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vendredi 20 janvier 2017

Tout ça pour ça !

Avec l'arrivée du froid , le parc et ses habitants s'enfoncent doucement dans l'hiver. Le lac est gelé par endroits, encore libre à d'autres. C'est le moment le plus spectaculaire car l'eau en ces 2 états offre de nombreuses possibilités suivant l'humeur et les besoins.

Les mouettes se posent avec délicatesse pour ne pas déraper à l'atterrissage.




Les colverts se promènent avec précaution sur la glace, en évitant de se dandiner pour ne pas glisser, ce qui leur arrive parfois malgré tout. D'où une noble démarche qui ne mérite plus les quolibets que l'on adresse habituellement aux palmipèdes arpentant le plancher des vaches.



On arbore fièrement ses pattes rutilantes, on s'admire sur le miroir de la glace.




Les mouettes rieuses se livrent à cet exercice sans retenue, mais elles préfèrent à l'exactitude du portrait, la surprise sans cesse renouvelée des jeux de la lumière et de l'eau. Il est vrai qu'elles sont diablement séduisantes, dans leurs habits d'hiver, quand elles se penchent au dessus de l'eau  à la limite de la fragile pellicule solide...





... et carrément irrésistibles quand elles reflètent leurs jolies courbes dans une eau qui ondule doucement.





Moins frivoles ou moins narcissiques, des couples savourent le bonheur paisible d'être ensemble, tout simplement, serrés l'un contre l'autre ou se regardant sans fin, les yeux dans les yeux.



D'autres n'arrêtent pas une seconde de chercher une nourriture qui devient plus rare. D'où parfois une certaine frénésie presque comique.



Ces 3 canards blancs, des canards de Pékin (comme Donald ou Oncle Picsou) ne se quittent jamais et arpentent le lac à la queue leu leu avec un sens de la discipline jamais pris en défaut. En revanche, ils perdent un peu de leur dignité quand ils cherchent leur nourriture au fond de l'eau. Incapables, contrairement aux colverts, de rester la tête en bas, ils sont obligés de pédaler avec frénésie pour se maintenir sous l'eau.





Enfin, pour beaucoup c'est, malgré le froid,  l'heure de la toilette qu'on fait avec application jusqu'à s'en dévisser le cou.






A côté de l'épouillage, il y a d'autres techniques, plus globales. Pour les canards, c'est le bain énergique. L'eau glisse sur leurs plumes comme dans une publicité pour des vêtements imperméables.


J'aime bien les observer quand ils ressortent de l'eau . On les dirait comme ahuris de ce qu'ils viennent de faire.

Les mouettes préfèrent au bain dans lequel on macère, le rapide plongeon tête première. L'occasion pour elles de montrer toutes les acrobaties dont elles sont capables.

Long virage glissé sur l'aile...




Freinage énergique...



Atterrissage majestueux, tous volets sortis. L'envergure des ailes semble  presque disproportionnée...




Voici pour les figures de base. J'en viens à leurs plongeons. A les bien observer, ils n'ont pas pour objectif quelque nourriture aquatique. Le bec est toujours vide quand elles remontent à la surface. Non, le but, c'est bien simplement de se plonger dans l'eau. Une dizaine de fois, puis on s'arrête. Et c'est une autre mouette qui prend le relais.

La séquence est toujours la même : recherche d'une surface d'eau libre ; vol stationnaire et inspection attentive de l'eau ; basculement vers le bas et plongeon. Puis on recommence éventuellement.

1er temps :





2ème temps :




3ème temps, on ressort un peu éberlué et éventuellement on recommence.


Ça recommence ...







Toute cette activité se déroule naturellement dans l'indifférence générale. 

Au dessus de cette couche aquatique, une deuxième couche, aérienne, où circulent les pigeons et les perruches. Si les pigeons descendent parfois jusqu'au sol pour faire admirer leur œil méphistophélique...


... les perruches ne se posent que dans les plus hautes branches des platanes. Dommage que leurs cris soient si désagréables et qu'elles aient envahi tous les espaces boisés, chassant les passereaux et autres oiseaux paisibles, elles sont si belles avec ces nuances de vert et de jaune et leur oeil semblable à la cocarde de la Patrouille de France.



Enfin, encore plus haut, c'est le règne des corbeaux, toujours à se chamailler pour on ne sait quelle prééminence éternellement contestée dans un jeu qui ne semble jamais les lasser.






Au demeurant, tout cet espace sauvage au milieu de la ville est bien paisible. Même les mouettes rieuses, si bagarreuses, se contentent de quelques cris sporadiques, sans chercher querelle avec leurs voisines.




Même les agressions entre canards sont rares, comme si le froid gelait aussi les pulsions mauvaises.


Je n'étais donc pas préparé du tout à ce qui allait suivre.

Je m'étais arrêté pour admirer un héron, exceptionnellement proche du bord. On ne pouvait le manquer, alors que d'habitude la plupart des promeneurs en ignorait jusqu'à l'existence. Il était immobile comme une statue, se déplaçant parfois pour continuer à profiter du soleil que l'ombre des arbres masquait de temps en temps, indifférent à tous ces smartphones qui se tendaient bizarrement vers lui. 

La tête rentrée dans les épaules, il semble minuscule, replié sur lui-même pour résister au froid, le cerveau vide en attendant que passe le temps.



De l'autre côté du petit lac, un autre héron se tient lui aussi immobile. Il est totalement seul sur cette rive dénudée pour ne pas dire sinistre, plongée dans une ombre perpétuelle qui ne se dissipera qu'au printemps. Ce face à face est étonnant,  la rive enchantée, pleine de soleil, où canards, bernaches, pigeons cohabitent tranquillement contrastant avec l'autre rive, lugubre, où le héron semble piqué comme un muet reproche adressé aux dieux injustes du parc.


Soudain, le héron qui m'est le plus proche se dresse brusquement, déploie son long col, attentif.


Je comprends ce qui l'intrigue, quand je m'aperçois que l'autre héron a quitté ses rivages glacés et se rapproche sournoisement, avec l'attitude obséquieuse d'un conspirateur qui cherche à dissimuler ses intentions belliqueuses.




Puis, quand il estime qu'il s'est suffisamment rapproché, il se dresse complètement et avance , vers nous,  à grandes enjambées, sans plus cacher son projet malfaisant. On le dirait possédé par quelque folie dont il n'arrive à sortir qu'en se jetant dans la bagarre avec détermination.





Devant l'agression, mon héron commence par tenter de fuit, puis il se ravise et fait face à l'agresseur.




Enfin, il se résout à quitter son petit havre de paix, poursuivi par son assaillant. S'en suit un long ballet circulaire par lequel mon héron se sauve par le haut, obligé de décrire de longs cercles pour prendre de l'altitude, dans ce périmètre trop resserré pour ses grandes ailes.







Il effleure l'eau de son aile, comme un surfeur qui trace de la main un sillon dans la vague.




Et puis tout rentre dans l'ordre. Mon héron reprend sa place, son adversaire campe à quelque distance, toujours dans le froid, avant de partir définitivement pour un autre perchoir, tout en haut d'un cèdre.



Dès lors, il n'y aura plus d'agression, chacun juché sur une seule patte en signe d'immobilité tranquille. Tout ça pour ça ! Toute cette agitation pour rien !

Il y aura bien encore une alerte avec un jeune chien qui déboule, obligeant mon héron à s'envoler un temps.






Mais c'est pour mieux revenir au même endroit.

Pas plus que je n'ai compris la brutale bagarre, je ne comprends l'inactivité du héron. Que peut-on bien ressentir à rester ainsi immobile ?


Parfois il me jette un coup d’œil, étonné lui aussi, peut-être, par ma propre immobilité. Qu'est-ce qui lui passe par la tête à cet abruti qui ne cesse de me mater ?



Un petit pas à droite, un petit pas à gauche, un brusque intérêt pour quelque poisson en vadrouille.





Cette fois-ci, cela semble plus sérieux. Pourtant il n'ira pas jusqu'à foncer tête baissé dans l'eau.


De ce côté-ci peut-être ?


Il en baille d'ennui, comme il la faisait déjà un peu plus tôt, juste avant que le chien fou ne l'oblige à prendre de l'exercice..







Finalement pourquoi s'agiter, on est si bien à buller en profitant des derniers rayons de soleil ?






Je suis bien d'accord !

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