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lundi 16 mars 2020

Paris. Un dimanche pas tout à fait comme les autres.


Le café en bas de chez moi a beau avoir une enseigne propitiatoire, Au Bon Vivant, il est fermé comme tous les autres quand je pars pour une petite balade à vélo dans Paris. Direction, les Champs Elysées.

Sur le chemin, tout paraît à peu près normal, les cafés fermés mis à part. Les instruments du virtuel sont encore un peu plus incontournables et se battent dans Paris à coup d'immenses bâches prémonitoires, Apple à Châtelet, Samsung à la Concorde.



Comme prévu, les boutiques des Champs sont fermées, à l'exception des kiosques et l'avenue quasi-déserte, tant du côté de la rive ombrée que de celle qui se chauffe au soleil.





Les rues adjacentes sont encore plus sinistres.



Dans cette atmosphère étrange, la moindre affiche prend un sens nouveau.




Le Fouquet's, cet emblème des Champs, est logé à la même enseigne que les autres plus modestes...



... même ceux qui jouent la carte de la bonne humeur...


.... et même ceux qui cherchent à faire vibrer d'autres cordes.


Cette fermeture des cafés n'a pas que des inconvénients : finies les grandes terrasses sur le trottoir qui empêchent de circuler. Aujourd'hui, double avantage, pas de terrasses et pas de passants.




Les galeries marchandes sont également fermées et les grands hôtels semblent claquemurés, un agent de sécurité bien caché derrière la porte.



 Devant la porte du Marriott, le marchand de marrons grillés n'attire guère les chalands.

Quant aux Galeries La Fayette, inaugurées à grand fracas il y a tout juste un an par l'encore maire de Paris, elles semblent comme un grand vaisseau encalminé dans la mer des Sargasses.


Je m'étonne de constater que les consignes gouvernementales soient respectées aussi scrupuleusement. D'autres, moins exposés aux regards, comme le magasin d'informatique en bas de chez moi, sont ouverts. Il est vrai qu'il vend et répare des téléphones, ces biens désormais de première nécessité. Sur les Champs, la police veille.

En arrivant, je m'étais étonné de voir des gamins parlementer  avec le portier et finalement rentrer dans le magasin Apple.


Une jeune fille dont je ne sais si elle faisait partie du même groupe, essaya de rentrer mais en vain.



De fait, je regarde par la vitrine : les rayons habituellement bondés, sont vides.


Je repasse une demi-heure plus tard. en redescendant Je me retourne pour admirer les chevaux de la maréchaussée dont j'ai entendus claquer les sabots juste derrière mois.


La policière arrête son compagnon de promenade. Elle a vu quelque chose. Ils font demi-tour.

Le cavalier me jette le regard peu amène du flic qui n'aime pas qu'on le regarde officier.

Effectivement, ils y a quelques jeunes dans la pièce de droite (j'avais regardé dans celle de gauche). La policière avait vu juste. Pourtant, ce n'était pas facile de distinguer les gamins au milieu des reflets de la vitrine.

Parmi les reflets, il y a le mien.


S'en suit une discussion ("appelez votre responsable...") que je n'ai pas suivie. Je m'amuse juste de constater que quand on travaille chez Apple, on se fait de l'ombre avec son téléphone, greffé sur sa main.

Ce sont les seuls policiers que je verrai, une situation bien rare à Paris. Il n'y a guère de possibilités de troubles. Les Parisiennes ne sont pas venues. Quelques banlieusards ont affronté les périls des transports en commun, sans savoir peut-être que tout serait fermé. De craintifs touristes bien protégés croisent d'audacieuses élégantes.





Les équipes de télévision ont bien de la peine à recueillir les insipides commentaires qui iront "nourrir" les journaux télévisés.


Ils essaient de mettre leurs interlocuteurs en situation comme cette équipe, espagnole je crois. Voyant arriver un trio en trottinette, magnifique de prestance, tout à fait à la hauteur de l'événement avec leurs masques. Ils les arrêtent pour leur demander de rejouer leur descente, bien en ligne, comme les guerriers inquiétants d'une future apocalypse.



L'épisode qui se voulait dramatique tourne au ridicule. Ces 3 étrangers qui ne parlent pas espagnol finissent par comprendre ce qu'on leur demande. Ils remontent mais ratent leur virage au moment de redescendre vers la caméra et les voilà qui arrivent en ordre dispersé, à la queue-leu-leu. Le journaliste essaie de discipliner leur misérable cortège en faisant de grands gestes. En vain. Voilà le bel effet raté. Un peu plus tard, je les revoie, journaliste et cameraman, en train de se filmer tous les deux dans un curieux selfie dont il est certain qu'il ne passera pas à l'antenne. 


Les Parisiens n'ont pas déserté Paris ni ne sont restés confinés chez eux comme la prudence devrait les y conduire. Ils sont ailleurs et en nombre. Après tout, c'est le printemps. Les premières feuilles apparaissent et s'il n'y a guère de fleurs, on a toujours les tulipes de Jeff Koons.


Quel dommage que l'on installe la sculpture sur un socle. Le symbole serait plus fort si la main surgissait de la terre, comme une moderne Perséphone émergeant des Enfers.

Les Parisiens s'agglutinent en grappes compactes sur les quais de la Seine. Les eaux sont hautes et certains s'amusent à braver les flots pour rejoindre le saule de la pointe du Vert Galant. Le soleil au dessus, la menace au dessous, et, entre, les humains en train de rigoler, insouciants de la petite bête qui saute de l'un à l'autre.





Mêmes scènes, le long des quais de l'île Saint Louis. On croit deviner, sans y croire, la foule entraperçue derrière les branches. Mais oui, c'est bien vrai, ils sont là, entassés et heureux, pour ne pas dire fiers, de l'être. 




Sous son aspect apparemment paisible et innocent, la scène me semble aussi grotesque que ce que je viens de voir dans une allée des Champs où un groupe de rappeurs s'enregistre entre 2 voitures qui passent.




Pas étonnant que ces personnages silencieux et inquiétants qui dominent le spectacle depuis les tours de Notre Dame, sourient avec cette malice mauvaise de ceux qui ont vu, depuis des siècles, de semblables "danses sur le volcan" et qui savent comment cela finit...


.... quand ils ne se contentent pas de nous tirer la langue dès fois qu'on se prendrait au sérieux, nous et notre petit coronavirus.

"Quel ennui, ces humains, si définitivement prévisibles !"

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