer ces images approximatives. Je ne compte pas toutes les photos que je n'ai pu prendre, comme ces 2 jeunes mâles chamois se tirant la bourre en pleine montée ou surtout cette hermine, à la fois craintive et curieuse. Elle nous est partie dans les pieds, se faufilant entre les pierres, puis surgissant en nous fixant une seconde de sa petite tête insolente, oreilles dressées et babines retroussées comme en un rictus ironique, puis disparaissant pour reparaître un peu plus loin. Elle avait un dos fauve, magnifique et le ventre tout blanc. 

Cette journée fut d'ailleurs riche en rencontres, comme ce sanglier broutant paisiblement dans un champ au bord de la route, une route qu'un lièvre traversa comme une flèche devant le capot de la voiture. Vive le Mercantout, ses habitants à 2 ou 4 pattes, et.... sa boulangerie de Saint Sauveur de Tinée.


J'oubliais une dernière nouvelle, après celle de la chute de la maison de bois : 2 maisons du camp des Fourches sont en cours de restauration, sans doute celles qui abritent les fresques de nos fiers chasseurs alpins. Aussi ne peut-on plus les voir pour l'instant alors qu'elles étaient libres d'accès il y a 6 ans. Cf le post déjà cité, A pas de loup.


Vue générale vers le sud depuis le Col de la Bonnette